Putain elle t'a cassé les couilles, t'as jeté ton téléphone à l'autre bout de la pièce - a failli réveiller Elijah qui pionce déjà à côté de toi. Non il doit être sur le sien aussi, tourné face contre le mur. Tu pestes et tournes sous les draps, cherches le sommeil mais tu fixes le mur, agacé au possible. Tu vois que la petite lumière s'allume plusieurs fois près de l'armoire (là où a atterri ton pauvre portable) et devines qu'elle t'envoie encore des messages.
Qu'elle te foute la paix, un peu.

Tu décides de sortir au bout de trente minutes d'insomnie, ne prenant meme pas la peine d'enfiler un bas, seulement en caleçon - dans lequel est glissé une flasque de whisky. Il fait trop chaud de toute façon, le début de l'été se fait bien sentir, et le métal de la fiole sur tes couilles fait du bien. T'as tellement hâte de la fête de samedi putain.

Tu déambules dans les couloirs, défonces une machine de snack à coup de pied pour faire descendre une barre de chocolat, la coinces entre tes lèvres puis extirpes la flasque d'alcool de ton calbut. En passant dans un détour tu remarques la présence d'un corps prostré contre le mur. Tu baisses les yeux pour toiser l'individu, avant de les écarquiller de surprise en reconnaissant la chevelure blonde de Scarlet.

— « Tiens. Salut Scar. »

T'as l'air clairement méchant dans ton regard, les yeux dilatés de rancune et une grimace disgracieuse fendue sur le visage.

T'as pas envie de lui parler, seulement de te venger, de la faire poireauter (souffrir comme elle le fait si bien).

— « Rentre pas trop tard dans ta chambre, s'lut. »

Tu tournes les talons, ouvres la fiole pour boire cul sec une gorgée. Ça t'arrache un frisson qui se ressent jusqu'à la raie ton cul. Tu lui jettes un dernier regard haineux par dessus ton épaule alors que tu t'éloignes.
Trainée va.

Elle murmure ton prénom mais t'entends pas, tu veux pas écouter. Elle t'attrape le poignet et tu tires dessus pour te dégager mais pas trop fort parce que t'en as pas la conviction au fond de toi. Tu finis par relâcher la pression et la laisser faire - un peu penaud mais pas moins satisfait de la voir ramper pour obtenir ton prénom.
Tu finiras par craquer et lui pardonner, mais avant ça tu préfères fulminer.

— « Tu voulais pas mais tu l'as fait. »

OK, t'es clairement un fragile mec. Une meuf te rembarre et tu joues les vierges éplorées ? A croire que ta masculinité toxique ne reflète pas que ton égo démesuré.
Tu frisonnes quand elle passe ses bras autour de ton torse et lâches les bras le long de ton corps, la flasque flottant au dessus du vide du bout de tes doigts.

— « Hmpf. »

C'est que cette image de Scarlet sur toi, t'en as rêvé dans tes nuits les plus dérangées. Tu te retournes pour lui faire face, la toisant de haut. C'est vrai qu'elle est minuscule.

— « C'est bon casse pas les couilles. »

Etires un sourire narquois.

— « La grande chef des rebelles revient la queue entre les jambes pour supplier le chef des populaires. Quelle indignité. »

Tu fronces les sourcils, la détaillant de haut en bas. Ce haut gris, avec ce logo - bah il est à toi non ? Tu pensais l'avoir perdu y'a plusieurs années.

— « Pourquoi tu portes mes fringues toi- »

Que tu demandes d'un air un peu brusque, visiblement confus par cette éventualité, qui se transforme en certitude encore plus malaisante. Tu viens choper son visage d'une main, te penchant en dessus d'elle.

