Elle n'avait jamais eu l'impression que sa garde-robe pouvait être si importante, il est vrai qu'elle avait l'habitude de souvent changer de vêtements et de porter le moins possible la même chose dans un court laps de temps en dehors des uniformes mais là. Plus elle en sortait plus elle se demandait sérieusement comment elle était parvenu à tout faire rentrer.

D'ordinaire Lucrecia n'était pas si bordélique, d'ordinaire rien ne traînait si au sol ni son son lit -celui de sa colocataire parfois, lorsqu'elle la chassait parce qu'elle avait besoin de place, d'espace. Un peu comme aujourd'hui finalement, car pour une fois, au sol comme sur son propre lit trônent déjà une myriade de vêtements, de tissus, paillettes, breloques et de papiers en tout genre. Des croquis de son costume pour la soirée à venir, dessinés par elle. Pas trop mauvais, pas parfaits. Peu importe tant qu'ils en restaient compréhensibles.

Ta voix pour lui faire lever les yeux dans ta direction. Lorsque tu entres et t'exclames elle est debout au centre de la pièce, une robe blanche dans chaque main.

— Eh bien, tu en as mis du temps ! C'était quoi cette fois ?

Une baston ? Une fille ? Ou les deux en même temps, va savoir. Un regard à tes mains lui indique tu ne sembles pas t'être battu récemment -enfin, dans l'immédiat. Un sourire alors, un peu revêche lorsque tu mentionnes les garçons.

— Après tous les rencards que tu m'as fais foirer tu as encore des idées ? J'en suis admirative.

Admirative car de bonne humeur bien sûr, toi-même tu sais à quel point elle a eu envie de t'étrangler (au moins) à chaque fois. Parce qu'elle t'aime sincèrement elle ne t'en a jamais voulu très longtemps mais il va falloir apprendre à être conciliant parce qu'elle ne se laissera plus faire désormais.

Un sourire malice à ses lèvres, elle darde son regard dans le tien, toi désormais posé sur son lit.

— Tien, c'est une bonne idée ça.

Le sourire qui s'agrandit tandis qu'elle lâche ses robes au sol pour venir faire un peu de place à côté de toi. Elle se laisse ensuite tomber brusquement, à moitié avachie dos contre toi et sur les draps. Se retourne à moitié pour venir ébouriffer tes cheveux d'une main taquine. Avec un peu de chance ça t'embêtera au moins un peu, sinon ça restera simplement drôle -et tu sais qu'il n'y qu'avec toi qu'elle se laisse autant aller. T'es bien l'un des rares à l'accepter réellement alors bien sûr qu'elle en profite.

— J'allais justement me faire des nattes. Tu vas t'en charger pour moi.

Pas du tout mais autant en profiter, pas vrai ?
Avec tout ça elle ne t'a toujours pas dit ce qu'il se tramait dans cette pièce, d'ailleurs.

— Oh, un garçon donc.

Intéressant. Un sourire à ses lèvres tandis qu'elle note l'information (et ta réaction) dans un coin de sa tête. Elle ne saurait dire si la nouvelle est bonne ou mauvaise mais elle semble assez importante pour ne pas être oubliée, tu n'aurais pas sourit autrement. Pas vrai ? Hausse légèrement les sourcils à la mention de tous ces types jamais assez bien pour elle, l'esquisse narquoise qui s'étire presque immédiatement avant qu'elle ne te réponde.

— Il ne t'est jamais venu à l'esprit que j'avais le droit de m'amuser, moi aussi ?

Un soupir un peu surjoué. Tu sais Darren, tu la maternes sûrement trop. C'est dans des moments comme celui-ci qu'elle se demande si, finalement, tu ne l'idéalises pas trop toi aussi. Parce que Lucrecia n'est pas si bien, si belle oui mais pas si gentille. Ce n'est pas parce qu'elle n'use pas de ses poings que c'est un ange, tu devrais le savoir tout ça; tu l'as déjà vu. Est-ce que tu l'as oublié ?

Ricanement qui s'élève à la mention de son courage. C'est simplement qu'elle a confiance en sa capacité à se venger si tu viens à foirer, tu vois ? Étire un sourire en coin amusé sans prendre la peine de te répondre puis te délaisse après une tape enjouée sur ta cuisse pour s'installer en tailleur sur le coussin.

— Passe-moi mon portable.

