Pour sa sortie du jour, Charlie n’a fait aucun effort, de toute façon elle ne compte pas être en cavale très longtemps. Sa coloc n’est pas là de la journée, l’occasion parfaite pour être tranquille, avec personne pour lui reprocher d’être trop bruyante, alors elle se presse pour être rentrée le plus vite. Habillée d’un jogging et d’un tee-shirt beaucoup trop grand pour elle, de son bob orné de dinosaures et sans oublier l’association très controversée claquettes chaussettes (ouais, aucun effort), elle se rend au centre-ville. La veille, quelqu’un lui a glissé un mot sous sa porte lui donnant rendez-vous pour lui rendre un soi-disant cahier perdu portant son nom. Évidemment, pas de signatures pour connaître l’auteur. Là, deux hypothèses se sont présentées à elle. Soit, cette personne dit la vérité, et vu comment son côté de la chambre est rangé, la brune est incapable de dire si elle en a vraiment perdu un ou non, soit c’est tout simplement un piège. Charlie penche plus pour la deuxième option, s’imaginant déjà Lily-Rose être derrière cette manigance, elle a réussi à l’enfermer sur le toit, qui sait ce qu’elle lui prépare d’autre. Si c’est le cas, elle trouvera bien un moyen de fuir, faut bien que son pouvoir lui serve à quelque chose.  

C’est pourquoi la lycéenne marche sereinement vers le lieu de rendez-vous, tout de même un peu agacée qu’on lui gâche sa journée de paix. M’enfin, si c’est pour récupérer un cahier elle peut bien faire un effort, même si ce dernier ne doit pas être très utilisé vu comment elle porte attention aux cours. Perdue dans ses pensées, elle sursaute quand elle entend son prénom et qu’une main vient agripper son épaule. La brune se retourne en vitesse pour connaître le coupable et reconnaît directement Lei-Wei. Elle n’a même pas le temps de lui demander qu’est-ce qu’il peut bien faire là qu’il enchaîne sur de nouvelles paroles. Charlie s’attendait à tout sauf à ça, alors elle met du temps à répondre, son cerveau ayant arrêté de fonctionner quelques secondes. Elle finit par froncer les sourcils, confuse. “Pardon… Date ? Mais tu t’es pris un coup sur la tête ou quoi ?” Charlie, elle fait pas tout ce qui est date. Ce n’est pas contre lui, mais accepter une telle chose serait prouver qu’elle s’attache à cette personne, et ça, elle ne veut surtout pas. Enfin, c’est peut-être déjà un peu tard en ce qui concerne le taïwanais. Passer son temps à l’exploiter pour qu’il soigne ses blessures et à l’embêter dès qu’elle en a l’occasion, pour un esprit compliqué comme le sien, ça témoigne de l’attachement.

Sauf qu’aujourd’hui, la lycéenne n’a pas prévu de jouer avec lui, alors elle l’arrête tout de suite. “Lélé, -parce qu’elle ne fait aucun effort sur son prénom- je suis venue chercher un cahier, rien d’autre.” Dit-elle tout en regardant autour d’elle s’il n’y a pas quelqu’un qui l’attend. Puis elle finit enfin par faire les connexions entre le petit mot et la proposition de l’étudiant, c’était donc lui ! Pour quelqu’un dont le pouvoir est d’être intelligente, elle est plutôt lente, il faut l’admettre. "Attends, le mot c’est toi ? Sérieux ?” Elle soupire, n’ayant qu’une seule envie, fuir cette situation très très vite. Sauf qu’il est malin ce Lei-Wei, il a déjà tout prévu pour dompter la Charlie. "Malheureusement, j’ai bien peur de pouvoir l’imaginer…” Mais dans quel pétrin s’est-elle mise encore ? Elle le regarde d’un air complètement blasé prendre ce qu’elle considère désormais comme un instrument de torture pour faire mine de viser son coeur. “Aïe, mon coeur.” La lycéenne répond avec aucun entrain pour montrer son énorme manque d'enthousiasme comparé au sien. “Bon, vu comment t’es venu préparé, elle pointe le mégaphone, j’imagine que t’as déjà prévu quelque chose ?” Elle soupire à nouveau, pourquoi elle ?

Enfin, il a peut-être gagné cette manche, mais elle ne compte pas se laisser faire.  

