Livy baille. Elle n’avait pas beaucoup dormi la nuit dernière, ayant finalement pu rejoindre la soirée (clandestine) qu’elle méritait. Elle y avait presque cru, à la soirée ratée. Il faut dire que ça avait mal commencé, puisqu’ils rangeaient déjà quand elle était arrivée. Sans compter sur Arsene, ce connard d’Arsene bourré, buté, qu’elle avait encore dû ramasser car il avait encore foutu la merde sur son passage. Heureusement, en s’en allant, elle avait suivit une troupe sans même connaître prénoms et visages pour danser sous les étoiles, musique dans les oreilles et alcool au minois.
Lunette de soleil sur le nez, pieds sur la table, elle allume sa clope d’un revers de la main ; ne prend même pas la peine d’aller ouvrir la fenêtre. Bah – de toute façon elle ne cherchait pas à être discrète (faisait tout pour être vu). Et puis, elle attendait quelqu’un, à quoi bon sortir maintenant.
Une latte, deux lattes. Le temps commence à être long, mais elle voit encore des affaires sur la table. Son propriétaire n’est sûrement pas loin, et elle n’attend que ça Livy ; qu’il revienne dans la pièce. Au grès de ses humeurs, peut-être qu’elle lui épargnera l’achat d’une nouvelle table.
Pour l’instant, elle était juste agacée, doigt qui tape contre le bois, souffle chargé de fumé en l’air. Oui, agacée de ce qu’Arsene faisait subir aux autres, de ce que Sacha prenait sur lui. Elle voudrait tous les baffer. Car elle s’en fout beaucoup moins que ce qu’elle ne montre, Livy. C’est toujours comme ça. Il faut toujours qu'elle s'énerve contre tout le monde, les secoue un peu, leur crache leurs vérités au visage quand elle en a marre. Au final, c’est un peu une égoïste au grand cœur, une anarchiste aux colères partagées.
Under the same sky, at the same time, at the same place we’re probably seeing other people We were too young and didn’t understand love. I wish you happiness, Now goodbye goodbye
Ton téléphone avait sonné brusquement. Te sortant violemment de ta torpeur, les yeux lourds face au travail que tu accomplissais et qu’il te restait à faire. Tu avais vécu cet évènement comme un signe, une lueur d’espoir. L’occasion de te dégourdir les jambes. Une embrouille dans les toilettes. Dans ton état tu y serais allé quelque soit l’urgence. Même un chat coincé dans un arbre. Au stade où tu en étais.
Tu avais réglé le souci en vitesse. Arrivant et repartant dans un éclair. Ton pouvoir était lassant parfois. T’aurais préféré profiter de l’extérieur de ton bureau à peine plus longtemps. Rien qu’un instant de plus. C’était suffisant. Soupir désabusé sur le chemin du retour.
Tu laisses ton esprit vagabonder sur le trajet. Repensant à la soirée ratée. Au fiasco qui a coûté à deux de tes meilleures amies. A cause d’un seul homme. Arsene. Et il fallait que l’une d’entre elle est jetée son dévolue sur lui. Evidemment, sinon tout aurait été bien trop simple. Alors t’essayais de sauver le Titanic, sauver les apparences. Garder la face et faire comme si de rien était pendant que tout le bateau prenait déjà la flotte de tous les côtés. Il n’y avait rien à faire et pourtant, tu t’obstinais Sacha. T’étais persuadé que c’était la seule chose à faire.
Tu ouvres la porte de ton bureau sans guère prêter attention à ce qui t’entoures, l’esprit encore embrumée dans tes pensées. Tu ne t’attendais pas à recevoir de la visite aujourd’hui. Pourtant, la forte odeur de tabac te fait cligner des yeux, t’arrachant un brusque retour à la réalité. Plus d’échappatoire maintenant.
Tu la reconnais sans trop de difficultés cette présente. Livy. Tu l’aimais bien cette fille. Elle était dans ton groupe avant. Dans ta petite famille. Et malgré ses choix de vies, malgré sa décision de tout plaquer et de changer du jour au lendemain. Tu ne lui en voulais pas le moins du monde. Au contraire, tu avais confiance, tu te disais qu’elle avait ses propres raisons. Tu ne pourrais pas la juger sans connaître son histoire. Non, pour être franc, tu serais incapable de la juger, tout simplement.