Tâte d'une main les draps derrière sans avant que tu ne le lui donnes et qu'elle attrape également quelques-uns de ses croquis pour les poser près d'elle. Elle ferme les yeux un instant, Lucrecia, se laisse aller à la douceur de tes gestes dans ses cheveux -c'est qu'elle pourrait y prendre goût et te demander de recommencer pour toujours. L'innocence du début de ses souvenirs en mémoire qui surgit, l'innocence de bien avant les drames, quand elle était unie à son frère malgré leurs parents très occupés. Des enfants avec des problèmes d'adultes oui, depuis toujours et pour toujours.

Tranquillement elle fait défiler les notifications de ses réseaux sociaux. Tu redemandes pour ses vêtements et elle hausse les épaules.

— Ah, ça. J'ai un rencard avec Noah ce soir. Tu vois qui c'est ?

Son meilleur ami, oui.
Le type qu'elle avait harcelé.
Son ex.
Son plan cul.
Sûrement l'une des relations les plus toxiques qu'elle puisse avoir mais une chance pour elle que tu n'en ais pas tous les détails.

Insiste bien sur le mot rencard, tu ne la vois pas qui sourit mais le devines sans doute facilement. La vérité c'est qu'elle n'a pas du tout prévu de voir Noah ce soir. Elle se retourne alors pour poser un bras sur tes genoux.

— Fais pas cette tête, on dirait que tu vas le tuer le pauvre.

Si ça devait arriver elle ne s'en excuserait pas, d'ailleurs.

— Mais laissons mes conquêtes tranquilles et parlons plutôt de ton nouveau coloc. elle a déjà des étoiles dans les yeux. C'est qui ? Je veux tout savoir.

Parce que tu as souris, alors sous couvert de curiosité enfantine elle a décidé de mener son enquête. Tu n'es pas le seul à protéger l'autre, Darren.

C'est qui ce con. Elle étire un sourire parce que c'est précisément ce genre de réaction qui l'agace autant qu'elle en rigole en général. Aujourd'hui elle s'en amuse parce que tu plonges tête la première dans ses bêtises et ça lui fait plaisir de constater qu'elle peut au moins t'emmerder un peu sur ça. C'est de bonne guerre après tout. Le truc un peu galère c'est que tu te défends toujours trop bien, et dans ces moments-là elle a beaucoup de mal à en placer une.

Mimant la prudence, elle approche son index de tes lèvres lentement. Esquisse amusée aux siennes, tu vas mordre ou pas Darren ? Non, bien sûr. Alors en ricanant elle laisse s'échouer son bras à tes genoux, contre lesquels elle s'est posée. Note le changement de sujet, la moue perplexe avant de lever les yeux vers ton visage. Tu poses des questions, beaucoup trop de questions et la dernière lui arrache un rire franc tellement elle est ridicule. Une main presque pudique devant sa bouche tandis qu'elle essaie de se calmer, t'es vraiment pas possible comme garçon sérieusement.

— Attends.

Elle attrape rapidement son téléphone pour envoyer un sms à Noah.





Tranquillement te montre l'écran après avoir envoyé. C'est dommage que tu sois sans doute trop aveuglé pour remarquer qu'elle se moque de toi depuis le début, mais ça a au moins l'avantage de la faire rire.

— Satisfaite maman ? Je penserai à t'imprimer son CV dans l'après-midi, il a un excellent pédigrée t'en fais pas.

Verrouille son portable avant de le lancer plus loin sur le lit. Elle prend appuie sur tes genoux pour se relever en soupirant légèrement et finalement venir s'assoir sur tes cuisses. Entoure ta taille de ses jambes pour te piéger contre elle, tu remarqueras sans doute que si le sourire n'a pas quitté ses lèvres il semble plus sérieux tout à coup. Un bras nonchalamment posé sur ton épaule pour garder l'équilibre, sa main libre glisse jusque ta mâchoire pour y déposer une caresse furtive avant venir de relever ton menton d'un mouvement de l'index. Confronte vos regards sans prétention.

— Je ne le répèterai pas deux fois Darren, mais Noah tu le laisses tranquille. Vraiment.

Hausse les sourcils pour te mettre au défi de réfuter sans pour autant te laisser le temps de répondre.

— Il mérite pas ta haine, c'est un gars bien. ahem. Et c'est mon ex accessoirement, pas mon rencard. T'es vraiment trop crédule.

