Tu savais qu’il n’y avait rien à dire. Rien à faire. Tu devrais attendre, attendre que ça se passe. Attendre pour vous préserver tous les deux. Attendre pour échapper à tout ça, à cette soirée, à cette nuit, à ces sentiments.

Y’avait pas de porte de sortie. Pas de bout du tunnel. La vie, c’était juste qu’un long chemin tout sauf tranquille. Tu savais que tu ne pouvais rien y faire. Qu’elle ait mal maintenant ou dans quelques jours. Tu peux tout empêcher Sacha. T’es comme tout le monde, une victime des sentiments.

T’es resté silencieux un moment. C’était frustrant. Quoi que tu dises, quoi que tu fasses. T’étais voué à servir à rien. Et ça ne faisait qu’aggraver ton sentiment de culpabilité. T’étais dans une spirale autodestructrice. Un problème qui te colle à la peau Sacha. Un défaut qui refuse de te lâcher.

Tu sais bien que c’est faux. Être un robot ou un humain ça changera rien au problème. Certaines personnes peuvent donner l’impression qu’elles ressentent rien et c’est loin d’être ton cas Scarlet.

Sinon tu ne te serais pas énervé autant. Tu n’aurais pas craqué au milieu de la soirée. Tu n’aurais pas laissé libre cours à ta haine, peine et tristesse. Elle est la plus humaine des humains que tu connais.

Si ça peut t’aider à te sentir mieux tu peux y aller, défoule-toi sur moi. Tout ce que je veux c’est que t’arrête de culpabiliser.

Si on te connaissait pas bien, on pourrait presque croire que tu tapes dans l’humour Sacha. Une phrase comme ça venant de toi, c’est à la limite de l’ironie. Pourtant tu le pensais vraiment, toi le plus gros martyre de cette époque tu ne voulais pas que les autres subissent ce que tu t’infliges quotidiennement.

La soirée allait se terminer de toute façon. Et tu n’y es pour rien. Si c'était pas toi c'était le conseil qui allait mettre fin à tout ça. Et puis Arsène a fait le con, c’est son problème. Toi t'as rien fait de mal.

Tu l’avais pas oublié toi non plus. Cet abruti. Vraiment quelle plaie ce sale gosse. Tu ne voulais pas trop penser à lui, tu ne voulais pas lui donner ce plaisir.

Commence par me donner son portable. Je m’en occupe.

Tu te penches ensuite vers la balustrade, laissant ton regard se perdre à l’horizon. La nuit était déjà bien tombée, le campus était à peine éclairé par quelques lampadaires. Le bruit c’était peu à peu calmer. La soirée était sur le point de s’achever on dirait. Cette petite brise qui descend le long de ta nuque t’arraches un tressaillement. La fraicheur du soir faisait un bien, surtout en cette période de l’année.

T’occuper ? Je connais un coin sympa où tu peux te lâcher. Tu pourras y aller à fond. Je pense que ça te fera du bien et puis ça t’évitera aussi les problèmes. On peut y aller et revenir en vitesse si ça te chante.

Tu voulais l’aider, sincèrement. Et du mieux que tu pouvais. Tu voulais apaiser ne serait ce qu’un peu tout ce qu’elle avait sur le cœur. Toutes ces blessures qui hantaient en ce moment-même son esprit. Tu lui avais dit que tu seras là pour elle. T’es là et tu bougeras pas tant qu’elle t’aura pas jetée d’elle-même.

Elle avait raison. Tu le savais au fond. Tout au fond de toi. Pourtant, tu ne pouvais pas t’en empêcher, c’était plus fort que toi. Ce complexe du martyre. Cette addiction à laquelle tu t’accroches. Tu devais le dire, tu devais le faire. T’avais beau chercher tes mots, t’avais beau réfléchir, tu finissais toujours pour t’abandonner aux autres.

Elle te lance un regard noir, elle te connait. Elle le sait depuis le temps. T’es prévisible, affreusement prévisible. Alors tu souris légèrement, avec une pointe de tristesse. T’as rien à dire. Y’a rien à faire. Tu sais qu’elle dit la vérité. C’est pas à toi de la contredire, surtout pas sur ce point. Surtout pas sur ton plus gros problème.

Les sentiments ça marche dans les deux sens Scarlet. A moins de n’aimer que soi-même. Et dans le pire des cas, ça se respecte. Je connais Skye et je doute qu’elle ait ce genre de relation avec lui. T’as peut être craquée, mais t’as pas craquée pour rien Scarlet.

Tu voulais qu’elle comprenne au moins ça. Qu’elle se rende compte de la situation. T’étais bien placé pour le savoir. C’est facile de culpabiliser. C’est beaucoup plus dur de se pardonner.

Elle choisit de garder le portable d’Arsène. T’insiste pas. Elle devait s’expliquer avec lui de toute façon, elle aura l’occasion de lui rendre. T’as tendance à plus lui faire confiance à elle qu’à l’autre abruti. Et puis tu voulais surtout utiliser le portable comme prétexte pour lui parler. Tu trouveras autre chose, forcément.

Arrête un peu, tu t’es énervé ça arrive. Je te l’ai déjà dit, la soirée était sur le point de se finir. J’ai évité le gros des ennuis tout à l’heure, t’as pas à t’inquiéter. T’as pété un câble oui, c’est pas la fin du monde. Au contraire, ça arrive à tout le monde Scarlet. T’aurais pu continuer à t’énerver, m’étaler contre le mur ou me protéger tout en bas. Mais tu l’as pas fait. Alors non, t’as pas fait de la « merde », pas de mon point de vue.


Elle s’approche de toi, sa tête est toute chaude. Tu fermes les yeux en posant doucement ta tête sur la sienne. Si seulement la vie pouvait être plus simple. Aussi simple que ça. Si seulement.

Je te raccompagne au moins. Je vais y retourner pour voir si tout est bien terminé de toute façon. Je vais pas laisser Mason s’en charger tout seul le pauvre. Tu soupires. Et je dois voir comment va Ana. J’espère qu’elle va bien.


Tu te souviens du message de Mason. Tu lui fais confiance. Mais t’arrives pas à te sortir cette image de la tête. Que t’as pas les épaules pour tout ça. Pour ce rôle, pour ce poste, pour ce rang. T’arrives à peine à tenir ton rôle de grand frère et ami. Alors tout à la fois. On peut pas dire que ce soit incroyable Sache.

Et c’est ça le problème Sacha. C’est ton problème. A vouloir que tout soit parfait. Qu’ils aient tous le sourire autour de toi. A te scarifier pour leur bonheur. Tu te foutrais une balle dans le corps pour leur offrir un sourire. Rien qu’un sourire. Le pire, c’est que tu te laisses crever petit à petit, avec le sourire. Toujours avec ce putain de sourire. Ton putain de sourire Sacha.