Ah. On t'a échangé de colocataire de chambre ce matin. On t'a prévenu qu'un switch allait se faire pour renforcer la discipline - que des plaintes avaient été déposées par d'autres élèves. Tu pestes un peu, tu t'entendais très bien avec ton ancien camarade, et c'est pesant que de savoir que tu vas récupérer une forte tête à la place, quelqu'un de dérangeant. Quelqu'un que tu ne pourras pas forcément manipuler à ta guise.

M'enfin, tu feras avec. Tu devras t'expliquer avec lui dès qu'il arrivera - poser des bases saines. Assis sur le lit, tu swipes up le feed tiktok sur ton téléphone, l'autre bras placé derrière la tête et les genoux pliés. Tes yeux louchent sur le type qui passe la porte et tu en lâches presque ton téléphone, celui ci roulant entre tes cuisses et ton ventre.

Il parle et tu le dévisages en fronçant les sourcils, un peu confus sur qui il est vraiment. Tu ne l'as pas oublié mais ton cerveau refuse d'aller chercher l'information dans ta mémoire. En effet, ça fait longtemps. Trop longtemps mais ton esprit a imprimé son prénom au marqueur.

— « Ren. »

Il s'installe sur le lit non loin du tien et tu sens ton visage se crisper d'un mépris beaucoup trop grand. Tu te redresses pour poser tes pieds au sol, toujours assis sur le matelas, et ainsi lui faire face. Ton regard est perçant et dénué d'émotions, tu plisses les yeux et articules lentement.

— « Je ne sais pas encore. »

Rire lugubre.

— « Ça dépendra de comment tu te tiens. Et de si tu ronfles. »

Vraiment.. il manquait plus que lui.

— « Et ne m'appelle pas comme ça. Je vois que ces dernières années ne t'ont pas rendu moins bête ou plus raffiné. M'enfin, j'ai entendu dire que tu faisais mécanique, je ne sais même pas pourquoi ça m'étonne. »

Il ne peut pas promettre, ne peut pas garantir. Tu hausses un sourcil pour le juger puis manques de t'étouffer avec ta propre salive quand il parle de copine ou de copain. Tu éclates d'un rire nerveux puis te masses la tempe dans un long soupire d'exaspération. Personne ne t'avait jamais intéressé à ce niveau là, pas au point de consolider une relation stable et pérenne. Tu t'amuses des gens après les avoir entrainé dans tes filets, ils ne font généralement l'affaire qu'une seule fois, pour te distraire ou pour te passer le temps.

— « Pas d'inquiétude. Les filles que je courtise n'ont généralement pas l'esprit aussi étroit pour poser leurs yeux sur quelqu'un comme toi. »

Tu te redresses d'un seul coup, en sentant ses doigts sur son visage. Ça t'insupporte, cette manière intempestive qu'il a d'être aussi familier.

— « Pas de sexe dans les chambres. C'est bien pour ça qu'on nous a mis par deux et en non mixtes ! Je te préviens... Le moindre écart ou abus de ta part et je te dénonce au personnel sans aucun scrupule. »

Tu ricanes et remontes lentement tes manches.

— « Haha, toi, en politique... Ne me fais pas rire. Déjà que tu saches faire quelque chose de tes dix doigts est un miracle. Et de quel dark side tu parles ? »

Tu perds patience, mal à l'aise (et c'est assez rare pour le préciser) par la proximité qu'il instaure avec la chaleur de sa voix, de ses doigts. Tu ne dois pas te laisser faire Cecil, car ces parasites peuvent rapidement se croire tout permis, ainsi prendre quand tu n'as même pas pensé à leur donner. Tu lui chopes le poignet, serres peut-être un peu trop fort tu ne t'en rends pas compte, mais le force à se redresser. Tu tires le bras contre toi pour le plaquer (le bras) contre ton torse, le maintenir immobile et lui faire mal.

— « Et toi tu commences très mal. Je vais devoir t'enseigner les bases à ce que je comprends. »

Tu lui marches sur le pied, pour le maintenir un peu plus et l'empêcher de s'échapper.

— « Je vais être clair. Discipline, organisation. Pas de sexe, pas de meufs, pas de mecs, pas d'alcool, pas de ronflement. Tu ne touches pas à mes affaires, tu disparais dans ton coin et tu tentes de t'effacer, d'être convaincant dans le fait de ne pas exister à côté de moi. »

Non c'est pas un défi ! Il est bête ou quoi ? Tu enrages. Lui et son sourire, lui et son comportement plus que déplacé. Tu n'as jamais pensé que c'était toi qui était coincé Cecil - les autres ne savent juste pas rester à leur place. Tu fais claquer ta langue sur ton palais à ce qu'il ose dire ensuite. Tes yeux le fusillent et tu redresses les épaules, un peu plus princier. Souffles lentement par le nez comme si t'étais à deux doigts de bouffer.

— « Comme ça n'arrivera pas, on ne saura jamais. Paysan. »

Tu te demandes ce qu'il veut bien dire par il a qu'à te regarder pour le voir. Est-ce qu'il t'a percé à jour ? Impossible, il ne te connait pas, et est bien trop bête pour être aussi lucide sur les véritables intentions des gens. Tu ne cèdes pas face à son regard brillant, et resserres ta prise pour marquer sa peau. Un bleu qu'il pourra justifier aisément de part sa spécialité.
Il aime se bagarrer non ?

