Fière • Bornée • Honnête • Tempétueuse • Secrète • Attentionnée • N’assume pas ses émotions • Travailleuse • Bagarreuse • Prévisible • Prévoyante • Blessante • Solitaire • Bruyante • Impulsive • Brutale • S’attache trop vite à son goût • Pas confiance en elle • Ni aux autres •


On la pense brutale, qui ne sait pas s’exprimer autrement qu’en frappant et qu’en hurlant. Elle s’impose de sa présence, elle grogne à moitié quand elle admet une vérité qui ne lui plaît pas, elle reste fière et bornée dans ses idées… Oui, son image n’est clairement pas parfaite. Loin de là, on pourrait même la fuir dans la crainte de recevoir un de ses poings dans la figure. Elle fait peur un peu non ? À marcher trop vite, à toujours avoir les sourcils froncés, à ne jamais sourire sincèrement. Pourtant, elle serait jolie avec sa jolie bouche étirée.

Mais non, elle adopte ce comportement pour ne pas qu’on l’approche.
Et là on se demande pourquoi ? Parce qu’au fond, elle n’est pas méchante Electre.
Non, elle crie beaucoup, elle frappe, mais n’agit jamais sans raisons.

Elle le cache bien pourtant, ce côté si doux, si attentionné envers les gens. Celui qui fait qu’elle passera du temps à écouter même si elle fait mine que ça l’emmerde, qui fait qu’elle fait des efforts quand il le faut pour ne pas blesser les autres. Elle s’attache, comme tout le monde, parce qu’elle a un cœur au fond. Juste qu’elle ne sait pas comment s’exprimer, qu’elle ne sait pas placer des mots sur ce qu’elle ressent. Que ça la gêne aussi ce domaine qu’elle ne contrôle pas.

Alors elle fuit
Elle tape à la place
C’est plus facile pas vrai ?

De se faire détester que de se faire aimer.
C’est moins de chose à gérer, moins de chose à espérer.
Même si son cœur est toujours serré à cette idée.

C’est mieux comme ça.
Parce que t’es pas faite pour ça.

Dix-huit années d’existence.
Trois années qu’elle est sur l’île.
Quinze années vécues avant.

Ses premiers souvenirs à Electre remontent à des cris. Ceux de sa mère quand elle essayait de se défendre alors que son père qui avait trop bu la frappait. Elle, si petite, regardait derrière la porte entrouverte sans comprendre ce qu’il se passait. Il faisait ça souvent le soir, après le verre de trop. Il hésitait avant de le boire et ensuite, il criait avant de lever la main pour faire mal. Un peu comme s’il savait à l’avance ce qui allait se passer mais qu’il s’en fichait. Sa mère qui était si jolie avec un sourire pleurait tellement ces moment-là.

Electre, si jeune, pleurait tout autant en silence en la voyant comme ça.

Puis quand elle lui demandait pourquoi, sa mère ne disait rien. Elle souriait, comme à son habitude, mais ses bras couverts de bleus n’arrangeaient rien. La petite avait cinq ans, mais elle avait déjà une bonne compréhension des choses. Et un soir, elle voulue faire quelque chose pour sa mère. Parce qu’elle est si gentille, elle lui a offert une peluche si précieuse qui lui tient compagnie, alors elle aussi veut lui faire plaisir. Mais si jeune, elle n’a pas beaucoup d’impact pas vrai ? Pourtant elle essaie, elle sort de sa cachette pour crier aussi, les larmes dégoulinant de ses joues en se précipitant vers sa mère adorée.

Le père en colère n’est que plus agacé de cette interruption. Il y a claquement dans l’air, un petit corps fragile qui tombe en arrière avant de percuter quelque chose et un cri encore plus angoissé qui lui perce les oreilles.

Puis plus rien pour ce soir.


Elle a dix ans quand elle se retrouve dans une autre famille.
Sa mère est partie, trop faible pour continuer à vivre et son père s’est fait arrêter alors elle doit trouver un autre endroit où grandir. Les adultes lui ont dit que ces gens seraient ses nouveaux parents, qu’elle aurait des frères et sœurs aussi. Electre ne sait pas si elle va les aimer, mais elle va essayer parce qu’ils veulent bien d’elle.

Pas vrai ?

