Je te vois. Et ce n'est pas la première fois, Noah, que tu surprends ses regards. Comme un arrière-goût dégueu de nostalgie mal placée. Tu t'en souviens comme-ci c'était hier. Parce que pour toi, tout est comme hier. C'est moins douloureux de ne pas voir le temps qui passe, de ne pas se confronter de front au fait que cet enfer, ça fait quatre ans qu'il dure. Tu le vois, tu le revois, pas discret l'imbécile, à baver dans son coin sur Liam. Rien de surprenant, ceci dit. Ça t'avait même amusé à l'époque. Mais aujourd'hui, tu le vois encore, avec ses yeux qui dévisagent, toujours aussi peu discrets. Et tu sais, tu sens, parce qu'il est comme tous ces mange-merde qu'on déteste, que même quatre ans plus tard, c'est pas toi qu'il regarde. L'image d'un fantôme, le fantasme d'une résurrection. Même pas la décence de venir te voir. Et c'est pire tu vois, plus que les autres, tu détestes ceux qui n'ont même pas le courage d'assumer leur médiocrité. En même temps de la part d'un rebelle, à quoi tu pouvais t'attendre ?
Et c'est peut-être parce que t'es dans un de tes mauvais jours, Noah. Et c'est peut-être parce que tu n'en peux plus, Noah. Que tu finis par ranger délicatement ton stylo dans ta trousse et te lever. Sourire chaleureux plaqué aux lèvres, le pied léger. Pour venir se glisser jusqu'à sa table et t’asseoir en face.
— Dis-moi, tu comptes me fixer longtemps comme ça ? Tu sais, je ne mange pas, si tu veux me demander quelque chose tu peux.
Tellement coulant, prend volontairement le ton un peu plus aigu de Liam. Tout comme lui, parce que c'est ce qu'ils veulent tous, lui compris.
— Tu as un souci avec ton devoir ? Tu as besoin de conseil peut-être ?
Un bon coup d'acide dans les yeux, peut-être, pour lui faire passer le goût de la contemplation.
Il a la même gueule que lui, ça te perturbe, ça te dégoute. Les mêmes traits et c'est perturbant. Noah Pierce n'avait jamais été aussi solaire - et depuis que Liam a disparu tu as l'impression de le revoir, fantôme errant revenu pour te hanter, pour te châtier de ton crime. Tu ne peux pas détourner le regard Ezra, comment le pourrais-tu ? Il a grandi, c'est lui, quatre ans plus tard. C'est lui, putain c'est lui.
Assis à l'autre bout de la bibliothèque, tu lèves trop souvent la tête de ton devoir pour l'observer. L'air à moitié nostalgique, l'autre un peu renfrogné. Tu sais pas sur quel pied danser quand il est là, ça te fait trop mal. Tu te repasses cette phrase en boucle, celle qui a déclenché ta colère. Je suis désolé mais ça ne va pas etre possible.
Il se lève, et tu te forces à baisser la tête. La vision se floute sur les lignes manuscrites (mal écrites) de ton cahier en papier recyclé. Il s'est assis à ta table et tu sais pas si tu dois être en rogne ou intimidé.
— « ... Quoi ? »
Tu fronces les sourcils, ronges le bout de ton crayon avant de le laisser s'échouer sur la table dans un bruit agaçant.
— « Je te fixais pas. »
Que tu t'empresses de répondre, visiblement agacé.
— « Pourquoi je le ferais ? T'es parano, c'tout. »
Tu fais tout pour éviter de croiser de nouveau son regard, les épaules tendues et les joues rouges (de gêne) de frustration.
— « Et non c'est bon, j'ai pas besoin d'aide. Et- tu devrais pas t'assoir à ma table. Si on voit un populaire comme toi sympathiser avec un rebelle on va te poser des questions. »
Ton sourire qui s'accentue, encore plus lumineux que le soleil lui-même. Je te fixais pas, qu'il te dit. Et malhonnête en plus d'être un voyeur... Tu t'amuses presque, pour une fois, à te faire plus idiot que tu ne l'es, à prendre cet air joueur teinté d'innocence. Il était doué, Liam, pour frapper juste tout en tenant sa batte de base-ball comme on tenait une canne de golf.
— Ah bon ?
