Qu'elle soirée de merde. Vraiment. Alors après le concours et son échec cuisant elle était allé se nettoyer. Se ressourcer aussi un peu, de se calmer au bord de l'eau. Lorsqu'elle y est entrée elle s'est demandé si de cette eau là elle serait un jour capable d'en toucher le fond. L'envie de tenter bien vite balayée par la présence d'Arsene, elle s'était contenté d'un lavage rapide pour enlever un maximum cette odeur de bière répugnante qui lui filait la nausée.

Elle avait passé les dernières heures à boire, à manger sûrement un peu pour ne pas s'achever trop vite, à danser aussi. Avec toi, avec d'autres, seule aussi sans doute. Parce qu'elle avait bu elle n'avait pas fait attention aux regards des autres, pas des inconnus, de ceux qu'elle connaissait. Les autres élèves, ses amis, ses ennemis aussi. Elle était dans un état un peu étrange, pas tout à fait bourrée mais juste assez ivre pour se délester un minimum de ses soucis (jamais assez à son goût cependant). Le temps est passé et sa robe est totalement sèche désormais, aux odeurs d'iode et de sel marin, ça vaut toujours mieux que la bière. Le maquillage presque impeccable elle a levé yeux au ciel, c'en est assez. Tape alors un sms à Darren qui reste sans réponse, un autre pour prévenir Arsene qu'elle s'en va. Le troisième est pour toi, parce qu'il est tard (ou bien trop tôt) mais qu'elle ne veut pas rentrer dormir. Pas ivre morte donc, elle veut encore danser. Danser, boire et rigoler. Ailleurs qu'ici parce qu'ici les regards sont insupportables, ils ne sont plus posés sur elle tu sais ? Alors ce soir elle n'a plus rien à faire là.

Elle a le sourire qui s'agrandit et le visage qui s'illumine lorsqu'elle te devine et que tu attrapes ses épaules doucement. Baiser à sa tempe, elle se tourne vers toi pour te prendre dans ses bras joyeusement.

— Evan, mon sauveur ! Sors-moi de là je n'en peux plus.

Puis s'écarte de toi rapidement, une brève œillade lui indique qu'il manque quelque chose.

— Il est où ton tricorne ?

Peu importe son air embêté, elle ne rechigne pas à te suivre lorsque tu la guides hors des lieux. Elle oublie d'ailleurs bien vite cette histoire de chapeau, perturbée par la sensation plutôt agréable du béton sous ses pieds nus. Si le sable était confortable, il n'en restait pas moins très frai et plutôt mou. Le passage sur cette surface plus stable la rassurait inconsciemment, et elle avait alors l'impression de s'éloigner un peu de l'enfer.

Elle tourne le visage vers tes doigts lorsque tu lui tends un bonbon qu'elle attrape aussitôt pour l'avaler et s'accrocher à ton bras dans la foulée. Glousse un peu avant de tendre sa main libre vers ta poche pour s'en servir un deuxième.

— Merci ! Je les ai mérités ce soir pas vrai ?

Vraiment.
Elle a été forte ce soir, comme toujours.

Et si les rageux se sont moqués d'elle c'est bien parce qu'ils sont des rageux et non parce qu'elle aura montré un quelconque signe de faiblesse. La preuve, finalement la plupart ont fini par se détourner. Une grimace amère à cette pensée, cette situation n'est pas tolérable. Elle est en danger, pas vrai ?

Sauf avec toi. Avec toi et avec Gauthier, dommage qu'il ne vienne pas d'ailleurs.

— Peu importe mon Capitaine, pour le reste de la soirée c'est toi mon Roi. Fais-moi rêver.

Œillade complice, elle étire un sourire à la fois amusé et défiant. Elle ne doute pas un seul instant que tu sauras répondre à ses attentes en lui donnant plus qu'elle ne veut. En profite pour te reprendre un troisième schtroumpf. C'est que c'est drôlement bon ces merdes là.

Comment tu fais Evan, pour sourire tout le temps ? Ce n'est pas pénible ? Elle se demande parfois si ce qu'elle voit de toi chaque jour n'est qu'un mirage ou si tu es simplement bien meilleure qu'elle. Songe bien vite ensuite qu'il est impossible d'être heureux tout le temps, elle aurait aimé pourtant ! C'est qu'elle l'a cherché si fort ce bonheur inconditionnel mais elle ne l'a jamais trouvé. Il y a toujours des mots plus hauts, des disputes, des colères, des trahisons. C'est impossible Evan, alors comment tu fais ?

— Oh comme j'ai hâte de voir ça.

L'endroit parfait, le paradis quelque part. Dans un rire léger se laisse porter par l'idée qu'il ne s'agit peut-être pas seulement d'une utopie, que tout ceci puisse être vrai sans n'être du qu'à l'alcool et ses envies d'ailleurs. Ce serait si beau, tout serait parfait alors. Parfait comme elle, comme toi.

