Tallulah s'est levée difficilement ce matin là, elle a observé le plafond pendant une dizaine de minutes, a baillé, somnolé, se demandant si elle devrait sortir aujourd'hui ou rester ici,  ne rien faire de ce samedi. Rien faire pour une fois.
Mais elle s'est levé, elle s'est préparé pour sortir, se promener un peu, prendre du temps pour elle, se ressourcer.
Sac à dos en place contre les omoplates, étui de guitare dans la main droite et les écouteurs dans les oreilles elle s'est mise en marche Tallulah, les pensées divagantes, le vent soufflant sur sa nuque et contre ses paupières.

Il n'y a rien que le bruit du vent ici, des cigales   et de la musique à ses oreilles, l'odeur des herbes fraîches et soudain, un pont qui fait son apparition. Un pont qui s'élève et dessous, on peut apercevoir la rivière qui y fait son nid.
Alors elle s'y penche Tallulah, elle dépose ses mains sur la pierre moussée et elle regarde un peu autour d'elle. Puis ça lui donne envie d'écrire, juste des petits mots, des phrases brèves qui pourront peut-être mener à une petite chanson, rien de bien sérieux. Alors elle retire son cartable, le pose à terre et pose la guitare afin qu'elle ne s'écrase pas sur le sol pour pouvoir la récupérer.
Et puis elle monte sur le rebord, debout. L'air n'est pas assez violent pour la faire tanguer heureusement, alors elle s'étire Tallulah, elle sautille un peu sur ses talons en souriant, elle respire. Et ça fait du bien.
Puis de sa poche elle prend son téléphone, le regarde et change de  musique, afin d'avoir une nouvelle ambiance, quelque chose qui colle avec le moment. Son corps se balance légèrement d'avant en arrière, le poing gauche dans la poche, elle mordille sa lèvre Tallulah, et puis elle n'entend pas les pas qui se rapprochent ou qui s'éloignent. Elle n'entend rien que la mélodie dans ses oreilles, pas même le courant de l'eau.
 

[TW : mention suicide pas sérieux mais je préfère mettre]

Les mèches s'effilochent hors du chignon sur la sommet de son crâne tandis que les autres mèches sur sa nuque se soulèvent, laissant enfin le courant d'air frais passer. Et qu'est-ce que ça fait du bien, alors Tallulah elle soulève une jambe, prête à abaisser le reste de son corps pour venir s'asseoir.
Mais ses yeux s'écarquillent et elle s'écrase sur le sol dans un énorme râle qui fait écho à travers les arbres, elle souffle Tallulah et elle se redresse en se tenant les côtes, regardant l'assaillante qui a au passage, arraché ses écouteurs.
Le souffle qui vacille, la cage thoracique qui se déploie, elle doit prendre de grandes bouffées d'air pour ne pas complètement hurler sur cette fille, qu'elle ne connaît ni d'Eve, ni d'Adam et qui vient juste de la jeter à même le sol. Et voilà qu'elle parle, qu'elle hurle même ! Alors Tallulah s'assoit, dépose ses bras sur ses genoux et observe la jeune fille faire son speech.
Putain de quoi elle parle sérieux ? La vie est précieuse ? Quoi ? Et finalement c'est sa paume qu'elle pose sur son épaule et par réflexe, Tallulah retire vivement son éclanche, loin d'être à l'aise avec le contact physique, alors avec une inconnue qui vient littéralement de la jeter sur le sol, c'est peine perdue.

De quoi...A-attend...Quoi... 

Tallulah essaie de combler entre les mots qu'elle crache de son gosier, mais c'est dur parce qu'elle prend trop de place, et que là, Tallulah se sent comme acculée soudainement.
La référence à l'eau, ça va trop loin pour elle. Tallulah se relève finalement, tapote la poussière sur son jean noir et baisse les yeux vers la brune.

...Je comptais pas me jeter du pont. Et quand bien même, je risque pas grand chose vu la hauteur tu sais..

Une légère grimace, signe d'incompréhension et elle tourne la tête ailleurs, elle soupire et ramasse les écouteurs, vérifie qu'ils sont intacts, que le choc n'a pas abîmé quoi que ce soit.
Puis elle revient poser sur son dos son sac, l'étui dans sa main droite et elle sourit. Sourire amer, sourire caustique.