Charlie n’est pas étonnée quand le sportif lui annonce qu’il n’a rien prévu. Elle s’y attendait. Enfin, elle ne peut pas trop lui en vouloir, elle aussi ne prépare jamais rien à l’avance, toujours en improvisation totale. Mais elle se permet quand même de lever les yeux au ciel, juste pour montrer qu’elle est contrariée, même si ce n’est pas si grave que ça, elle aime juste jouer à la princesse outrée pour tout. Déjà qu’elle lui fait l’honneur de participer à son date- bien qu’elle se sente surtout menacée par le mégaphone- elle peut bien jouer à la princesse. Enfin, ce ne sera pas pour longtemps. Bien qu’elle semble se plaindre car il a apparemment ruiné sa journée de tranquillité, Charlie n’aime pas être sans rien faire ou juste être seule. Oui, elle aime bien jouer à la solitaire, mais au final elle n’en a que l’apparence. Alors plutôt que de bouder toute la journée, la lycéenne se décide plutôt d’en profiter. Certes, c’est un changement drastique de comportement, mais il faut la comprendre, c’est trop compliqué de cacher son énergie quand on en a en quantité illimitée. Alors quand il lui propose d’aller faire des boutiques, elle est directement partante, puis il est quand même mignon à tenter de négocier, alors comment refuser ?

Sauf qu’il y a un mais ! Elle ne va pas non plus lui montrer son enthousiasme si facilement, il lui force à subir un date tout de même. Alors elle fait mine de réfléchir, les sourcils froncés, et alors qu’elle s'apprête à prendre la parole, il enchaîne avec un compliment sur son bob et une blague franchement pas drôle. Sauf que Charlie est plutôt bon public, ou peut-être juste car c’est lui, mais elle ne peut pas s’empêcher de sourire, ruinant au passage sa couverture de fille trop inaccessible. “Euh… Merci ? Ton chapeau n'est pas mal non plus...” La rebelle répond à son compliment, voulant également enchainer sur une mauvaise blague sur les vampires, vu son look sombre, mais elle s'abstient. Trop de mauvais humour dans l’air, faut pas pousser non plus. Enfin, Charlie à l’occasion d’accepter les propositions de Lei Wei, après que ce compliment l’ait prise de court. “Mhhh… Va pour les deux !" lâche-t-elle avec bien plus d'enthousiasme qu’avant. “Mais à une condition ! C’est moi qui choisi tes chaussettes ! Faut bien que je me venge.” Elle esquisse un sourire malicieux tout en pointant le mégaphone du doigt. “Puis moi aussi je veux de nouvelles chaussettes…" Ce n’est pas compliqué de comprendre ses goûts en la matière, il suffit de regarder les siennes, tellement colorées que ça fait tâche à côté des vêtements du garçon. Aujourd’hui ce sont des pastèques rouges sur un fond violet, mais elle en a déjà plein d’autres des toutes autant colorées qu’elle porte fièrement avec ses claquettes. Vraiment, aucun style.

Sans attendre son accord, elle lui attrape par le poignet pour le traîner dans la boutique. Voilà que l’idée de lui en choisir a énormément motivé Charlie. Une fois devant le rayon des chaussettes, elle libère enfin son poignet et inspecte chaque paire méticuleusement. Les chaussettes, c’est du sérieux. Après quelques minutes de réflexion, son dévolu se porte sur deux paires dont le concept est d’être assorti. Comme ça, ça fait une paire chacun. Alors qu’elle s’apprête à lui faire part de sa décision, elle s’arrête un instant. Charlie, elle a cette image de fille dure à tenir, et ces chaussettes sont bien trop mignonnes pour coller à son apparence. Sauf que malheureusement pour elle, elle adore tout ce qui est mignon. Il suffit de rentrer dans son dortoir pour le comprendre, avec sa panoplie de petits porte-clés chats qu’elle a achetés mais qu’elle n’utilise pas ou encore, ce dont elle a le plus honte, ses petites peluches en forme d'écureuils. Sauf que c’est censé être un secret, ce petit côté adorable d’elle. En plus, une paire assortie avec le sportif, ça fait pas un peu trop ? Mais comment résister ? La première paire a des petits renards rose pastel sur un fond jaune également pastel, et sur l’autre paire, les couleurs s’inversent. Charlie doit vraiment avoir l’air d’une folle à réfléchir autant pour des chaussettes, surtout que ça fait plusieurs minutes qu’elle les fixe. Enfin, elle se tourne vers l’étudiant. “J’aime bien ces deux paires… En plus on peut en prendre une chacun.” Elle pointe timidement les renards du doigt, ayant un peu honte d’aimer des choses aussi mignonnes. “Mais peut-être que tu préfères elles, elles sont plus simples.” Elle en montre d’autres, beaucoup plus banales et pas vraiment à son goût, sauf qu’elle est bien trop embarrassée pour lui imposer sa trouvaille.