Salut Livy, ça me fait plaisir de te voir ici. J’espère que tout va bien de ton côté, ça fait longtemps qu’on n’a pas pris un moment pour parler.
Tu lui adresses ton sourire le plus chaleureux, avant de faire le tour de la table pour regagner ta place. Tu t’installes sans vraiment prêter attention à sa posture, ses pieds sur la table ni la cigarette entre les lèvres.
Je te sers quelque chose ? Un café peut-être ? Tu marques une pause pour attendre sa réponse. Quel bon vent t’amène ? Rien de grave j’espère ? Dis-moi juste ce que je peux faire pour toi !
« J’espère que tout va bien de ton côté, ça fait longtemps qu’on n’a pas pris un moment pour parler. » gentillesses reçues à la figure, gentillesses dont elle n’a pas l’habitude, qu’elle renvoie normalement d’un revers de la main. Elle préfère les insultes et les cris dernièrement Livy; ne sait que faire de ces mots plats. Ou plutôt, aurait envie de les renvoyer sans les écouter.
Café, allongé, je viens de me réveiller. sa main vient masser ses trempes alors qu’elle prononce la phrase. Oui, quelle mauvaise élève, à se réveiller en pleine après-midi.
Elle reste attablée à sa manière, bien trop dans la caricature, plus que ce qu’elle n’était vraiment. Un personnage qu’elle incarne comme une seconde peau. Qui lui sied si bien.
J’ai cassé une porte le plus simplement au monde. Il y a mieux comme entrée en la matière, mais elle ne peut pas s’en empêcher, Livy. Ne peut que dire la vérité, voir la réaction, avant de vraiment jouer carte sur table, de dévoiler pourquoi elle était là. C’est un peu comme un premier test, une perche à colère qu’elle tend à Sacha. Elle expire, laisse la fumée envahir un peu plus la pièce. Hier soir, dans le dortoir des garçons
Tourne un peu autours du pot, Livy, alors que ça ne lui ressemble pas. Cherche l’étincelle dans les yeux de Sacha, la fureur au fond de lui; tout en sachant très bien qu’elle ne l’aura pas. Jamais. Et pourtant, c’est pour ça qu’elle était là.
Ça fait quoi de négocier les traités de paix d’une troisième guerre mondiale ?
Main qui revient sur le bureau, doigt qui pianote de plus en plus vite sur le bois alors que le mégot vient s’écraser dans un gobelet en plastique qui traîne non loin. Je m’en foutiste mais un minimum respectueuse quand même.
Under the same sky, at the same time, at the same place we’re probably seeing other people We were too young and didn’t understand love. I wish you happiness, Now goodbye goodbye
Elle semblait moins enthousiaste que toi à l’idée de ses retrouvailles. Tout de suite moins chaleureuse. Aux airs de funérailles. Mais tu ne lui en voulais pas, vous aviez tous eu une soirée difficile hier. Elle n’y était pour rien. Au contraire, il devrait la remercier de ne pas avoir aggravé la situation.
Tu te lèves pour préparer en vitesse son café. Avant de lui déposer. Tu termines ta course, à nouveau derrière ton bureau. Tous les chemins menaient à cette chaise au final. C’est comme si tu y étais enchaîné. Prisonnier de ta propre personne.
Une porte ? Dans le dortoir des garçons ? Fais attention à toi, tu ne devrais pas trop traîner par là-bas, surtout le soir. Douce attention de ta part. Et rien d’autre de cassé du coup ? Toi, tu vas bien ?
Parfois tout le monde se le demande Sacha. Comment peux-tu être aussi calme. Aussi toi-même. Par quelle sorcellerie rien n’y personne n’est en mesure d’arracher ne serait ce qu’un instant de colère de ta part.
C’était, éprouvant… Si tu veux tout savoir j’ai passé ma soirée à m’occuper des pots cassés. J’espère que je m’en suis sorti. Au moins pour les filles, elles s’en veulent alors qu’elles n’ont rien à se reprocher.
Tu laisses échapper un léger soupir. La voilà de retour. La culpabilité. Ta culpabilité. Ta douce âme sœur, ta douce partenaire de voyage, qui a traversé toute ta vie à tes côtés, plus fidèle que tous.
