La tête dans les cahiers, c'est une habitude en soirée -une nécessité pour se garantir un avenir duquel il n'a aucune véritable idée. Ce n'est pas grave, il aime bien étudier de toute façon. L'esprit de compétition pour avoir la satisfaction d'être parmi les premiers, et les mots de Scarlet qui lui reviennent en mémoire comme un boomerang. Un soupir, les doigts qui pincent l'arrête du nez. Évidemment qu'il a plongé, elle n'a pas tort en plus. Il le sait et ça l'agace.

Alors quand la porte s'ouvre dans un fracas si grand que son coeur en loupe un battement, il se saisit de l'occasion pour faire échapper cette frustration. Se tourne vers toi donc, Icare, après un sursaut qui avait bien manqué de le tuer. Une inspiration pour éviter de te hurler dessus avant de demander.

— Bordel Icare tu fous quoi ?

Le ton grognon et fatigué, le visage toujours un peu abasourdi parce qu'il avait oublié à quel point tu adores squatter sa chambre lorsqu'Ilya n'est pas là. Même lorsqu'il est présent en fait.

C'est pour ça qu'il n'attend même pas que tu ouvres la bouche pour ajouter.

— C'est non.

Quoique tu veuilles faire, c'est catégoriquement non.
Un soupir bref.

— J'ai des révisions. Et toi aussi d'ailleurs.

Non tu ne l'auras pas comme ça.

— Je viens s q u a t t e r.

Oh mon dieu, c'est pas vrai. Un nouveau soupir qui s'échappe, parce qu'il en était sûr -tu vois qu'il avait raison de dire non. Mais tu ne serais pas Icare si tu n'insistais pas avec tes beaux airs et ton sourire rayonnant. Quoique présentement tu as l'air plus ennuyé qu'autre chose. Un oeil sur ses cahiers, il suit ton regard, revient vers toi.

— J'étais sûr que tu dirais ça.

Un sourire en coin, parce qu'il te connaît et il sait qu'il a déjà perdu. T'as beau être toujours debout en vérité t'es déjà installé et il sait à quel point te faire dégager est une plaie. Allons bon. Demain hein ? Évidemment tu seras avec lui pour ça, flemme ou pas d'ailleurs. C'est une question de vengeance personnelle -quoiqu'il se pourrait qu'il tente de nouvelles choses... Aucune idée de quoi pour l'instant mais ça fait longtemps alors.

Il va faire comme si encore un moment, juste parce que ça l'amuse de te voir presque le supplier.

— J'peux pas décaler ça, y a une interro demain !

S'exclame en saisissant son livre d'histoire ouvert d'une main pour le mettre devant lui et tapoter avec l'index de l'autre sur la page en cours. Évidemment, il n'y a aucun contrôle et c'est un passage qu'il connaît par coeur depuis longtemps -il en était à la page juste à côté, pour s'avancer et par simple curiosité. Mais il y a peu de chances que tu le captes puisque tu ne fais pas attention à ce genre de chose, pas vrai ?

— C'est important.

Repose l'ouvrage sur le bureau avant de croiser ses bras contre son torse. L'esquisse toujours étirée crie au foutage de gueule, mais ça aussi c'est habituel chez lui.

— Ta flemme te perdra un jour. Faudrait te reprendre avant quand même tu crois pas ?

Si tu savais comme il se retient de rire derrière son air sérieux quand tu plonges dans les bêtises qu'il te raconte. Ça accentue un peu le sourire en coin et il peut pas s'empêcher de ricaner encore quand tu paniques à moitié pour lui éviter la mauvaise note. Se contente de répondre en haussant les épaules légèrement avant de te faire la morale, encore. Toi et ta flemme hein, il devine déjà le discours que tu vas lui pondre en réponse.

— Mec c'était l'idée avant qu'tu te pointes j'espère que t'as calé ça au moins.

L'inspiration pour ne pas perdre son air ennuyé, il t'écoute ensuite, toi et tes arguments pas vraiment en béton. Heureusement que ta passion est sans limite, tu pourrais presque réussir à le convaincre si seulement il n'était pas aussi sûr de lui. Ceci dit, en toute honnêteté, à présent que tu l'as déconcentré il est pas contre le fait que tu restes un peu. S'aérer la tête ça fait du bien parfois.