Je sais pas ce que t'imaginais, mais t'as regardé trop de films. Si je voulais me suicider, j'aurais avalé des pilules, ou encore mieux, je me serais pendue dans la salle de classe tu vois ?

Ses bras s'écartent comme si elle énonçait une évidence, un rire qui casse le sérieux de la situation. Elle y croit pas, au début c'était bizarre voir carrément flippant, mais maintenant, elle trouve ça juste marrant. Alors elle lui tourne le dos, remue sa main comme un signe d'adieu.

Tallulah.

Elle s'éloigne, elle essaie, mais cette fille Tallulah la sent pas, y a un truc louche alors elle s'arrête un instant pour la regarder, quelques secondes et elle penche la tête en arrière pour souffler, râler, se plaindre. Putain qu'est-ce qu'elle fout ?
Alors la brune revient sur ses pas pour retrouver sa camarade qui a l'air d'être dans un état des plus pitoyables.
Tallulah tape du pied, elle se mord la lèvre puis se décide à la regarder.

T'as dormi dans un champ ou quoi ? T'as une sale gueule tu sais.
 

  Tallulah écoute la jeune femme, un sourcil arqué, un peu méfiante tout à coup. Elle est bizarre et elle se retourne une seconde, une seule. Une faute d'inattention pour voir s'il n'y a personne autour d'elles et voilà qu'elle hurle, putain.
Alors son coeur s'emballe, l'adrénaline la fait remuer et elle soulève son poing vers le ciel Tallulah, puis cette fille s'accroche, elle ne comprend pas. Et là voilà qui trébuche, les pieds qui s'emmêlent avec ceux de cette inconnue qui se retrouve au dessus d'elle, et la brune elle, au dessous, encore au sol, pour la seconde fois en quelques minutes. Bordel. Tallulah roule les yeux, pour indiquer que cette conversation, non CETTE situation est complètement farfelue, sérieusement, des menottes ?
Alors elle baisse les yeux vers les menottes, mordille sa lèvre puis regarde Kai tout en se redressant sur le coude encore libre de ses mouvements.
Autant de proximité c'est déjà gênant, mais Tallulah est complètement dépassée par l'enchaînement grotesque : les hurlements, le chantage quant à un potentiel suicide, le besoin d'être absolument un héro. Bordel.

Me protéger de quoi sérieux ? T'es pas ma baby-sitter. En plus on dirait que t'as douze ans...

Tallulah essaie tant bien que mal de lui faire entendre raison mais elle est l'air buté, alors elle souffle, en s'asseyant, les bras ballants entre les jambes. Elle essaie de savoir pourquoi elle fait ça, c'est pas comme si elle avait l'air aussi déprimée que ça... Si ? Elle en sait rien, alors son regard retourne du côté du pont, sérieux... Elle râle un peu, secoue la tête et grimace. Merde. Elle avait prévue une journée tranquille et cette imbécile à en plus balancée les clés.
Puis son bras est bien obligé de se soulever lorsqu'elle lève le sien, énonce son discours et elle revient plaquer ses mains contre son visage, comme pour éviter d'arracher celui de Kai, écarte légèrement ses phalanges pour qu'elle puisse voir ses prunelles la regarder.

Même pas en rêve, si t'as envie de manger tu payes ton repas. Si tu m'avais vraiment sauvé la vie pourquoi pas, mais là tu te fais juste des films. Et merde pourquoi t'as des menottes ? Tu sais que c'est VRAIMENT louche ?

Comme Kai précédemment, Tallulah dresse le poignet attaché à celui de sa camarade en haussant les sourcils, attendant une réponse précise, elle comprend qu'on fasse du camping, mais elle comprend moins pourquoi elle trimballe des menottes, sauf si elle joue au pseudo flic et à son âge, c'est un peu inquiétant.
Alors Tallulah déplie les mollets, se redresse et force Kai à se lever avec elle -malgré un gabarit aussi fin, Tallulah à de la force à revendre et une endurance honnêtement pas mauvaise.
Elle tourne sur elle-même, entraîne la pseudo flic avec elle et ramasse par la même occasion sa guitare. Maintenant qu'elle y pense, elle ne peut même pas retirer le sac de son dos et ça, ça la fait un peu chier.