J’ai discuté un peu avec Arsene aussi. Il est toujours… Lui-même ? Mais je reste persuadé que c’est pas un mauvais gars. Il est pas complètement pourri. Il a un bon fond, ça se voit. Tu le connais aussi non ? T’en penses quoi ?
Tu penches la tête sur le côté, dubitatif à l’idée de sa réaction. De ce qu’elle ressentait à l’égard d’Arsene. Ce qu’elle pouvait bien contenir au fond d’elle.
Je m’attendais pas à ce que tu débarques pour parler de ça franchement. Il t’est arrivé quelque chose pendant la soirée ? Si ça ne va pas on peut en parler. Je te demande pas forcément de te confier à moi, mais si tu veux juste discuter tu peux compter sur moi. Je serai toujours là pour ça Livy !
Tu t'imaginais déjà le pire dans ta tête, les scénarios les plus tristes possibles. Et si elle aussi avait été une des victimes d'Arsene ? Tu préfères vite balayer cette option. Tu ne lui souhaitais pas ça. Tu ne lui souhaitais aucun malheur. Bien au contraire. Tu n'avais pas revue son sourire depuis si longtemps. Celui-là aussi, il te manquait Sacha, celui-là aussi, tu aimerais le revoir.
Merci. Mot à peine soufflé d’entre ses lèvres alors qu’elle prend le café tiède. Pas brûlant, pas froid mais tiède. Comme sa colère qui chauffe, chauffe, chauffe en cet instant.
Un super humain prêt à se démultiplier pour tout le monde, à se plier en quatre pour faire plaisirs ; c’est comme ça qu’elle voyait Sacha. Et ça ne devrait pas. Personne ne devrait être prisonnier de sa culpabilité (douce ironie, ne l’est-elle pas de sa colère, Livy?).
Il recommence, s’inquiète pour elle, fait presque la morale quant aux règles. Et ça l’énerve. Elle se lève violemment, repousse la chaise derrière elle jusqu’à la faire tomber, poings sur la table. Contrôle, contrôle, Livy, où la pièce finira par exploser. Comme toi actuellement
Bordel arrête, arrête de t’inquiéter pour les autres. Premier avertissement. J’ai défoncé une putain de porte et tu réussis à me sortir de "faire attention" ?
Elle n’a pas besoin de ce genre d’attention, Livy. Elle veut juste qu’on la laisse vivre, comme il en a toujours été avant et maintenant. Du genre à tracer sa propre route, que ce soit dans la gloire ou dans la vengeance, sans que personne ne puisse l’arrêter.
Moi, comme elles, comme tous, nous ne sommes pas ton devoir Ne comprenait peut-être pas que c’était le devoir d’un ami. Mais Sacha était-il ami avec tout le monde au point de se rogner lui-même ?
Elle se rapproche du président, menaçante, carnivore ; bien loin de l’aura qu’elle aurait aimé avoir. Fichue colère qui prend toute la place.
Pourquoi est-ce que tu continues de le défendre ? C’est une ordure ! comme elle. Réveille-toi Sacha : plus tu lui donneras de liberté, plus tu le défendras, plus il te piétinera. Car son bon fond s’était perdu dans l’abysse de sa magnitude.
Elle est dure Livy, tranchante, pour une des rares personnes vers qui sa compassion reposait.
Elle se rapproche un peu plus, prend la chemise de Sacha entre ses doigts, le soulèverait presque s’il n’était pas plus grand, plus lourd qu’elle. Sa gronde, gronde, gronde en elle. Elle ne supporte pas l’impartialité de Sacha, ne supporte pas sa tranquillité. Ne l’a jamais supporté, et encore moins maintenant. Elle ne veut pas qu’il s’engouffre dans le monde qu’il s’est créé sans jamais pouvoir s’en sortir ; préfère briser ses rêves pour ne pas qu’il chute de trop haut avec ses espoirs. Pas comme elle.