Finalement, elle a plus l’impression de se punir elle-même.   

La brune montre rarement son embarras, mais face à un dilemme pareil, comment rester de marbre ? Assumer vouloir des renards sur ses chaussettes ou bien en acheter des laides… Quelle idée aussi de jouer à la dure quand on ne l’est clairement pas, surtout si cela la prive de choisir la paire de son choix. Sauf que Charlie entretient ce petit jeu depuis trop longtemps pour le laisser tomber maintenant. Heureusement, le sportif semble avoir deviné sa préférence, elle n’aurait pas osé le révéler. Quelle idiote à toujours vouloir sauver les apparences.

Peut-être qu’il en fait un peu des caisses à essayer de détester autant ces chaussettes banales, mais étonnement Charlie le trouverait presque mignon à lui assurer aimer celles avec les petits renards. Un petit sourire s’affiche sur son visage, incapable de contenir sa satisfaction, bien trop contente d’avoir de superbes chaussettes trop mignonnes, en plus, approuvées par Lei-Wei en personne. « Oui bien sûr ! Je crois que je préfère celles avec le fond jaune de toute façon ! » Comme ça, tout le monde est content, se dit-elle.

Alors qu’elle s’apprête à lui demander s’il a besoin de quelque chose d’autre, le sportif lui attrape son poignet pour l’emmener jusqu’en caisse. Elle se laisse traîner, satisfaite de ses trouvailles, avant de sursauter. C’est qu’il n’est vraiment pas discret à l’interpeller aussi fort. Pas vraiment étonnée, elle le regarde loucher sur ces articles, ils savent ce qu’ils font à les mettre ici, et ça à l’air d’être très efficace, surtout sur le sportif. Mais c’est vrai que c’est mignon, Charlie est définitivement tombée sous le charme de ses renards, et elle ne semble pas être la seule. Lei-Wei les attrape avant de sprinter vers la caisse. « A-Attends… » Lache-t-elle tout en commençant à sortir sa carte de sa poche, souhaitant payer. Sauf que rien à faire, il est déjà parti dans une grande discussion avec la caissière. Elle soupire, se dirigeant en dehors de la boutique, la pauvre caissière risque d’en avoir longtemps s’il commence à lui raconter sa vie, se dit-elle. Elle l’attend accroupie à l’ombre du magasin, sortant son téléphone, ouvrant les réseaux sociaux comme à son habitude.

Enfin, elle finit par l’entendre sortir de la boutique. La brune se redresse avant d’avancer vers lui, prête à le gronder. Elle lui donne un petit coup de poing sur l’épaule complètement inoffensif vu ses muscles inexistants. « T’aurais dû me laisser payer, non mais oh ! Je les ai choisis, je paye. » Ouais, elle vient d’inventer cette règle. Faisant mine de bouder, elle croise ses bras sur sa poitrine. « Qu’est ce que je vais faire de toi… » Elle soupire. « Mais merci quand même, c’est gentil… » Finit-elle par dire, un peu gênée, n’ayant pas l’habitude qu’on lui offre des choses.

« Bon, direction la boutique de farces et attrapes ! » Lâche-t-elle avec enthousiasme, faisant disparaître sa gêne. Charlie apprécie ce genre de boutiques, elle en ressort toujours avec plein de bêtises qu’elle va utiliser une fois avant de les perdre à jamais dans sa chambre. Le jour où elle la rangera, elle risque d’être étonnée par le nombre de trucs qu’elle a accumulés. Mais ce n’est pas le moment de s’inquiéter pour l’état de bordel du dortoir, elle a mieux à faire.