Le bruit de la planche résonne dans l’obscurité faiblement éclairée par l’éclat de la lune tandis qu’elle roule loin de la brune. “Putain…” Elle marmonne avant de se relever pour la centième fois de la soirée. Ses genoux saignent alors qu'elle n’arrive même plus à sentir son derrière tellement il est douloureux. Tandis qu’elle est à deux doigts, d’abandonner, elle se met à nouveau à courir après la planche égarée. Non, elle ne peut pas laisser tomber, Charlie se doit de tout réussir, sinon c’est trop la honte pour celle qui se vante de n’avoir aucunes faiblesses. Elle a beau être intelligente, ce n’est pas pour autant qu’elle arrive à tenir debout sur cette satanée planche à roulettes, c’est pourquoi depuis plusieurs jours elle a pris cette habitude de venir s'entraîner la nuit, loin des regards moqueurs.

La belle se penche pour attraper sa planche joliment décorée d’autocollants de dinosaures qu’elle a trouvés dans une classe vide, tant pis pour le propriétaire, fallait pas laisser traîner ses affaires. Elle attrape sa bouteille d’eau, en boit quelques gorgées, avant de reposer la planche au sol. Elle prend une grande inspiration, et se lance à nouveau, posant un pied sur la planche et en décollant rapidement le deuxième du sol. Ses jambes tremblent tandis qu’elle tente désespérément de ne pas perdre l’équilibre, ce qui marche pendant quelques centimètres avant qu’un caillou ne vienne coincer une des roues du skate, propulsant la lycéenne en avant. Elle tombe la tête la première, sa chute ressemblant à ce que l’on peut trouver dans un dessin animé pour enfant. La honte… Heureusement qu’il n’y a personne, se dit-elle pour se rassurer tandis qu’elle s'assoit sur ses genoux, frottant son front avec sa main, comme si ça allait effacer miraculeusement la douleur. Alors qu’elle tend le bras vers sa planche, elle se fige soudainement lorsqu’elle entend des bruits de pas s’approcher.

Il n’y a personne hein…?  

Elle se répète en boucle, avant de relever la tête pour apercevoir une silhouette au loin. Et merde…

Le vent balaye doucement ses cheveux tandis qu’elle se relève de sa nouvelle chute, ne perdant pas du regard la silhouette se rapprochant. Elle ne distingue pas directement de qu’il s’agit et n’arrive même pas à reconnaître sa voix, en même temps, si elle se devait d’arriver à distinguer les voix de tout le monde au pensionnat, elle en aurait pour l'éternité. Au fur et à mesure qu’il approche, elle finit par le reconnaître. Enfin “reconnaître” est un bien grand mot, n’étant même pas capable de se souvenir de son prénom. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’il est l’organisateur de nombreuses soirées, soirées que Charlie ne rate presque jamais. Partout où il y a de l’alcool, Charlie s’y trouve également. “N’importe quoi, j’essayais juste des techniques très difficiles…” Dit-elle si confiante que l’on pourrait croire à ce mensonge, sauf que quiconque ayant assisté à sa chute en douterait immédiatement. Alors quand il lui propose son aide, la belle envisage immédiatement de refuser. Jamais elle n’avouera être nulle en quelque chose, bien trop fière pour cela.

Tandis qu’elle s’apprête à lui dire qu’elle est bien trop géniale pour avoir besoin de son aide, et s’il y en a bien un qui doit être aidé ici c’est lui, elle se freine dans son propre élan, se souvenant de sa chute à nouveau. Jamais il ne va croire à de tels mensonges alors pourquoi ne pas profiter de son aide ? Enfin, cela veut aussi dire qu’elle doit mettre sa fierté de côté, épreuve bien compliquée pour la demoiselle. Après plusieurs secondes de réflexions qui lui semblent être une éternité, elle finit par serrer la main du jeune homme. “Très bien, mais à une seule condition, tu dis rien à personne sinon je te termine.” Son ton devient légèrement menaçant, même si on devine tout de suite que la petite lycéenne ne ferait pas de mal à une mouche vu sa corpulence. Elle lâche sa main  avant de croiser ses bras sur sa poitrine. “Bon je t’explique le problème, dès que je monte sur le skate, je perds l’équilibre direct, pourtant j’ai tout essayé ! Je comprends pas… Ce skate fonctionne peut-être mal...” Car oui, c’est toujours la faute des autres, jamais de la sienne.

Charlie, elle gère mal l’échec. C’est vrai qu’avec une intelligence comme la sienne, trouver des réponses à n’importe quel problème est un jeu d’enfant. Puis il y a le sport, la seule ombre sur le tableau, car tenir debout sur une planche ça ne s’apprend pas dans les bouquins. Alors elle n’arrive pas à croire qu’une simple planche à roulettes lui donne autant de fil à retordre. Heureusement, la brune peut compter sur Icare. Elle hoche la tête, lui indiquant qu’il peut utiliser son skate. Ses yeux ne le quittent pas, regardant avec attention comment il positionne ses pieds pour pouvoir faire de même une fois son tour venu. Admirative, Charlie l’applaudit après son aller-retour sur la planche. Ca ne paraît pas être grand chose, mais pour elle c’est un exploit, n’ayant jamais réussi à rester aussi peu de temps debout sur son skate. “Eh mais t’es trop fort !” Comme quoi, elle ne pourra jamais faire partie des sportifs. Finissant ses éloges, elle se concentre sur la tâche à accomplir. “T’inquiète, je me débrouille.” S'il suffit de plier un peu ses genoux, ça devrait aller, non ? Charlie, toujours aussi fière, s’élance sur sa planche, tentant d’imiter la position du sportif le plus fidèlement possible, et ça marche ! Enfin, seulement pendant quelques petites secondes avant qu’elle ne commence à perdre à nouveau l’équilibre. Heureusement, elle arrive à descendre de la planche assez rapidement pour ne pas se retrouver la tête sur le goudron. Elle arrête sa planche avec son pied et se tourne vers Icare, ses joues commencent à prendre la couleur d’une tomate tellement elle est gênée d’échouer. “Bon, finalement je veux bien que tu m’aides... Je crois que j’y suis presque !” Le but, c’est d’y croire, non ? Elle tente de s’en persuader tandis que le couvre-feu est bien loin derrière elle.