Arrête Sacha !!! deuxième avertissement. On s’est pas parlé depuis un an, et tu veux que je te déballe ma vie ? Qu’est ce que tu cherches en faisant ça ? Ta rédemption ? La distraction ? T’as pas compris que ça te bouffe tout ça ? Que ça en vaut pas la peine de courir partout jusqu’à s’épuiser ? (pas la peine de vouloir briller jusqu'à laisser son frère mourir).
Fureur dans les yeux fixés dans ceux de Sacha. Fureur dans la voix. Fureur dans le corps.
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Elle a l’air toujours si distante depuis. Si froide. Si indifférente. Une indifférence proche de ton air imperturbable. Elle préférait tout oublier, toi tu voulais tout apprendre. Elle souhaitait éviter les autres, tu voulais les porter à bras le corps. Elle semblait profondément meurtrie. Tu te laissais mourir. Et tu le ferais pour elle aussi. Comme toujours.
Alors tu soutiens son regard, son regard plein de colère. De colère et non de haine. Elle était simplement enragée par ton comportement. Elle ne le détestait pas assez au point de t’en vouloir, au point de te haïr toi.
Arrête de t’inquiéter pour les autres.
Des mots familiers, des mots que tu entends souvent prononcer à ton égard. Tu restes pourtant sourd à tous ces signaux. Tu ne vois pas ça comme un mal. De ton point de vue ce n’est qu’un encouragement supplémentaire, un signe que t’es effort ne sont pas vains. Un signe que tout ceci à un sens.
Je ne vous considère pas comme mon devoir. Loin de là. Je ne me considère même pas digne de vous si tu veux tout savoir Livy. Si tu veux la vérité la voilà. Mais. Pourtant, ça ne veut pas dire que je dois baisser les bras. Je sais que je ne peux pas sauver tout le monde. Je veux au moins être là pour les personnes en face de moi, les personnes que je peux prendre dans mes bras. C’est trop demander tu penses Livy ? C’et égoïste de ma part de souhaiter le bonheur aux autres ?
Elle aborde le sujet Arsene. Un sujet compliqué, que tu dois avouer avoir du mal à gérer. Lui non plus, tu ne l’avais pas abandonné. Comme si tu étais capable d’abandonner quelqu’un Sacha.
Tout le monde a droit à une seconde chance Livy. C’est ce que je crois moi, c’est ce que je veux croire. Même lui du coup. Je reste persuadé qu’il a un bon fond. Qu’il n’est pas complètement pourri comme tu le penses.
Mais tu sais que quoi que tu dises, elle refusera de t’écouter. Elle restera ferme dans ses idées. Tout comme toi. Chacun plus borné l’un que l’autre. Chacun plus obstiné à faire entendre raison à l’autre. Pas un pour rattraper l’autre. Pas un pour détester l’autre. Pas un pour abandonner l’autre.
Elle s’emporte, elle perd patience. Elle craque. Elle se lève brusquement, faisant tomber sa chaise à la renverse. Avant de se précipiter vers lui, lui attrapant le col au passage. Il commençait à avoir l’habitude dernièrement. Ce comportement devenait récurent pour tout avouer. Il en était désabusé depuis.
Je ne sais pas ce qui t’es arrivée Livy. Probablement quelque chose de terrible. Je me demande si jamais je réagirais comme toi. Si moi aussi je perdais tout. L’espoir, mon sourire…
Tu t’étais souvent posé la question. Elle avait hanté tes nuits, perturbés tes songes, inquiétés tes cauchemars. Tu n’osais imaginer ce qu’elle avait du traverser pour en arriver là. Tu ressentais autant de peine que de tristesse en la voyant dans cet état. Parce que tu savais qu’au fond, elle faisait ça pour toi, par gentille. Pour t’éviter de subir le même destin. De porter le même fardeau.
Ce n’est rien de tout ça. J’ai beaucoup de choses à me reprocher. Mais je ne fais pas ça pour moi. Je veux simplement, seulement. Voir les personnes auxquelles je tiens heureux. Toi aussi Livy. Si ça peut te soulager de te défouler sur moi, fais-le. Je ne bougerai pas le petit doigt. J’aimerai sincèrement t’aider tu sais. Comprendre ce qu’il s’est passé. Ce qui a mal tourné. Si tu acceptes de me laisser faire ce seul caprice. Celui de te rendre ton sourire. Il me manque.
