sweet afternoon

avant dernier week-end de juillet. le ciel est un peu couvert, mais il ne pleut pas, c’est un temps idéal. amaryllis préfère le soleil et le ciel bleu, bien sûr, mais les nuages ont l'avantage d’étouffer la chaleur et d’apporter un peu de fraîcheur. ce qui est beaucoup plus supportable pour son corps qu’un été caniculaire.

la ville est animée, ce qui semble normal pour un samedi. ça lui fait du bien de voir autant de monde qui grouille dans les rues. des familles, des enfants, et beaucoup d’élèves qui profitent du week-end. en fait, ça lui fait plaisir de voir de la vie, tout simplement. elle se dit que le monde continuera de tourner même quand elle ne sera plus là.

aujourd’hui, elle a rendez-vous chez eve, le gérant de la salle d’arcade. elle n’y passe pas souvent, mais elle apprécie la présence de l’homme. le fait qu’il ne soit plus au pensionnat la rassure, dans un sens. parce qu’elle ne se sent pas obligée de préserver son image. de faire semblant d’être une élève normale. avec lui, elle a moins à faire semblant.
son tempérament aide aussi. rêveur, calme, discret et observateur. ce sont des traits qu’elle apprécie et qui lui parlent. peut-être parce qu’elle aussi, au final, elle est très introvertie.

“salut !”

elle a sonné et est rentrée dans l’immeuble, attendant devant la porte d’entrée aux teintes marrons qu’il lui ouvre. elle est contente de le voir. elle entre dans son appartement, le suivant.

“comment tu vas, eve ? j’ai ramené de quoi grignoter."

en bonne britannique, la fin d’après-midi est synonyme de thé, et quoi de mieux que des biscuits pour accompagner ?
amaryllis affiche un grand sourire, contente de le retrouver et d’enfin avoir un peu de temps à lui consacrer.

sweet afternoon

eve l’accueil avec un sourire qu’elle lui rend presque instantanément. elle se sent de bonne humeur, aujourd’hui. elle n’a ni fatigue, ni douleur, se permettrait presque de dire que son corps va bien, du moins à son échelle. peut-être que le fait de sortir enfin, de voir quelqu’un, de voir un ami, lui fait du bien ? amaryllis ne sait pas, ne se pose pas vraiment la question de toute façon. elle se contente de vivre l’instant présent.

“écoute, je vais bien ! ça fait plaisir d’être en forme, c’est rassurant.”

s’empêche de lui dire que ça donne de l’espoir. parce qu’elle n’a pas envie de mentir. pas déjà. ni de se mentir à elle-même, et de finir par y croire. la désillusion, c’est trop douloureux. elle n’en a pas le temps, de toute façon: une adorable boule de poil tente de s’échapper de l’appartement. son coeur se serre en entendant son nom. “cosmos”. c’est beau. c’est stellaire. amaryllis adore. ça lui rappelle les étoiles. ça lui rappelle son frère.

“oh, il est adorable. j’adore son nom ! tu aimes les étoiles, eve ?”

la conversation lui vient naturellement. c’est souvent le cas lorsqu’elle se sent bien: elle parle gaiement. le fait de ne pas être sorti depuis longtemps joue aussi. les conversations avec les infirmières sont très sympathiques, mais ce n’est pas vraiment ce qui l’épanouie le plus. alors, chez eve, elle en profite.

“c’est chouette chez toi ! merci encore pour l’invitation.” rire cristallin. “je veux bien du thé, s’il te plaît !”

elle le suit, observant avec un sourire le rongeur dans ses bras. ils arrivent à table, et amaryllis en profite pour sortir deux paquets de biscuit. un pour maintenant, et un pour lui plus tard. sa maladie ne lui fera pas oublier ses bonnes manières. elle les déposent sur la table aménagée exprès pour l’occasion.

“tiens, j’ai trouvé ça dans une petite pâtisserie en ville. tu me diras si tu aimes bien ! je t’ai pris un paquet pour toi aussi.”

elle s’installe alors à table, parce qu’elle est plus confortable assise que debout. le dos droit, sa jupe noire repliée sous la chaise pour être à l’aise, et les mains qui se posent doucement sur la table.

“quoi de neuf, eve ?”

nouveau sourire.
elle se sent bien.