Tu n'as jamais répondu. Dans un soupir alors le téléphone qui retombe sur les draps avant qu'elle ne lance un à Evan tout près d'elle. Glisse sa main sur la sienne pour l'attirer contre elle doucement, c'est qu'elle imagine qu'apprendre de façon aussi brutale que c'est à cause de lui qu'ils sont ici le blesse vraiment mais elle n'est pas douée pour le tact, Lucrecia. Et puis, même si les faits sont clairs, elle est toujours trop confuse pour être capable d'expliquer les faits autrement. Sa tête qui se pose sur l'épaule d'Evan, elle ferme les yeux un instant. L'infirmière a été appelée, elle ne devrait plus tarder maintenant.

— Je crois que Noah est en chemin.

Un léger sourire pour étirer ses lèvres, bien vite remplacé par une moue embêtée. Elle ne veut pas que tu viennes Noah, mais c'est trop tard pas vrai ?

Elle reste un moment encore accrochée à Evan, leurs doigts entrelacés à discuter avant qu'il ne se lève pour aller chercher quelque chose à manger. L'infirmière passe juste après, rapide, juste le temps de s'enquérir de son état et de lui donner une aspirine en lui expliquant qu'elle devrait attendre le passage du médecin bientôt avant de pouvoir sortir. Un soupir qui s'échappe lorsqu'enfin elle s'en va, Lucrecia espère sincèrement que le médecin arrivera bientôt parce qu'elle n'en peut déjà plus.

Il ne faut pas longtemps avant que la porte ne s'ouvre de nouveau dans un fracas tel que son coeur manque de se dérober à sa poitrine sous l'effet de la surprise.

— Noah ??????

Elle se redresse bien vite lorsqu'elle te voit t'effondrer, délaisse les draps pour franchir la distance qui vous sépare à grandes enjambées et s'agenouiller près de toi. Elle était sûre que tu viendrais mais était bien loin d'imaginer l'état dans lequel tout ça t'avait mit.

— Bien sûr que je vais bien...

Soufflé en réponse à tes mots, elle n'a pas la force de lever plus fort la voix, encore trop surprise de te savoir bien plus mal qu'elle ne l'est présentement. Doucement glisse une main dans ton dos puis remonte jusque ta nuque pour t'attirer contre elle et poser ta tête contre son épaule. Elle est vêtue de la blouse de l'hôpital et toute propre car aller se laver pour de vrai est bien la première chose qu'elle ait fait en se réveillant, après avoir insulté Evan d'à peu près toutes les insultes les plus ridicules qui lui sont venues. Il le fallait.

Ses doigts dans tes cheveux qui les caressent tranquillement, son autre main pendue le long de son corps, elle est un peu embarrassée présentement. Partagée entre les raisons qui l'ont poussée à te faire la gueule depuis la veille et son amour pour toi qui lui fait simplement tout oublier.

— T'es vraiment bête, esquisse attendrie qui s'étire à ses lèvres. Regarde dans quel état tu te mets. Je t'avais dis de pas venir pourtant, t'as pas vu les messages ?

Non, quelle question.

Elle n'a pas arrêté les caresses lentes dans tes cheveux, parce que ça la rassure tu sais. Lorsqu'elle fait ça elle a l'impression que tu es bien là, près d'elle, elle peut te toucher, te sentir. Tu n'es nulle part d'autre qu'ici, et même si tu étais à des années lumières aussi proche de toi qu'elle l'est à présent, Lucrecia se persuade du fait qu'elle puisse te retrouver. Toujours. Parce qu'il y a ce contact, sa main dans tes cheveux, la chaleur de ton corps contre le sien pour lui prouver que toi comme elle êtes en vie.

Pourtant elle a l'impression de te perdre chaque fois un peu plus quand tu mentionnes Liam. Et à ton coeur qui se brise le sien qui se serre, à tes aveux saccadés la culpabilité qui la ronge. Celle de n'y avoir pas pensé alors qu'elle savait et les souvenirs de ce fameux jours qui lui reviennent en flash brusquement. Elle te revoit dans ses bras le soir à la morgue, toi en pleurs, elle perdue. Elle n'était pas entrée voir le corps de Liam mais elle avait comprit à détresse que la nouvelle qu'ils avaient tous apprit était bien réelle. Liam était mort et toi, toi quelque part tu étais mort avec lui. C'est parce qu'elle avait refusé cette idée qu'elle s'était démenée corps et âme pour te réanimer, de façon plus ou moins certaine, souvent très maladroite. Elle a prit soin de toi comme elle a pu, elle a apprit à te connaître tu sais ? Toi Noah. Noah Pierce et non pas le clone de Liam que tu es devenu.