— « Depuis quand tu te promènes avec mes t-shirts toi ? »

Bien évidemment que tu vas la dénoncer et raconter des crasses sur sa gueule demain, c'est un peu la base de votre relation quand même ? Enfin, à en voir son visage et ses pommettes roses, tu en viens à te poser la question. Tu tiques, confus sur l'interprétation que tu dois t'en faire. Surtout qu'elle porte ton t-shirt comme une groupie un peu cheloue. Ah ! Pas pour t'en déplaire, ça c'est clair mais c'est un peu contradictoires avec tous les signaux négatifs qu'elle t'envoie à longueur de temps.

— « ... Ah ok. Ouai non je m'en souviens pas. Je devais être torché. »

Comme d'habitude. C'est quand que t'es sobre d'ailleurs ? Tu serres ta prise sur son visage, avances ton visage pour que vos souffles se mêlent - sourire sadique qui s'étire.

— « Ton pyjama hein... Putain tu viens de niquer mes rêves érotiques. Pour moi tu dormais à poil. »

Une idée de génie te traverse. Tu lâches son visage pour venir choper le tissu au niveau du col, ainsi la soulever pour qu'elle se mette sur la pointe des pieds et galère à tenir en équilibre, pour la maintenir à ta merci.

— « Bah non en fait. Tu vois le truc... c'est que c'était mon t-shirt préféré et je veux que tu me le rendes. C'est clair ? Alors enlève-le et file-le moi. »

Elle déchante vite, ça te faisait marrer dans ta tête mais tu vois sa mine furieuse et ça te brusque. Elle aurait du rigoler non ? C'était bien trouvé, non ? Tu resserres un peu plus ta prise parce que tu sais pas quoi répondre, l'esprit embrumé et encore salé de vos échanges précédents. Tu lui aurais bien retiré de force dans un éclair d'absence de lucidité mais ton peu de moral rattrape le coup et à sa demande suppliante, tu la lâches finalement.

— « C'est bon garde le, je déconnais. J'en ai rien à foutre de t-shirt, ça m'empêche pas de me promener à moitié à poil dans l'établissement alors... »

Mais tu ne recules pas pour autant, ne lui laisse que l'espace naturel créé par la différence de vos tailles respectives. Tu la regardes de haut, menton baissé dans sa direction. Elle évite ton regard, maintenant.

— « Je t'ai fait peur ? »

Tu sais que parfois tu peux être brutal, injuste, flippant et déraisonnable.
Glisses ta main sur sa joue peut-être dans l'espoir indélicat et narcissique de te faire pardonner. Tu sais qu'elle peut pas t'en vouloir très longtemps.

— « Faut que j'arrête de forcer avec toi, ça mène nul part. »

Peut-être que tu devrais te contenter des autres meufs - celles qui crèvent pour toi, qui n'ont d'yeux que pour toi.
Plutôt de courir après un mirage qui a été clair avec toi plus d'une fois.

— « Ça me fait chier. »

Tu frisonnes en sentant ses doigts, encore plus à l'évocation d'une terrible vérité qui t'avait échappé jusqu'à lors. Tu observes davantage son cache-oeil, ayant un peu honte d'avoir trouvé jusqu'à présent ce détail surement sordide comme un qualificatif qui la rendait cool, et c'est tout. Sans une seule seconde penser à comment c'était arrivé, à comment elle a pu en souffrir.
Combien elle a pu avoir peur.

— « Désolé. »

Tu détournes un peu le regard, mal à l'aise. Ah, Arsene tu es un mauvais garçon et pourtant t'arrive à culpabiliser quand tu vas trop loin. Non, en fait, c'est juste quand c'est avec elle.

Mais elle joue à un jeu dangereux quand elle se met sur la pointe des pieds, enlace ta nuque pour rapprocher vos visages. T'es à deux doigts de craquer et de te laisser aller à l'embrasser, sans penser aux conséquences ni au lendemain. Tu veux juste t'écouter, ne pas te nier davantage. Parce qu'en cet instant, t'es vraiment Arsene et pas juste le personnage que t'as érigé pour te protéger.