Un soupir quand tu termines, un sourire aussi.

— C'est bon, t'as gagné.

Le livre qui claque un peu quand il le referme tranquillement avant de te toiser, confortablement enfoncé dans son siège. C'est pas comme si y avait réellement une interro de toute façon.

— Qu'est-ce que t'avais prévu en venant ?

Non parce que du coup tu vas gérer l'animation tout seul comme un grand -mais ça tu sais faire pas vrai ?

Il ne peut empêcher la perplexité qui se dessine sur son visage quand tu montres ta joie aussi ouvertement. Léger sourire en coin, il va en profiter hein.

— À ce point. On dirait que tu viens de battre le plus gros boss du jeu.

Ce qui ne serait pas étonnant étant donné vos façons de faire si semblables et à la fois diamétralement opposées. Demande alors si tu as une idée, et bien sûr que tu ne sais pas parce que toi t'es pas de ceux qui prévoient mais de ceux qui agissent. Alors Mason s'amuse à te voir galérer, réfléchir à ces solutions un peu... eh; tandis que lui ne bouge même pas le petit doigt pour venir t'aider.

— J'étais entrain de réviser pour une interro et tu m'interromps pour me faire sortir dehors ?

Expression outrée au visage, les sourcils haussés -et si tout est faux, il n'empêche qu'il se demande sérieusement ce que tu as dans la tête.

— T'as conscience qu'on a eu entraînement aujourd'hui et qu'il faut faire attention à son corps pas vrai ?

Même s'il est vrai que Mason est toujours le premier que l'on croise sur les terrains le matin et l'un des derniers à partir le soir avec son cher capitaine Ulysse, il n'a jamais forcé au point de négliger sa santé physique. Chose qu'une pile électrique comme toi a sûrement du mal à comprendre, Icare. Mais bon, comme vous êtes dans le même bateau il te concède une sortie.

Un long et bruyant soupir vient franchir ses lèvres tandis que ses yeux se ferment puis se réouvrent pour se poser sur toi.

— Va pour les tirs au but. De toute façon tu vas perdre je sais même pas pourquoi t'as proposé.

Sourire en coin, provocation.
Le foot n'est pas son domaine mais on lui a toujours dit que son jeu de jambes n'était pas trop mauvais.

— On verra si t'es sage pour le verre.
On verra l'heure surtout.

Tranquille, il quitte sa chaise pour enfiler ses chaussures et récupérer son téléphone. T'as de la chance qu'il était encore habillé parce qu'il aurait eu la flemme de se changer, c'est sûr. Passe la porte de sa chambre puis t'attend à l'extérieur pour refermer.

— Aller ramène-toi, t'as une raclée à prendre.

Vous avez passé le trajet à vous chamailler comme des enfants, lui derrière toi un peu plus loin devant plein d'entrain. Ça lui a toujours fait du bien, quand ça ne l'épuisait pas, de te savoir à ses côtés. T'es un peu comme Andrea et Rigel tu sais ? C'est différent, toi tu brilles plus fort mais tu l'aides à recharger ses batteries. T'es un peu bête alors forcément, y a pas besoin de se prendre la tête avec toi, et c'est même plutôt l'inverse. Le sourire moqueur qui s'étire d'ailleurs à ta dernière remarque.

— Ouais ouais c'est ça.

Il hausse les épaules comme si les mots coulaient dessus mais tu comprends à l'œillade qu'il te lance que ces derniers ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd. On verra bien qui de l'autre sera surprit, en tout cas, Mason est surchauffé. Il a déjà hâte de t'en mettre plein la vue et préfère ne pas penser aux fails éventuels qui risquent fort d'arriver.

Ce n'est pas pour perdre qu'il t'a suivit après tout.

Tu pars chercher un ballon et lui part t'attendre devant les buts. Récupère tranquillement le ballon que tu lui lances, il rétorque en même temps qu'il place le ballon sur le marquage adéquat.

— Mais quel honneur vous me faites la, mon Prince.

Toujours penché, relève d'abord les yeux vers toi avant que ne suive son corps pour qu'il se redresse. T'adresse une légère révérence, tu es Prince après tout pas vrai ?