C’est le feu et l'eau qui s’affrontent, à se lancer des vagues de calmes, à se lancer des flèches embrasées. Et pourtant, aucune d’elles n’arrive à enflammer les propos de Sacha. Il reste et restera imperturbable, insolence qui rajoute de l’eau sur les braises. Je me demande vraiment comment t’es arrivé à ta place avec tous les charognards qui sont dans cette école. Tu te fais bouffer sans t’en rendre compte sous prétexte d’idéaux chevaleresques. A la fin qui en profite ? Qui en souffre ? Ose me dire que ça te rend heureux, ose me dire que c’est pas juste pour pouvoir bien dormir le soir !
Il s’enferme dans ses idées, sort les grands discours pour tenter de la convaincre (se convaincre). Car Livy en est persuadée ; personne ne peut vivre sa vie de cette façon. Personne ne peut se sacrifier à ce point sous couvert d’altruisme. Ce ne sont que des conneries inventées pour planer ; comme une drogue dont Sacha ne pourrait se défaire.
Quoi, t’as pas encore compris ? C’est qu’en chutant qu’il se rendra compte que c’est une merde car pour l’instant ils l’ont mis sur un trône dont il ne pensait pas pouvoir tomber, sûreté provocatrice de ses pires méfaits
Après l’avoir secoué plus que de raison, les doigts de Livy se desserrent, lâchent le blond qu’ils avaient enserrés, comme un prédateur qui lâche une proie, comme un chat qui se rend compte que sa sourie ne bougera pas assez pour l’amuser (pour s’énerver). Elle n’a pas besoin de se défouler sur lui. Elle ne veut pas. Ce n'est pas lui qui mérite sa colère.
Elle le lâche, recule d’un pas, ouvre les bras, balance les lunettes de soleil qu’elle avait gardé sur le bout du nez à l’autre bout de la table, table ronde du roi Sacha.
Tu veux savoir ce qui s’est passé Sacha ? Il se trouve qu’on a le monde entier contre nous ! Un monde qui attend juste que nous disparaissions, qu’on meurt, qu’on crève jusqu’au dernier. Alors en attendant ils nous mettent sur une petite île où on est autorisé à respirer. Oh mais qu’ils sont bons ces politiques, ils nous donnent même des jouets en attendant l’abattoir.
Discours qui va au-delà de la colère, véritable haine qui s’est forgée au cours des mois contre ce monde qui lui a arraché son frère, brisé ses ambitions.
Et la seule chose qui me rendra le sourire c’est de tous les brûler. Alors tu veux vraiment me le rendre ? Brûle les. Sarcasme latent, puisqu’elle connaissait déjà la réponse. Il n’est pas comme elle, un brasier destructeur. Il a des valeurs, des règles, s’intègre dans la société. Il est trop bon pour ça.
Under the same sky, at the same time, at the same place we’re probably seeing other people We were too young and didn’t understand love. I wish you happiness, Now goodbye goodbye
Tu soupires. Pourquoi personne ne pouvait l’accepter. Ils étaient tous insurgés, certains en colère, d’autres peinés. Mais aucun ne pouvait s’y faire. Rien que partir du principe que cette idée était vraie. Leur était insupportable. Une seule fois, tu voudrais une seule fois tomber sur quelqu’un capable de te comprendre.
Tu sais ce qui me blesses vraiment ? Probablement pas. Les gens me comprennent pas comme tu dis. Tu ne comprends pas pas vrai ? L’idée que ce soit la vérité t’es insupportable. L’idée que je fasse passer mon bien avant celui des autres te rend malade. Je sais que vous me prenez pour un idiot, un naïf voire un con. Mais je suis comme ça. C’est tout. Tu auras beau hurler ton indignation. Taper du poing. Te tordre l’esprit pour trouver une autre raison. Il n’y en a pas. Elle est toute simple en vérité. Je souhaite réellement le bonheur des autres. Je ne me considère pas comme un altruiste. Je fais ça surtout pour les personnes qui me sont proches. Si je veux sauver Arsene c’est parce qu’il est important pour l’une de mes meilleures amies tout simplement. Et si je veux te sauver toi. C’est parce que tu es important à mes yeux. C’est tout Livy. Il n’y a pas de faux semblants ou de raisons cachées. C’est simple. Simple comme tout.