Elle n'y a pas pensé, à tout ça. Reste pantoise tout contre toi, la tête baissée et les lèvres légèrement pincées. Si tu savais comme elle est désolée Noah mais elle n'a pas les mots pour te dire tout ça. Dépose à la place un doux baiser sur ton front avant de se lever pour te ramener la carafe d'eau et le verre qui trônent sur le chevet. Un sourire qu'elle force plus léger tandis qu'elle se réinstalle à genoux près de toi, te tend un premier verre.

— Crache pas tes poumons dans le verre ok ?

Ou bien tu iras le nettoyer toi-même tiens.
Finalement après quelques verres tu sembles te sentir mieux, en capacité de parler en tout cas. L'esquisse embarrassée lorsque tu mentionnes son sms, elle se redresse rapidement et te tend une main pour t'aider à en faire de même avant de te serrer fort dans ses bras. Trop petite pour enfouir son visage dans le creux de ta nuque, elle se contente de ton torse.

Un soupir soulagé puis elle dépose son front contre le tissu sans retirer ses mains de ton dos.

— T'es pas con Noah, j'aurai fais pareil tu sais.

Le pire c'est que c'est sûrement vrai.
Pour toi, pour Arsene, pour Darren, Gauthier et même Evan tu sais. Pour vous elle serait capable de tout.

Lorsqu'elle relève la tête pour capter ton visage, elle arbore un air plus malicieux. Non pas qu'elle s'amuse de la situation, mais elle préfère ne pas montrer à quel point tout ça l'emmerde profondément. Sourire lui paraît être une option pas si mauvaise, malgré la légère amertume dans sa voix.

— J'ai bu et je suis tombée. D'après Evan, je me suis cogné l'arrière du crâne contre une table et je n'ai repris conscience qu'ici. Elle ne parlera pas du léger hématome de sur sa pommette, une chance qu'il soit camouflé par le mascara coulé. L'infirmière a dit que ce n'était pas grave, mais je dois attendre le médecin pour pouvoir sortir.

Des vêtements et des chaussures aussi.

— Quelle plaie.

Finalement elle se détache de toi pour saisir ton poignet de sa main libre et vous diriger vers le lit. Elle s'y allonge tranquillement, les jambes qui longent le matelas et le dos surélevé par le matelas, pose la carafe vide sur le chevet avant de récupérer ton verre pour en faire de même et te tire un peu pour t'inciter à t'allonger avec elle.

— Au fait, tu m'as vraiment inscrite au nettoyage de la plage ?

Il est un peu tard pour s'indigner mais l'idée l'amuse, au fond.

Elle retient un soupir exaspéré, c'était gamin oui. Vraiment. Mais quelque part c'était mérité, pas qu'elle le pense comme ça seulement t'entendre parler la ramène à la réalité. Celle dans laquelle vous étiez toujours fâchés et dans laquelle cette vengeance absurde était totalement légitime. Ça l'emmerde d'y repenser, à ça à lui à vous deux. Elle ne veut pas y repenser.

— T'as vraiment des idées bizarres des fois.

Un sourire en coin qu'elle t'adresse en tournant son visage légèrement vers toi. Elle ne fera pas de remarque sur la tête horrible que tu tires parce qu'elle a ce sentiment, au fond, que tout ça ce n'est pas réellement ce que tu souhaites lui dire. Parce qu'elle a conscience qu'il faut que vous parliez mais qu'elle n'en a pas la moindre envie, elle joue les aveugles pour une fois. Espère tellement fort que tu ais pitié et que tu continues à faire l'autruche toi aussi, comme les autres fois.

Pourtant c'est précisément ce moment que tu choisis de briser en le mentionnant, et instinctivement son visage se pare d'une grimace agacée tandis qu'elle détourne le regard. Observe le plafond un instant avant de se poser partout où tu n'es pas, elle claque la langue faiblement contre son palais, soudain bien plus crispée.

Il faut qu'on parle.

— Est-ce qu'on a vraiment besoin d'en parler ?

Mots soufflés, l'ironie dans le ton lorsqu'elle reprend mot pour mot ces mêmes paroles que tu lui avais adressées quelques jours avant. Ce n'était pas la première fois qu'elle les entendait mais c'est bien la première fois qu'elle te les prononce, parce qu'aujourd'hui tu as décidé d'inverser les rôles et ça la fait chier.

Ça la fait chier de savoir qu'elle va quand même t'écouter, que tu vas assurément la blesser mais qu'elle va rester là, droite et fière parce que c'est toujours comme ça que ça finit ce genre d'histoires. Avec toi, avec tous les autres. C'est toujours pareil quand elle aime, Lucrecia. Loyale à en crever, ça lui donne presque envie de gerber. À la place laisse échapper un faible ricanement du nez.

— Vas-y, parle. Qu'est-ce que t'as à dire de plus par rapport à ça ?