— Vous ne viendrez pas pleurer après avoir perdu dans ce cas, j'imagine.

Puis finalement il se recule un peu et se concentre quelques instant pour prendre le temps de viser correctement. Un peu d'élan, le corps et le geste souple, il tire un premier coup puissant dans ta direction. Il a tenté de t'éviter toi, va savoir s'il a réussi.

— Merci.

Grimace embêtée tandis que le premier ballon est arrêté avec brio. De là où il se trouve, il lui semble que ça t'a parut bien trop facile -et plus que de foirer son tir c'est bien ça qui l'agace réellement. Il ne dit rien un instant, jusqu'à ce que tu exprimes ta joie si fièrement.

Cette fois le sourire se fait plus taquin, il rigole même avec toi -ton rire tellement contagieux. Vous étiez là pour vous amuser après tout, pas vrai ?

— Icare le grand, t'es bien bas là quand même tu trouves pas ?

Tape dans sa main presque joyeusement, vous êtes fair-play au moins, c'est bien un truc qu'on ne pourra pas vous enlever. Vous échangez vos places ensuite. Toi au tir, lui au centre des filets. D'une voix qui porte un peu te dit qu'il est paré, l'esquisse à ses lèvres qui ne part pas. Viens Icare, il t'attend !

Alors tu tires ta balle, et Mason aux aguets parvient à en deviner la trajectoire dans utiliser une seconde son pouvoir. Hélas, bien qu'il soit très agile, souple et mobile, arrêter des balles au baseball ça n'a absolument rien à voir avec un ballon de foot. Ou bien est-ce toi qui vises trop bien ? À plat ventre sur le sol, il observe d'un air dépité la balle à l'intérieur du filet.
Su-per.

— Je l'ai frôlée ok. Les prochaines ne passeront pas.

Enfin les tiennes, parce que les siennes il compte bien ne plus te laisser faire. Ainsi il se relève et échangez de nouveau de place, que le jeu continue.

Il l'avait dit pas vrai ? Les prochaines ne passeront pas. Bon, la prédiction n'a pas été tout à fait juste et le score a été serré tout le long de la partie en vérité. Pas super serein le Mason avide de compétitions et de victoires, mais ce qui est certain c'est que même avant de gagner il s'est beaucoup amusé.

Il aborde la pose du beau gosse des clichés à sa victoire et lâche un rire franc et joyeux, le genre de grand HA HA HA HA HA! absolument pas modeste qui aurait pu faire rager n'importe qui qui n'avait pas été toi. Ou lui, d'ailleurs. Lui et son sourire denté qui s'étire tandis qu'il se décide à venir vers toi. Trop tard pour t'aider à te relever mais assez pour te check et te faire une accolade tranquille. Une œillade amusée lorsqu'il se recule, le sourire taquin habituel collé aux lèvres.

— Merci merci, l'arrogance des grands pour le bien de la plaisanterie, il adore exagérer Mason. Les tiens étaient pas mal non plus.

Un rire après quelques secondes. Tu t'étires et juste après le voilà qui passe un bras autour de ta nuque comme le feraient de très bons amis. C'est ce que vous êtes après tout, des amis. Des frères même.

— Vraiment bien même, j'ai grave sué franchement.

Et c'est il adore ça tu sais. Parce que ça le fait vibrer, pas entièrement mais assez pour lui donner l'impression d'exister un peu, c'est exaltant.

— On remet ça quand tu veux.

Ça et bien d'autres choses, tout ce que tu veux Icare. Parce que s'il ne le dira pas, par pudeur sûrement, il te remercie sincèrement. Mais pour l'heure il commence à se faire tard alors vous prenez le chemin du retour tranquillement. Étrangement, Mason ressent comme un léger sentiment d'inachevé, le besoin d'aller plus loin encore. L'adrénaline sans doute, comme une drogue qui semble l'envahir lentement. S'il n'en montre rien, il le ressent bien et bien. Il ne s'est pas assez défoulé ce soir, mais il n'a pourtant pas envie d'abuser.

La prochaine fois sera sûrement différente en revanche.
Sûrement oui.