Bon écoutes Kai, on doit trouver cette clé. J'ai des trucs importants à faire. Si on la trouve pas, soit on arrive à capter quelqu'un qui peut péter le mécanisme ou qui a une épingle comme dans les films tu vois, ou alors je te casse le poignet et on fait glisser ta patte hors de la menotte.
 
Un air sérieux sur le visage, Tallulah hoche la tête et se met en route, tire sur son épaule pour qu'elle suive le rythme.

  Tallulah n'écoute plus, elle referme les étaux sur ses oreilles, sur ses yeux et elle avance. Puis Kai en décide autrement, sinon ce ne serait pas amusant, ça n'ajouterait pas un peu de piment dans cette matinée déjà bien emmerdante. Alors la plus grande des deux s'arrête, se tourne et scinde la jeune femme qui râle, qui peste, qui se met à hurler comme si le monde s'apprêtait à s'effondrer. Pour de la nourriture. Sérieusement ? Et là elle a l'impression de voir sa colocataire l'espace d'un instant, une seconde. Et ça suffit pour l'attendrir, un peu. Juste un peu.
Ses jambes fléchissent légèrement et son dos se courbe vers l'arrière, elle remue la main attachée à celle de sa camarade et l'écoute.
Ses genoux frôlent le sol, elle supplie, quémande de s'arrêter, de manger. Puis elle dit qu'elle peut faire disparaître les menottes. Mais à Tallulah on la lui fait pas, elle reconnaît les menteurs, elle a beau être naïve sur les bords, Kai veut clairement lui foutre à l'envers.

Tu sais qu'on fout des gens en prison pour moins que ça ?

Tallulah revient vers la jeune femme qui est à terre, plaide pour sa cause. Mais Tallulah ne sourit pas, ne fléchit pas, garde le même air las sur le visage, comme si ça ne l'intéressait pas, que même si elle voulait lui payer un truc, elle n'avait pas les moyens. Et elle n'avait rien à manger dans son sac, parce que Tallulah mange peu, mange rarement, que parfois elle oublie même si Jules ne vient pas avec des bonbons lui rappeler le soir avant de s'endormir.
Ses yeux se perdent aux alentours, reviennent sur leur cible et roulent.
Elle a envie de lui dire que si elle était vraiment une femme, elle serait probablement mature, que si c'était une adulte, elle ne ferait pas des caprices d'enfant trop gâtée, trop pourrie.
Alors Tallulah traîne de force à même le sol Kai vers le rebord du pont et elle s'y assoit, à le bras étendue en sa direction.

J'ai rien à bouffer, j'ai pas de thunes. Tu peux vraiment faire disparaître des objets ?

Réflexe singulier,  ses phalanges resserrent l'étreinte sur la lanière de l'étui, elle la dépose de sorte à ce que Kai ne puisse pas l'approcher. Si elle venait à perdre sa guitare, ce serait sans doute la fin. La fin d'un semblant de stabilité mentale, de souvenirs auxquels elle tient plus que tout. Et surtout celle de Kai. Elle n'hésiterait pas, connait les endroits où les coups font mal, là où tu ne peux pas te relever pour les jours à venir.
Alors elle souffle Tallulah, elle balance ses jambes puis fixe la jeune femme, patiente. De sa poche elle sort son paquet, attrape une cigarette avec ses dents puis le range, finalement l'allume avec le briquet tempête et inspire, souffle la fumée en direction de la brune encore à terre. Alors qu'elle pourrait simplement s'asseoir à côté d'elle, moins salissant, plus agréable probablement.
La nicotine calme son ardeur, elle oublie Tallulah, pendant quelques minutes que Kai était drôlement chiante, qu'elle vient de péter le flow de sa matinée à cause de ses menottes qui claquent à chaque fois qu'elles bougent le poignet d'un côté ou de l'autre. Qu'elles doivent se déplacer comme une paire.