Les mots sont secs et agacés et après un instant encore elle finit par reposer son regard sur toi. Cherche le tien pour s'y greffer, des éclairs à l'intérieur de ses iris.

— Surtout ne me sort pas que tu l'aimes.

Pitié.

Elle le savait.
Ça semblait évident, pas vrai ?

Que tu lui briserais le coeur si tu continuais à parler.
Et tu as continué, Noah, sans qu'elle ne t'interrompe, sans qu'elle ne réagisse non plus à ta main qui enserre la sienne. Elle n'a rien dit mais son regard a fuit, tu l'as remarqué, n'est-ce pas ? Il s'est enfuit lorsque tu as dis que tu l'embrasserais de nouveau si c'était à refaire.

Elle a gardé sa colère, tu sais.
Au fond tout au fond, pour te laisser te livrer -mais ses lèvres se sont pincées et tu sais, tu sais Noah, tout ce que ça veut dire (ce qu'elle ne te dit pas). Sa colère, sa rancoeur, sa peine. Enfouit.

Enfouit.
Enfouit.
Enfouit.
Il faut que tu termines.
(de l'achever)

On ne peut pas continuer comme ça.
Arrête.

Je t'aime, mais je t'aime mal.
Ne dis pas ça.
Arrête.

Est-ce que tu te rends compte de toutes les contradictions que tu prononces, Noah ? De ses doigts qui se crispent à en froisser le drap et de son regard brillant de ces larmes qui ne sortent pas. Elle persuadée que tu le vois tout ça, que tu sens son corps se lover un peu plus contre le tien, à chercher ton réconfort alors que t'es littérallement entrain de la briser. Elle ne veut plus écouter. Tais-toi.

Tais-toi Noah par pitié.
Pardon.

— La ferme.

C'est à peine soufflé, la voix tremblante de tout ce qu'elle retient sans parvenir à te le dire -à quoi ça servirait après tout ? T'as déjà fait ton choix et ce n'est pas elle.

Parce que tu l'aimes mal, c'est ça ?
Une larme qui roule sur sa joue.

— La ferme Noah.
Garde tes excuses de merde.

Parce que tu lui donnes l'impression que tout ça finalement, ce n'était rien. Elle ne veut pas ni entendre ni penser que tout ça ce n'était rien.

Elle ne veut pas que tu l'abandonnes.
Qu'est-ce que tu fais Noah ?

— T'es vraiment le pire.

À ne pas comprendre que mal aimer ce n'est pas si grave, tu sais. Une inspiration, fébrile. Elle ferme les yeux un instant pour réprimer un sanglot. Pourquoi ça fait si mal quand ça vient de toi dis ? ((pourtant, au tout début c'est d'Arsene qu'elle redoutait ces mots))

(et c'est toujours de lui qu'elle les redoute
mais de toi aussi, étrangement)

— Tu devrais partir.
S'il te plaît.

Qu'elle puisse pleurer en paix. Parce qu'elle a beau vouloir être forte et fière elle n'en a pas les capacités aujourd'hui.

T'es vraiment le pire, Noah.
À ne pas comprendre qu'elle te perd assurément mais que toi tu ne la perdras jamais.

— Je vais partir.
Ne me lâche pas.

Ton corps qui se redresse pourtant quand tu quittes le lit. Ne m'abandonne pas. Va t'en. Dégage Noah c'est mieux comme ça. Pour toi, pour elle, pour vous sûrement pas mais vaut mieux ça que de continuer à se mentir pas vrai ? Elle remonte les genoux lentement contre sa poitrine, les entoure de se bras en silence tandis que tu atteins déjà la porte. Pas un regard, ni d'elle à toi, ni de toi à elle. Est-ce que tu resterais si elle te regardait, dis ? Reste.

Elle renifle à peine quand tu quittes la pièce, n'aura pas versé d'autres larmes que l'unique ayant roulé un peu plus tôt sur sa joue. Elle ne pleurera pas parce que déjà c'est Evan qui entre, Evan qui se précipite pour la prendre dans ses bras. Passe d'une chaleur à une autre sans un mot, sans esquisser un geste. Perdue. Incapable de faire semblant, il le faut pourtant.

Qu'est-ce qu'on devient maintenant, dis ?
Des étrangers, de faux-amis ?

Elle a si mal, Noah.
Si mal de mal t'aimer quand tu ne souhaites que l'aimer mieux, si mal de ne mêe pas comprendre ni pourquoi ni à quel point tout ça l'affecte. Si mal de se dire que pour toi elle n'est plus rien. Qu'est-ce qu'elle est sans ton regard, dis ? Sans le regard d'Arsene ? Qu'est-ce qu'elle est sans vous, Lucrecia.

Rien.
Ne m'abandonne pas.

Tu viens de le faire.