Des ténèbres blanches sous la lumière feutrée du clair de lune, couronne de nacre et le dôme céleste - folie existentielle, grandeur cyclopéenne qui s’étend se confond pour devenir la foule. Enchantés, les tokyoïtes balancent les roses et l’acclament - comme de ceux qui n’ont que le monde pour existence ; comme ceux qui ne vivent que pour les orages des murs dont les applaudissement fracassent les extrémités.
Tomie ne vivait que pour sentir ses poumons se gorger par l’adrénaline et les effluves de la grandeur serpentaient ses traits, consumaient son essence même alors que les roulettes glissaient harmonieusement sur le béton froid. Comme sur la glace, en demi-cercles et sauts - il répétait ce qu’il connaissait depuis tant d’années, comme on berce les loups sous la même lune, comme on les élève à la même chasse, Tomie connaissait chaque détour de la surface givrée du bout des doigts.

Il devait être meilleur ; il devait être grand.
Ô mère - rassurez-vous car il ne sera pas comme vous, il sera plus encore.
À en faire trembler les murs jusqu’à vous en tirer les cheveux. Et il sourit, bienheureux et fier, méprisant si vous daignez vous apprêter à ses genoux. Tomie la voit lorgner à ses pieds puis lui peut-être l’écraser, et dans un détour pourtant, il rate une boucle maladroitement puis jure à haute voix.
La brise frappe plus foncièrement son derme, mais la nuit qui se décalque dans le peu de lumière le cause à parfois vaciller, hésitant sur ses pas. C’est décevant, car Tomie n’hésite jamais - démarche assurée et griffes exacerbées, avance piétine marche au pas.

Mais force de vouloir s’élever la chute est imminente et la rage incoercible, quand les muscles ne se tendent pas comme désiré. Il se prête à user de son don pour qu’il s’éveille toujours plus aisément mais rien n’est toujours aussi simple et dès que son corps heurte le sol c’est comme la chute.
Sur la patinoire,
Quand les lumières n’illuminent que lui ; la lune diable.
Il se voit à nouveau, distordu à en faire crier l’échine et jure, haut et fort.

Et sourcils froncés, les phalanges se resserrent sur ses jambes ; ses muscles qui ne se prêtent pas à ce qu’il veut être et il a envie de crier ; mais tu vas te soustraire à la fin ? Je vous briserai pour que vous - ah ! Cessiez un instant de me faire tomber.
Pourtant silence. Écoute du vent qui siffle frôle le derme - l’échine courbée et l’oeillade qui s’étend. Il a perçu, du coin de l’oeil dans l’obscurité - des tâches indésirables.
Il a senti au loin, les effluves de la nicotine percer sa bulle de confort.
Les orbes luisent dans l’obscurité, il ne dira rien - car il le sait.

Tout ressemble au jour où tu as disparu.
Ou nous - avons disparu.

Il a ce vieil aspect des arbres déjà morts aux branches écorchées par la vieillesse. Quand il l’effleure du regard dans l’obscurité, ses orbes pivotent et détournent de leur route, comme malheureuses de constater ce que le monde lui a infligé. Mais Tomie n’a plus de peine, quand il pose son regard sur lui - il a compris bien assez tôt, que simplement l’effleurer ne ferait que plus le blesser.
Préfère l’éviter, l’oublier, comme s’il n’était rien d’autre qu’un insecte ; mais n’était-ce pas déjà le cas ? Faute d’avoir été trop brusquement porté de nouveau à ses côtés, c’était comme s’il ne pouvait plus le fuir.
Il aurait aimé être celui qui reste et toi celui qui s’affaisse - mais il n’a qu’une haine outrageante à son égard. Elle grandit, à tes pas - brasier du coeur. C’est presque entaillant droit au coeur, consumant l’air sans en laisser ne serait-ce qu’une bribe.

Étouffant Umitori, comme autrefois, alors rien ne change. Pas même ce regard qu’il pose sur lui. Alors s’il vient de plus lui remémorer sa chute - comme s’il n’en avait pas eu d’autres - c’est bien plus offensant. Tomie le souvenir des nombreuses chutes pour lui est plus brutal qu’il le semblait et alors, en deux pas rapides se redresse pour s’ériger à sa hauteur - dans les ténèbres, sa lumière pourfend les abysses et pourtant, sa déchéance n’a d’égal que sa petitesse.

— C’est perfide, comme à ton habitude. Pour ne pas dire habituel laidement, alors que ses orbes luisantes se sont glissées plus loin, où serpentent les effluves de la nicotine. L’odeur n’est plus désagréable, sur le palais, elle laisse le souvenir de ces vieux pigeons de l’Assemblée, étriqués dans leurs costumes ; pas désagréable, plutôt réconfortante. Mais sa présence n’était que parasite.
Il faut extraire les parasites, condamner les mites avant qu’elle ne ronge tout. Entre les coups de ta colère et ce faux pas, tu ne me laisses pas beaucoup d’options. Tomie condamne les bleus des chairs et les hématomes - il s’est tant donné autrefois, jusqu’à finir rué de coups ou usité pour les pires désirs. Il les condamne dans un part de son esprit qu’il ne veut pas déterrer ; mais pour Umitori, il s’amuse à figer ses douleurs et lui offrir.
Elles lui feront plus de mal à lui de toute façon - il y a bien longtemps qu’il les a effacé.

— Mais tu n’en as jamais laissé beaucoup. Il n’y avait pas d’autres chemins que celui de sa colère, ni de sa peine.
Tomie déplorable dans un coin de pièce se souvient, de l’odeur immonde que laissaient les draps. S’il avait été félin à cette époque - il l’aurait éviscéré, mais Ehara avait la force ; il ne restait plus qu’un insecte misérable désormais.
Tomie avait les griffes, réfugiées dans cette colère incoercible qu’il lui portait - dans cette haine envers son esprit sybarite. Il voulait à cet instant ; bondir contre lui, le piétiner de ses griffes.
Mais que sa miséricorde l’emporte sur sa colère - il priait. À chaque fois qu’il le percevait, c’était une douleur dans laquelle il immergeait. Et son oeillade désormais néfaste sur sa silhouette dans l’obscurité découpée criait des maux d’ailleurs, des coups rouges sur le derme blanc, et se demande Tomie si les chose aurait été différentes,
Si c’était lui qui lui avait donné cent coups - peut-être deux cent, trois cent, assez pour que de son esprit l’on ne cueille que des larmes.