Tallulah tire, aspire, souffle, essaie de décuver de toutes ces émotions fortes arrivées trop soudainement. Comme si le monde devenait plus étroit, comme si Kai prenait toute la place, comme si elle ne devenait plus qu'un simple personnage d'arrière plan, un personnage secondaire. Alors elle la regarde et s'apprête à reprendre une bouffée de pétrole mais rien. Il n'y a rien qui parvient à ses lèvres et Tallulah s'arrête dans son mouvement, observe ses phalanges. Merde.
Putain. Elle se dit putain, c'est quoi ce pouvoir ? Tallulah panique un peu. Elle prétend l'avoir fait exprès mais dans son regard, dans sa gestuelle, sa voix qui tire, elle comprend bien que c'était involontaire.
Mâchoire serrée, cœur qui se scinde en deux, Tallulah essaie de calmer le pouls qui s'emballe, les doigts qui se referment et elle fixe Kai.

T'es sérieuse ? C'est hyper cher les clopes...

Tallulah en a assez. Elle n'aime pas être couvée de la sorte. Surtout pas par une inconnue complètement inconsciente. Puis Kai demande, c'est quoi ton pouvoir toi, Tallulah ? Et elle ne répond pas, elle n'a pas envie de lui répondre, pour le moment elle pense simplement à sa guitare à ses pieds. Et si Kai la faisait disparaître ? Et si elle ne la retrouvait plus jamais ? Non, elle ne peut pas s'y résoudre, elle doit s'éloigner de cette fille. Au plus vite.
Alors Tallulah se lève, s'apprête à prévenir Kai qu'elles doivent partir, que la trêve est terminée. Mais loin de là les espoirs.

Son corps se fait tirer vers l'avant, Tallulah manque de trébucher et voilà qu'elle se met à manger... Tallulah fait les gros yeux, elle regarde la jeune femme dégommer les champignons. Oh merde.
Tallulah avance la mâchoire, fixe Kai, attend de voir si elle ne se met pas soudainement à suer de trop, que ses yeux ne prennent pas une couleur bizarre, qu'elle ne se mette pas à trembler.

Non j'en veux pas t'es complètement barje ma parole. Tu sais même pas si ce sont genre des cèpes ou des profiteroles ? Et si c'est des trucs toxiques ? Genre je vais devoir tirer un cadavre ?

Tallulah s'accroupie en face d'elle, ne relève pas la référence à Bangkok, ou un truc du genre, elle ne comprend pas ce qu'elle veut dire et elle n'a même pas compris la moitié. Elle ne veut juste pas savoir.
Alors elle passe une main sur sa nuque tout en abaissant la tête vers le sol en soufflant. Kai est épuisante. C'est comme si elle venait de passer la journée avec dix enfants complètement surexcités.

J'peux effacer et remanier les souvenirs. Rien d'intéressant.

Tallulah lève la tête vers Kai, les coudes sur les genoux, à s'arracher la peau des ongles. Elle regarde la brune, l'air un peu mélancolique, les souvenirs qui reviennent à elle. Elle déteste son pouvoir, elle aurait aimé qu'il ne soit pas attaché à sa guitare. C'est un espèce de fardeau insupportable pour des épaules aussi frêles.

J'aurais peut-être du l'utiliser dès que je t'ai vu.

Un léger sourire se dessine sur ses lèvres, sarcastique, taquine. Pas foncièrement méchante. Juste une vanne pour détendre l'atmosphère, oublier le fait que Kai va crever dans quelques minutes.
 

Tallulah laisse Kai s'exprimer. Laisse le sourire sur son visage, les yeux qui suivent le rythme saccadée de la jeune femme toujours attachée à elle.
Elle a oublié l'espace d'un instant, que Kai était un peu emmerdante. Parce que là voir se mettre dans cet état là alors qu'elles se connaissent à peine, que ce n'était pas si grave, si elle oubliait Tallulah : ça lui chauffe un peu le cœur. Un peu.

Dans sa main droite elle serre l'étau de sa guitare, se relève mais lorsque Kai s'écrase au sol sans pouvoir finir sa phrase, Tallulah fait les gros yeux, panique un peu.

Merde Kai. Ces foutus champignons, t'abuses. Mais elle ne cède pas à la panique, même si l'idée de devoir aller dans un hôpital lui file la nausée, qu'elle n'y a pas remit les pieds depuis.