Elle ne se sentait jamais aussi bien que lorsqu'elle parcourait de long en large le bassin de la piscine, seule malgré les autres tout autour. En dehors des cours, en dehors du club, un moment rien qu'à elle, plongée dans les profondeurs du bassin. Autour d'elle plus aucun bruit si ce n'est celui de l'eau qui chatouille ses oreilles et se glisse, majestueuse, tout autour d'elle. Une longueur. Deux longueurs. Redécouvre la surface de temps à autres pour respirer un bref instant puis replonger. Nouvelle longueur. Encore encore encore jusqu'à se prendre un coup brusque en plein dans la tête.

Elle tousse lorsqu'elle remonte à la surface, en plein milieu du bassin s'accroche aux bouées qui séparent les couloirs pour reprendre sa respiration avant de se tourner vers celle qui semble l'avoir percutée. Toi.

— Imbécil! Tu veux me tuer ou quoi ?

Qu'il est désagréable de sentir sa gorge sèche après avoir bu une aussi grosse tasse. Elle te toise sévèrement, la colère dans les yeux et le coeur qui bat toujours fort du trop plein d'adrénaline venu d'un coup. Tu lui as fais super peur, tu t'en rends compte ?

— On t'a jamais appris que le milieu était réservé à ceux qui nageaient sous l'eau ? À ceux qui savent nager tout court, d'ailleurs.

Tout autour de vous elle devine sans mal que la plupart des regards se sont rivés droits sur vous, à l'affut du moindre raffut. Cette école est pleine de commères après tout. Lucrecia claque sa langue, clairement agacée par la situation sans pour autant leur prêter la moindre attention.

— Aller dégage de là, c'est pas le bassin enfant ici.

Le regard sévère mais l'allure toujours si fière elle attend que tu t'exécutes et que tu t'en ailles. C'était la meilleure solution pas vrai ? Que tu t'en ailles.

— Pardon ?

Elle a toujours un bras pour tenir la ligne flottante, par confort plus que par réel besoin. Bras qui lâche bien vite la ligne tandis qu'elle se rapproche de toi, pour te coincer entre elle et les flotteurs. Ses deux bras en barrière pour t'empêcher de fuir autrement qu'en plongeant dans l'eau, elle te toise avec mépris.

Tes excuses lui font étirer un rictus en coin, léger et confiant tandis qu'elle t'accule un peu plus entre elle et les flotteurs. Vos bustes se touchent, vos jambes aussi parfois dans vos mouvements lents pour ne pas couler.

— Tu veux te faire pardonner, hein.

Elle lance un rapide coup d'œil aux quelques regards indiscrets qui vous observent des gradins puis claque la langue, agacée, avant de reporter son attention sur toi. Elle te regarde droit dans les yeux, Lucrecia.

— Commence par respecter les règles et barre-toi d'ici. Ou c'est peut-être trop pour toi ?

Quand bien même, elle s'en fiche un peu.

Tes bras à sa nuque et tes jambes qui se nouent à sa taille la prennent de court. Tout son corps se fige un instant de surprise avant qu'elle ne fronce les sourcils, l'incompréhension d'abord puis la dureté dans son regard ensuite.

— Qu'est-ce que- ???

Qu'est-ce que tu crois faire au juste ? Lucrecia pose une main sur l'un de tes avant-bras, y plante ses griffes pas trop fortement, juste assez pour pouvoir agripper ta peau et tirer pour te dégager.

— Lâche-moi.
Barre-toi.

C'est étrange comme situation, désagréable, elle n'aime pas ça. Un peu outrée la reine, vos regards l'un dans l'autre pourtant elle se fait ferme et incisive. Pas besoin de plus de mots pas vrai ? Dégage. Ordre silencieux, menace réelle tandis qu'elle s'impose au-dessus de toi. Elle est fière Lucrecia, si fière et finalement tu finis par céder. Elle ne comprend pas tout, devine à ton expression perturbée que gagné est une bonne nouvelle pour elle, elle reste cependant perplexe un instant avant que tu ne décides de te décoller et t'en aller.

Elle te regarde longuement et méchamment remonter à la surface pour t'éloigner rapidement, la satisfaction d'avoir su te remettre à ta place mêlée à un étrange agacement bien trop grand. Un coup d'œil rapide pour les regards insistants des autres élèves, c'est ça qui l'agace pas vrai ?

— On peut savoir ce que vous regardez ?

Puis plonge à son tour sous l'eau pour regagner le plongeoir et s'y hisser. Deux longueurs plus tard et un regard sur l'horloge de la piscine lui indique qu'elle n'a plus vraiment le temps de se prélasser, alors elle regagne tranquillement les vestiaires avec ses affaires pour se changer. En ressort vite, par habitude, impeccablement vêtue de son uniforme et parfaitement coiffée; merci le bonnet de bain d'avoir gardé ses cheveux au sec.

Elle pianote tranquillement sur ton téléphone jusque l'entrée du bâtiment, lève les yeux une fois à l'extérieur pour pallier aux éventuels obstacles. Un sursaut lorsqu'elle s'arrête brusquement après avoir manqué de te foncer dedans. Le souffle court de surprise, elle recule de deux pas. Une inspiration.

— Est-ce que tu le fais exprès ?

L'intonation pleine de reproches, elle ne retient pas le soupir qui s'échappe de ses lèvres ensuite. C'est que ça va pas être possible là.