Un sourire tandis que vous bifurquez, la musique se fait entendre au loin et son pied tape doucement le sol tandis que, toujours à ton bras, elle sautille en rythme sur les pavés jusque l'entrée. Ses iris se perdent alors un instant sur la façade en vieilles pierres. Le côté rustique du bâtiment et la lumière tamisée qui émane de l'intérieur l'attirent instinctivement, pourtant c'est sur ces hommes à l'entrée que son regard se porte ensuite. Ils vous regardent étrangement et de provocation Lucrecia hausse les sourcils, qui sont-ils ces imbéciles ? Qu'est-ce qu'ils veulent ? Est-ce que c'est toi qu'il regarde aussi mal, ce plouc mal coiffé avec sa clope au bec ? Suit le tracé de son regard pour confirmer en silence ses soupçons, elle n'a pas le temps de plus réagir que tu viens accaparer son attention d'une douceur sans nom.

Un rire en écho au tien tandis qu'elle se serre un peu plus contre toi. C'est agréable parce qu'elle a l'impression d'exister à tes côtés, de n'être rien de plus qu'elle-même, Lucrecia Reine du monde, aimée et vue de tous.

— Cet endroit me semble parfait très cher, et si nous y allions ? Je veux danser.

Danser jusqu'à oublier qu'il ne s'agit réellement que d'un mirage parce qu'elle veut en faire sa réalité, au moins pour cette nuit. La malice dans les yeux quand tu la guides jusque l'entrée, caresse tendre dans tes cheveux à tes lèvres sur sa joue puis elle entre sans tarder en attrapant ta main à son passage pour te tirer joyeusement à sa suite.

Tourne gracieusement au centre de la pièce pour se lover une nouvelle fois entre tes bras dans un rire amusé. Lève les yeux un instant pour contempler le bleu des tiens tout en glissant une main sur ta joue. Ils sont plus profonds encore à la lueur des lumières de ce bar, tu le savais ?

— T'as vraiment des yeux magnifiques, ils sont comme l'océan. Ou le ciel ? Hm... souffle t-elle tandis qu'elle fronce légèrement les sourcils en réfléchissant. Ah ! Les deux en fait. On dirait des pierres précieuses.

S'écarte soudain pour se reculer jusqu'à une table près du mur du fond qu'elle contourne pour se poser debout entre la banquette et la table, les mains à plat sur le bois. Un nouveau regard pour toi qui t'approche, une esquisse trop douce pour égayer ses lèvres.

— T'en as pas marre d'être si parfait ?

Regarde, tout le monde autour n'a d'yeux que pour toi.

Est-ce que tu le vois, cet éclat dans son regard, dis ? Un sourire à ses lèvres bien trop doux avant qu'elle ne quitte tes bras pour rejoindre votre table, avec toi elle ne veut jamais cesser de sourire Evan. Elle ne veut pas être malheureuse, tu crois que c'est possible ? ((non)) Elle ignore avec violence cette petite voix qui murmure ces vérités trop vraies pour ne se concentrer plus que sur toi. Toi qui arrive, ton rire pour emplir l'espace -c'est beau. C'est si beau, pourtant tu ne le remarques peut-être pas mais son coeur finit par se serrer un peu. À peine. Mais le masque est parfois lourd à porter, c'est vrai. Trop vrai.

— Hm.
Tu peux l'enlever avec moi, tu sais ?

Un instant l'esprit qui se perd avant que tu ne la ramènes à la réalité. Elle aimerait tant pouvoir te libérer tu sais, au moins un peu, au moins ce soir. Mais comment on fait ? Car de vous deux tu es celui qui toujours en premier tend la main, alors elle ne sait pas vraiment, Lucrecia, comment virer tous ces masques qui vous étouffent l'un et l'autre.

L'œillade un peu vague qu'elle pose sur tes doigts décidés contre le bois de la table avant de finalement relever son regard pour croiser le tien. Un shot, une vérité. Oh. L'esquisse amusée à ses lèvres pour répondre au défit que semblent lui lancer tes iris.

— Tu as tant de secrets à dévoiler que ça ?

Taquine lorsqu'elle te regarde te saisir du premier shot avant de hausser les sourcils entre admiration et surprise à l'écoute de ta vérité.

— Voilà qui est intéressant. C'était comment ?

Intéressant et amusant, à en juger par ses lippes qui se tordent doucement.

— J'ai toujours dis que j'avais les meilleurs goûts, tu fais un roi exceptionnel tu sais.

Un rire pour suivre le tien, elle se saisit à son tour d'un shot pour le lever à hauteur de ses lèvres avant de réfléchir un instant.

— Je n'ai jamais fais de plan à trois.
Facile.

Trop.
C'est bien pour ça qu'elle continue.

— Mais j'avoue que l'idée est tentante, j'aimerai bien essayer.

Lève un peu plus haut le shot pour trinquer à ta santé avant d'ajouter dans un rire enjoué.

— En voilà une belle royauté !

Rapidement elle porte le shot à ses lèvres pour en avaler le contenu cul-sec et se délecter du frisson qui se répand dans tout son corps, lui fait remonter les épaules brusquement avant qu'elle ne lâche un souffle par le nez.

Puis de nouveau le chocolat de ses iris qui pétille en croisant l'azur des tiennes.

— Qu'est-ce que tu me caches encore, Evan ?

Elle veut tout savoir, raconte lui.