— « Il vaudrait mieux pour toi, oui. »

T'es à ça de perdre totalement tes moyens quand il passe sa langue sur ta joue, déglutis de dégout et réprimes un frisson d'écoeurement. Tu grimaces.

— « Ne refais plus ça ! »

Il impose ses conditions et tu fronces les sourcils, éloignes son bras sans pour autant relâcher son poignet, tu le forces à reculer vers son propre lit et lui donnes un coup de pied dans les tibias pour le forcer à s'asseoir. Tu t'accroupis devant lui et relèves la tête.

— « Très bien. Nous sommes parti du mauvais pied. Trouvons un terrain d'entente tu veux ? »

De ta seule main libre tu viens choper son visage.

— « Tu aimes bien humilier les autres n'est-ce pas ? Les provoquer, leur faire perdre la face ? Soyons clairs. »

Tu siffles, vipère.

— « Tu es un imbécile fini. Tu ne vaux rien et tu ne m'impressionnes pas. Donc non, tu vas aller fourrer ta queue partout dans ce bahut sauf dans MA chambre. Tes singes d'amis peuvent fouler ce sol quand je ne suis pas là, soit, à condition qu'ils se tiennent bien. TU VAS faire profil bas, et tu sais pourquoi ? »

Hein, hein ? Tu fais semblant de toi même te poser la question.

— « Parce que sinon je t'écrase, comme un insecte sous ma chaussure. T'es de la poussière, Craig. Je souffle dessus et tu t'envoles. »

Il n'est que provocations vaines, il ne sait faire que ça. Tu ne décolères pas, frustré qu'il en rajoute toujours, qu'il ne se laisse pas intimider. Tu penses agir de la bonne manière pourtant ? Avec les autres ça marche toujours ce petit jeu, alors pourquoi pas avec lui ?
Vas-y Cecil.
Tu rétorques avec assurance et dédain :

— « Tu te souviens de mon prénom quand cela t'arrange. »

Tu resserres ta prise sur son menton, appuies pour le forcer à grimacer. T'en réjouis d'un petit sourire en coin méprisant.

— « Non, je te laisse du sursis. Prince, certes, mais magnanime. »

Tu le lâches quand il concèdes à respecter tes règles. Tu es satisfait et recules de quelques pas, tentant d'ignorer par un habile et faux rictus de bonne mesure ses menaces à deux francs six sous. Au fond de toi ça t'inquiète, tu es anxieux par rapport à sa détermination à te faire chier.
Jusqu'où irait-il pour foutre le merdier ici ?

— « Que suggères-tu, pour que tu me laisses tranquille ? Rentre dans ton jeu alors ? Il est hors de question que je me plie à tes manigances pernicieuses. »

Tu le pointes du doigt.

— « J'ai bien compris que mon rang ne t'importait que peu. Si le respect est absent de ton comportement, je devrais te l'enseigner moi même. »

Ton grave.

— « A ma manière. »

Tu te rassois sur ton lit et ramasses tes écouteurs pour les remettre.

Tu te demandes ce qu'il veut vraiment, ce qu'il cherche en te provoquant. Surement pas à te séduire, en plus d'être inconvenant ça serait pire que gênant. Non, c'est certain que ce flirt comme il l'appelle n'est qu'un outil pour te piéger, te rabaisser et au mieux t'humilier.
Tu fronces le nez et grimaces, le toises d'un air aussi vexé que détaché. Tu ne peux pas lui cacher cet ultime fait : qu'il y parvient plus que de raison.

— « Laisse tomber, tu ne m'auras pas avec des flatteries. Si je laisse les autres gagner du terrain de cette manière, c'est uniquement ceux que je peux contrôler. »

Souffles, et lèves les yeux impérieux.

— « Ceux dont je me suis assuré qu'ils ne peuvent pas me faire de mal. »

Il parle de respect et d'envie, tu lèves les yeux au ciel et t'allonges dans ton lit, augmentes sans honte le volume de ton téléphone pour masquer sa voix désagréable.
Le truc qu'il doit savoir, c'est que toi tu n'as pas de respect et encore moins pour les gens comme lui qui se sont moqués depuis le premier jour, qui franchissent les limites avec le sourire.

Alors que tu perçois quelques mots, tu butes quand il parle de mauvais côté. Tu baisses donc le son, sans enlever les écouteurs avant de froncer les sourcils.
Sans répondre, tu le regardes droit dans les yeux, une animosité brillant sur la rétine. Il est vrai qu'en cet instant tu as l'air aussi menaçant que froid, aussi rabaissant que droit. Tu ne flanches pas, puis romps finalement le silence d'un éclat de rire, qui résonne dans les parois fines de la chambre.

— « Je crois que tu te fais des idées. Je n'ai aucun côté sombre ! Pour qui me prends-tu ? Docteur Jekyll et Mister Hyde ? Tu as trop lu d'histoires Ren. »

Tu tords ta bouche en un rictus goguenard.

— « C'est ça ton problème rrrr-e-n. » Tu fais exprès de rouler son prénom à ta langue. « Tu es resté dans l'enfance. Tu m'excuseras. »

Tu te tournes dos à lui, et remontes le son de ta musique pour fixer le mur.