Lâche ton menton pour venir entourer ton autre épaule de son bras. Tranquillement elle glisse ses doigts dans tes cheveux, c'est quelque chose qu'elle a toujours aimé faire. Avec toi, avec les autres. Les cheveux sont souvent bien plus doux que les gens, ça fait du bien.

— D'ailleurs, j'ai pas oublié ton coloc. Tu veux vraiment que je fouine par moi-même pour trouver les réponses à mes questions ?

L'esquisse narquoise qui réapparaît, tu sais qu'elle le fera.

Le regard qui te met au défit de seulement essayer de l'enfermer, perplexe Lucrecia tandis qu'elle soupire et se relève pour venir s'installer plus confortablement sur toi. En réponse elle te met en garde, te demande simplement de laisser Noah tranquille parce qu'il ne mérite pas ton courroux. A tes yeux sûrement que si, si tu savais le quart de ce qui vous uni sûrement que tu serais même déjà parti le trouver pour lui casser la gueule mais elle refuse l'idée. Parce que t'en prendre à Noah ce serait te faire prendre le risque de la perdre et ça non plus elle ne veut pas. Vous êtes devenu, chacun à votre manière, des piliers de sa vie qu'elle ne souhaite pas voir disparaître. Ce serait une catastrophe, Darren, la pire d'entre toute.

Un rire soufflé par le nez à tes questions, elle a le sourire qui s'adoucit à peine avant d'arborer une esquisse beaucoup plus taquine.

— Mais non il ne m'a pas trompé, il fallait simplement qu'on arrête j'imagine ? Tous les couples ne finissent pas mariés jusqu'à leur mort...

Comment aurait-il pu vu la raison pour laquelle ils s'étaient mis ensembles à la base. Des moqueries qui se sont transformées en attirance, l'attirance en amitié puis l'amitié en amour. Un amour pur, sincère et violent qu'ils ont eu beaucoup de mal à apprivoiser, alors pour les apparences ils sont sortis ensembles en croyant ne pas réellement s'aimer; et quelque part c'était vrai. Aussi vrai que faux d'ailleurs. Puis ils ont fini par rompre et plus le temps passe plus Lucrecia sent qu'elle le regrette. C'est là à démanger son coeur et grignoter insidieusement sa raison, elle aurait préféré qu'il ne reste qu'à elle et pourtant elle le sentait qui s'éloignait doucement. Comme avec Arsene. Pourquoi tous les hommes auxquels elle tient finissent toujours par s'éloigner ?

Elle ravale sa grimace et la lueur sombre qui s'était glissée dans ses yeux un bref instant pour venir recentrer le sujet sur ton colocataire, ta réaction lui arrache un sourire fier et amusé.

— Je sais. Mais c'est précisément pour ça que tu m'aimes non ?

Avoue que ce serait beaucoup plus ennuyant si elle se laissait faire sans jamais répondre, insister ni te rendre la pareille. Un peu comme... La majorité des élèves de cette école finalement ? Ceux dont tu ne te souviens pas du nom.

La mention de Cecil lui fait reculer légèrement le buste en arrière et hausser les sourcils de surprise. Sourire narquois quand tu dis ne plus te souvenir d'où il est le Prince, c'est déjà beaucoup que tu te souviennes qu'il l'est tu sais.

— De Monaco, c'est un rocher au Sud de la France.

Sans entrer dans les détails évidemment.

— T'es pas capable de te souvenir du prénom de ton dernier rencard mais tu te souviens d'un mec de ta classe il y a 3 ans et avec lequel t'as "jamais vraiment parlé" ?

C'est intéressant. Plus ou moins inquiétant à ses yeux parce que depuis son arrivée elle s'est toujours méfié de Cecil, Lucrecia. Les Princes parfaits et adorables n'ont jamais existé, qu'ils le soient de sang ou non. Le pouvoir rend les gens tordus, Darren, et les Princes sont les premiers à en subir les conséquences. (si elle savait)

Elle lève les yeux au ciel à ta remarque avant d'étirer un sourire.

— T'en fais pas, je saurai où le trouver maintenant. Et puis toi t'es bien plus accueillant que son chien de garde...

Laisse échapper un ricanement léger avant de reprendre une expression à peine plus sérieuse.

— À moins qu'il t'intéresse ?

Après tout tu ne l'as pas oublié alors...