Tu voulais qu’elle t’écoute. Tu le souhaitais tellement, que tes mots l’atteignent, que tes phrases ne restent pas sans réponses. Que ton appel ne se perdre pas dans ses flammes. S’il te plait Livy. Redevient comme avant. Au moins l’espace d’un instant. Tu voudrais tellement revoir son sourire, son visage éclatant. Si seulement, le monde n’était pas aussi mesquin. Si seulement, tout pouvait être plus simple.
Tu n’as pas relevé à l’énonciation du nom d’Arsene. Tu estimais avoir bien trop parlé de lui au cours des derniers temps. Tu t’es juste contentais d’écouter la suite, un air penné sur le visage. Triste, triste par la vision qu’elle avait du monde. Une vision sans espoir, sans avenir, prisonnière de son propre désespoir.
Je suis désolé Livy. Dans ta vie, quelque chose de terrible c’est passée. Tu lèves une main pour la toucher mais tu te ravisses. Tu n’oses pas. Tu ne veux pas la voir davantage en colère. Alors tu baisses les bras, tremblant, le visage mélancolique. Je sais Levy, on vit par procuration. Et toi tu décides de flinguer ta vie et on avenir pour eux ? Tu sacrifies ta vie pour leur faire plaisir ? Ils n’ont même pas besoin de s’occuper de nous, on est très bien capable de foutre nos vies en l’air sans leur aide visiblement.
Elle s’éloigne, elle te lâche, reprend ses distances. Tu soupires, elle était totalement consumée par sa colère. Elle en voulait au monde entier.
Tu n’as pas à porter ton fardeau seule Livy. S’occuper de ces gens et te faire sortir de cette île ça te rendrait le sourire alors ? Très bien. Je le ferais. J’irai au bout de ton rêve. Je prendrai avec toi ce qui te pèse sur le cœur. Même si c’est la dernière chose que je fais ici-bas. Tu l’auras ton souhait.
Tu plantes ton regard bleuté dans le sien. La dévisageant d’un air sérieux. Tu pèses chacun de tes mots, tu penses chaque phrases.
Tout le monde ne veut pas être sauvé, ce n’est pourtant pas une raison de les abandonner pour autant.
Je souhaite réellement le bonheur des autres. C’était une phrase si simple, si pure, si altruiste à contrario de ce qu’il venait de dire. Un concept si éloigné de ce que connaissait Livy qu’elle peinait à comprendre. Comment pouvait-on se sacrifier dans une telle cause ? Comment pouvait-on se satisfaire de ce simple bonheur ? Il y avait tellement plus à conquérir dans le monde, tellement plus à espérer, à détester.
Voilà pourquoi ils ne s’écouteraient jamais, s’époumonant face à un mur de pensées contraires. Et pourtant, pourtant, Livy espérait vraiment que Sacha comprenne ; qu’il ne sert à rien de courir après quelque chose, qu’il vaut mieux vivre sa vie pour soit et pour personne d’autres (pas même la reconnaissance, pas même le pouvoir ou l’amour des autres). Peut-être que quelques parts ils s’étaient ressemblé plus que de raison à cette époque où elle était encore populaire ; l’un cherchant à satisfaire ses pairs et l’autre à satisfaire le monde. Une ressemblance qui les avait sûrement rapproché, fut un temps. Mais quand un reflet ne se nous ressemble plus, on fait mieux de l’abandonner. T’es pas con Sacha, t’es juste trop gentil ; et dans ce monde c’est quasiment la même chose.
Conclusion d’un discours, voix qui se calme le temps d’un instant. Car dans toute sa colère, toute sa fureur, Livy a cette compassion cachée qui arrive encore quelques fois à briller. Elle n’est pas la personne gentille et empathique qu’est Sacha, ne le sera sûrement jamais, mais est cette insurgée qui se bat pour elle et pour tous en même temps – car c’est ce qu’il faut, ce qu’ils méritent eux tous, frappés par la malédiction d’être nés avec un don.
Mention de sa propre malédiction et la courte accalmie prend fin, le feu revient dans les yeux.
Ma vie (son ambition), elle a pris fin le jour où mon frère est mort, le jour où ils l'ont tué, derrière cette foutue barrière.