Ils sont souriants, mais quand les gens en costumes s’en vont, ils ont un drôle d’air. Ils la regardent de travers, sauf la plus petite fille qui semble sincèrement contente de la voir. Plus jeune d’une année, elle a de jolies boucles brunes qui lui tombent dans le dos et son rire semble sonner comme un gazouillis de nouveau-né. Electre l’aime bien, mais ses nouveaux parents ne lui parlent pas beaucoup.

Le grand-frère est méchant, il lui tire les cheveux en la poussant par terre. Il se moque avant de lui dire qu’elle n’appartient pas à cette famille.

Qu’elle est seule.

Mais la petite sœur la défend, elle est la seule d’ailleurs.
Puis il y a ce jour, le jour des quatorze ans d’Electre, où elles sortent dehors. Pour fêter la chose. Elles vont en ville, c’est une bouffée d’air pour elle d’ailleurs, elle ne supporte pas cette famille mais Alice, sa jeune sœur, fais tout pour qu’elle soit bien. Alice, si douce et compréhensive, elle l’adore. Alors que ses parents ne voient pas son existence, ne tiennent en compte que ses notes. Ils demandent l’excellence mais même quand elle l’obtient, cela ne suffit pas. Le grand-frère la méprise, ne lui adressant même plus la parole. Ou pour lui dire qu’il ne l’aime pas. Qu’elle est une plaie.

Pour la rabaisser.

Mais ce jour, cet anniversaire qu’elle va passer avec cette chère Alice, sera le début d’un enfer pour Electre. Il a suffi d’un moment d’inattention pour qu’un accident arrive. Pour que sa sœur traverse un peu trop vite sous l’impatience, lui expliquant qu’elle recevrait un cadeau bientôt mais que pour le moment, une balade suffirait. Electre était plus posée à ce moment-là, alors elle ne traversa pas la route en même temps, se contentant de rire face au bonheur qui semblait lui ouvrir légèrement ses portes.

Et puis, il y a eu un crissement de pneu qui lui fit trop mal aux oreilles.
Un choc, puis un silence trop long avant qu’un bruit sourd ne se fasse.
Celui d’un corps qui tombe lourdement sur le sol.

Puis un autre cri. Le sien cette fois.


Cette année la changea.
Ses parents étaient devenus violents envers elle, ne supportant même plus de la voir.
Son grand-frère était le pire. Il la martyrisait. La réveillait en pleine nuit pour lui donner des coups et dans les pires moments, lui marquait les bras en lui hurlant que c’est elle qui aurait dû mourir.

C’est elle qui aurait dû être renversée.
Elle, cet intrus à cette famille.

Elle s’est renfermée totalement cette année-là Electre.
Ne parlant plus ou peu. Ne rentrant parfois plus dans cette maison qui ne voulait pas d’elle.
Elle se demandait s’il avait raison parfois, Daniel.
Ce grand-frère qui ne l’a jamais aimé.
Est-ce qu’elle aurait dû être là ?

Cette question lui revenait souvent en tête, toute cette douleur qu’elle recevait dans la figure, qu’elle contenait en elle n’était parfois que trop grande pour qu’elle puisse le supporter. Alors elle s’isolait, s’enfermait dans sa chambre, ne voulant plus revoir personne.

Mais le jour de ses quinze ans changea.
Ce jour où un coli arriva à son nom.
C’est le facteur lui-même qui alla la voir pour le lui donner.

Le coli d’Alice, arrivé une année après. Le facteur lui expliqua qu’il l’avait gardé pour ce jour car au vu de ce qu’il s’était passé l’année dernière, il n’avait pas osé venir avant. Alors il avait attendu, il s’est excusé même. Il ne fit pas de commentaire sur l’état d’Electre, qui n’était pas beau à voir du tout. Ce n’était pas ses affaires, mais son regard en disait long. Alors il resta avec elle quand elle ouvrit le coli, il voulait être sûr qu’elle le garde bien précieusement.

Des canons d’avant-bras en cuir. Si beau, qui paraissaient pourtant vieux mais l’usure se voyait à peine. Elle les enfila sans attendre Electre et elle le vit alors.

À quel point ils étaient spéciaux.
Elle les gardera précieusement.
Toute sa pauvre vie.
C’est une promesse.


Elle arrivera sur l’île pas longtemps après, quand elle voulut se défendre contre Daniel et qu’il y perdit un bras. Elle vit ça comme une chance que lui offrait sa sœur défunte, elle croyait dure comme fer que c’était l’occasion de vivre une nouvelle vie.

De montrer qu’elle existe pour une raison.