Tu ne réponds pas à sa première question, brusqué par la deuxième. Tu contemples l'espace de quelques secondes le futur qui s'offrirait à vous si vous vous étiez ensemble - parce qu'etre fidèle ça veut dire être amoureux non ?
Tu déglutis, te mords la lèvre alors qu'une goutte de sueur perle le long de ta tempe, s'échoue sur le carrelage du couloir.

Fermes les yeux et tu préfères être honnête.

— « ... Non. »

ça te tord le bide et les tripes, t'as envie de gerber.
Sent qu'elle peut s'éloigner à tout moment, et tu lui attrapes les bras pour la retenir entre toi.

— « Scar... »

Tu sais même pas pourquoi t'as répondu non. Peut-être parce qu'au fond de toi t'as peur de te prendre un autre râteau, ou peut-être que t'as autant peur d'aimer que d'être aimé. Tu l'as objectifié pendant des années, l'a imaginé se courber à l'orée de tes lèvres et ce rêve est désormais accessible au bout des doigts. Tu viens caresser ses cils du bout de ton index, récoltes une perle de sel perdue entre deux battements (de coeur).

— « Scar je sais pas si je serais prêt pour ça, à t'attendre pendant que tu fais n'importe quoi. »

T'es pire qu'un cliché Arsene, tu ES le cliché ultime du bad boy connard qui peut pas s'empêcher de succomber à ses vices, même si ça doit faire souffrir la fille qu'il croit aimer.

— « Arrête d'y pen- »

Tes yeux s'écarquillent de stupeur quand ses lèvres se plaquent sur les tiennes, tu cambres le creux de tes reins et t'aggripes à ses épaules. La maintiens droite alors que t'es penché au dessus d'elle, tu réponds à son baiser avec passion et hargne.
Quand vos bouches se libèrent, la tienne cherche instinctivement à retrouver l'autre. Les paupières mi-closes, t'as chaud aux joues et tu tousses, gorge irritée. L'abus d'alcool est dangereux pour la santé.

— « Alors on fait comme si rien ne s'était passé ? »

Putain ça va être encore plus dur maintenant que tu sais.
Qu'il y aurait pu avoir quelque chose si t'étais moins con et si elle savait mieux communiquer.
Tu vas devoir te retenir de péter la gueule à tous les mecs qui lui tournent autour.

— « Moi j'aimais bien l'idée que tu sois ma groupie. »

Tu te grattes l'arrière du crâne, visiblement mal à l'aise.

— « Mais t'as raison, les sentiments c'est vraiment de la merde. »

Venger ses parents... toi ça pourrait être plutôt l'inverse. Te venger des tiens qui t'ont abandonné à l'état sans même le regretter une seule seconde - qui n'ont pas attendu que tu sois hors de portée de l'entendre pour déclarer aux recruteurs qu'un enfant sage comme le leur pourrait leur rapporter beaucoup d'argent, que ça leur permettrait de nourrir les quatre autres correctement.

A croire qu'ils ont perdu un objet et non leur fils. C'est pour ça que tu t'es persuadé d'être supérieur à eux, à tous. Tu marcheras sur ce monde Arsene, juste pour le plaisir vicieux (désespéré) de leur faire regretter leurs paroles.

T'es amer quand tu la vois camper sur ses positions parce que pour l'instant tu veux pas être délogé de la tienne.

— « Ouai. Peut être. Qui sait... »

C'est elle qui parle de douleur ? Égoïste tu l'es, surtout quand tu as l'impression qu'on rabaisse ce que tu peux ressentir. Tu es tellement auto centré sur toi même que tu as l'impression que rien ne pourra jamais être pire (que toi).

— « Tes sentiments ? Il est un peu tard pour se réveiller à l'aube de nos vingt ans quand ça fait dix ans que je te cours après. »

T'es juste effrayé, c'est pour ça que tu veux continuer à en souiller d'autres. Que tout reste comme avant, qu'elles soient toutes à tes pieds.
Que tout. soit. comme avant.

Dernier baiser et tu fermes les yeux.

— « Bonne nuit Scar. »