Mouvement vers la fenêtre, mouvement qui désigne les coupables, pointe de la main la raison de sa colère, décharge son énergie, son pouvoir contre le verre qui explose en morceau alors que l’onde de choc se propage dans la fenêtre. Colère qui la prend aux tripes, colère qui la provoque jusqu’à exploser tout sur son passage.
Et eux ils sont là vivre leurs vies comme si c’étaient normal, comme si on était du bétail à élever et à jeter à la moindre occasion.
Et Livy continue son discours, imperturbable dans ses idées, imperturbable dans la violence qu’elle dégageait. J’ai pas besoin de ta pitié Sacha, j’ai besoin de ta colère, de ton insurrection. Tu veux me la donner ? B I E N. J’espère vraiment que tu seras accroché le jour où je te demanderai de planter une lame dans leurs cœurs.
Cruelle Livy, exploitant la faiblesse (gentillesse) des autres sans même sourciller ; imposant sa rage, imposant sa vision du monde en flamme.
Under the same sky, at the same time, at the same place we’re probably seeing other people We were too young and didn’t understand love. I wish you happiness, Now goodbye goodbye
Tu savais que tout était faux. Que l’espoir, le bonheur et même la vie tout entière. Tout n’était qu’une utopie au fond. Ils vivaient enfermés dans une bulle. En dehors de tout. En dehors du monde. Il n’y avait rien derrière tout ça. Mais tu veux rester un gamin pour la vie. Tu t’accroches à tes idées, à ta vision naïve.
Tout serait si simple. Si tu pouvais t’en aller, t’évader loin de tout. Partir de ce monde de fou, partir je ne sais où. Ce monde qui t’étrangle, qui t’écrase et te détruit. Ce monde qui t’empêche de vivre dans ta bulle. Alors tu voudrais courir au loin, sans but. Sans rien. Simplement courir droit devant. Vers l’horizon.
Tu veux aider les autres, aimer les autres. Peut-être parce qu’au fond, tu n’y arrives pas pour toi. Tu n’y arrives pas dans ce monde. Dans ce monde de lutte, dans ce monde de brute, dans ce monde où l’amour n’est que querelles et disputes. A quoi bon aimer pour souffrir ? A quoi bon aider pour être abandonné ? A quoi bon vivre ? Sans rien espérer.
Il faudrait t’écrire un monde. Une planète rien qu’à toi. Un endroit où tu te sentiras toi. Un endroit sans haine, dépourvu de chaînes. Un rêve dans lequel, tu aurais des ailes. Tu voudrais que les larmes, les peines, ne soient qu’un mythe, qu’une putain de légende urbaine. Alors dis-moi comment comptes tu partir. Comment t’enfuir. Trop de questions sans réponses. Laisse toi tout quitter. Laisse toi aller.
Alors mendiant t’implore le soir. Tu mendies l’espoir. L’espoir d’un jour meilleur, l’espoir d’un lendemain sans malheur. Mais la nuit est radine, elle garde sa morphine, parce que t’as pas assez donné. T’as pas assez luté. Ou peut être pas assez. T’as beau tout claquer, c’est jamais assez. T’as beau tout donner, c’est jamais assez. T’as beau te fumer, c’est jamais assez. T’as beau te buter, ce sera jamais assez.
Alors j’espère qu’un jour, tu trouveras l’amour. Une personne sincère qui te jouera pas de tours. Parce que j’en ai vraiment assez, de te voir tout donner sans retour. Jsuis saoulé quand tu t’aimes moins, te voir te sacrifier pour rien c’est lourd. Te voir tout donner pour du vent c’est amer. L’addition est assez sévère. C’est le moment te tout claquer. De tout abandonner. C’est le moment d’ouvrir les yeux. C’est le moment pour toi d’être comme eux.
Et pourtant, c’est grâce à eux. Que t’as l’impression d’être loin de ce monde de fou. Car j’écris quand tu te plantes. Je ris quand tu danses. Je vis quand tu chantes. Je souris quand tu partages ton rire. Tout ça parce qu’ils sont là pour toi. Tout ça parce qu’au fond, t’es ptêtre pas seul. Tout ça parce qu’au fond, ils t’aiment. Alors pour tout ça, jvous le dis, merci.
Je sais…
Tu ne dis rien de plus. Juste deux mots, lourds de sens. Tu savais, je sais. Elle sait. Ils savent.
Je suis désolé Livy. Je suis tellement désolé…
Tu baisses la tête. Tu fermes les yeux. Tu serres les poings. Te reste que la frustration. La frustration de servir à rien. D’ouvrir les yeux. De savoir que tu ne diras rien, que les mots ne changeront rien. Quoi que tu fasses. Tu ne peux rien faire. Quoi que t’essayes. Tu pourras qu’essayer. Quoi que tu tentes, tu pourras que tenter. Y’a rien à faire Sacha. T’as perdu dès, le moment où t’as donné. T’as perdu avant même d’avoir commencé. La vie est injuste. Elle est comme ça. Tout seul tu changeras rien. Parce que t’es personne. T’es qu’un pauvre gamin qui refuse de grandir. T’es qu’un pauvre gamin qui a peur, de finir seul. T’es qu’un pauvre gamin.
Non. C’est pas normal. Je ne sais pas si je peux t’offrir ce que tu me demandes Livy. J’ai que mon aide à te donner. Je sais que ça changera rien. Je sais que je sers à rien au fond. Je le sais que trop bien. Tu serres les poings, tu t’enfonces les ongles dans la peau à t’en faire saigner. Tu sais. Rien qu’une fois. Rien qu’une seule. J’aimerai vraiment que mes paroles aient un sens. Que ce soit pas juste des mots, des promesses. J’aimerai tellement vous donner ces promesses… Mais… Quoi que je fasse, au final, j’aurai servis à rien, pas vrai ?
Tu détournes le regard. Tu regardes la vitre qu’elle a brisée avec son pouvoir. Mais tu ne t’arrêtes pas à la fenêtre. Tu observes au loin. Un point vide dans l’horizon. Tu ne veux pas soutenir son regard davantage. TU sais que tu n’en auras pas la force. Tu ne veux pas décevoir les autres, pas encore. Pas une de plus. Alors tu préfères détourner les yeux. Tu préfères fuir. Fuir tes sentiments, cette tristesse qui monte en toi.
Un regard. C’est tout ce qu’il faudrait pour que ton voile s’abatte. Une larme. Une goute le long de ta joue.
Livy n’était pas comme eux. A vouloir vivre leur vie, à vouloir sortir à tout prix. Non, elle s’en foutait de devoir exploser la barrière qui les retenait sur l’île ; car ce n’était pas assez. Rien ne serait jamais assez. Et ni les mots de Sacha, ni sa compassion ne changerait ça. Livy marchait dessus comme sur tout le reste. Crachait sur une main tendue. Insultait sa gentillesse.
Il y a que ça que tu peux m’offrir Sacha, il y a que ça qui peut m’aider. Tout le reste c’est du vent.
C’est pas toi Sacha, c’est elle. Livy la déchue qui laisse ses sentiments exploser, emportant tout sur son passage, faux semblant et gentillesse, cries et larmes. Car c’est tout ce qu’elle connaît, tout ce qu’elle est. Elle ne sera jamais comme toi, à vouloir tous les sauver. Ne le comprendra d’ailleurs jamais.
Elle n’a pas besoin d’aide, pas besoin qu’on prenne soin d’elle ; veut juste brûler le système, tuer ses dirigeants.
Fureur qui devient froide alors que le silence s’abat sur la salle. Ne reste que cette goutte qui descend le long de la joue alors que le temps s’arrête, rien qu’une seconde.
Et si Livy, voit, si Livy a un mouvement de recul, Livy ne relève pas. Elle reste muette face aux désastres qu’elle engendre. Ne sait probablement pas comment réagir. Ne veut pas réagir.
Livy est une destructrice, elle brise les choses, ne sait pas les réparer.
Elle tourne la tête vers la vitre manquante, avant de se diriger (s'enfuir) vers la sortie du bureau.
Il faudra faire réparer cette fenêtre.
Seule excuse qui sortira jamais de ses lèvres. Fierté bien trop mal placée, Culpabilité déjà bien trop entamée.
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Jeu 10 Juin - 23:44