Coudes sur la table, paumes vers le ciel, alors que tu viens poser ta tête, toujours le sourire aux lèvres. Il aimait cette pose, Liam, il la faisait tout le temps. Une espèce de tic, la pose de l'imbécile, tu l'appelais. La vérité, c'est qu'il n'y avait pas plus heureux que lui quand il était imbécile. Et au tréfonds de ton être, tu jubiles presque. Il fuit ton regard et tu prends un malin plaisir à reprendre de Liam jusqu'à la moindre mimique. Et tu espères que c'est encore plus insupportable comme ça. Il voulait voir Liam, non ? Alors le voilà.
— J'aurai cru, pourtant. Qu'est-ce que t'as ? Tu rougis ? Oh, pardon, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise !
Tu t'éloignes respectueusement en collant ton dos au dossier de la chaise. Quelques centimètres de distance en plus, histoire de marquer ta volonté de bien faire. Mais toujours le sourire idiot aux lèvres.
— Populaires, rebelles, geek, solitaires, c'est un peu réducteur tout ça, tu ne trouves pas ? Les gens parlent, mais ils en oublient qu'aucune étiquette ne peut vraiment définir quelqu'un. Les gens sont plus riches qu'un simple qualificatif. Alors dit moi, partant de là, qu'est-ce qui m’empêcherai de sympathiser avec toi ?
Et puis tu es un Good Guy, Noah. C'est bien dans tes attributions de te lier à toutes les causes désespérées.
Il a les mêmes mimiques, les mêmes poses. C'est insupportable, ça te met en rogne. Tellement en colère que tes doigts se mettent à trembler. Tu dois te contrôler, tu ne dois pas laisser croire une seule seconde (et surtout pas à lui) que tu en maitrises pas ton pouvoir. Si tu craques aujourd'hui après quatre ans de traitement, le rideau tombe et tout sera vraiment terminé. Tu y as pensé plusieurs fois, à te laisser aller... à tout ravager, l'école entière. A être condamné pour payer le châtiment adéquat pour ton crime.
— « Je ne rougis PAS ! »
Tu as crié un peu trop fort, et des têtes autour de vous se sont retournés pour vous observer. Tu reportes ton attention sur tes notes, évitant cruellement de le regarder lui. Il s'adosse dans la chaise, prends ses aises et tu articules un peu amer, sur le ton d'une ironie agacée.
— « Tu comptes rester là du coup ? D'accord. »
Il tient également le même discours. Liam était quelqu'un de foncièrement gentil. C'est pour ça qu'il était devenu populaire - il brillait de ses idées bienveillantes. Il n'en avait rien à faire que tu sois un rebelle (il n'en avait rien à faire de toi, serait plus juste).
Tu souffles et affrontes finalement son regard. Relèves la tête pour le confronter, tu plisses les yeux en le dévisageant. Te permets une petite pique sans forcément répondre à son laïus. Tu ne penses plus comme ça, il se fatigue pour rien.
— « Parce que je déteste les gens comme toi, les hypocrites obsédés de la bonne pensance. »
Tu casses ton stylo entre tes doigts, à force de le plier. Tâchant tes doigts d'encre.
Sa voix qui perce, ta première victoire. S'il monte en décibel, c'est que tu as visé juste et, en cet instant, tu aimes viser juste. Revanche terrible, mal placée, pour des crimes que tu ignores, des injustices dont il n'est pas tellement responsable. Mais bon, Noah, il faut bien que quelqu'un paye, il faut bien que quelqu'un souffre, non ? Et le premier regard vient de lui, tu n'as fait que répondre à son appel. Quand on tente le loup, il est vain de se plaindre d'avoir été mordu.
— J'aime bien cette place, pas toi ?
Rire léger, quand en dedans, il se fait carnassier. Tu voudrais le voir s'énerver encore, c'est là la preuve qu'il en bave, qu'il morfle. Mais quand il relève enfin les yeux pour t'affronter, tu la vois. La rage, la colère. Ce gars bouillonne et pas seulement à l'ombre de ses paupières. Ce gars est un volcan qui se débat contre une tempête qu'il ne peut maîtriser. Ah. Tu connais ça, Noah. Ton regard qui dérive rapidement sur ses mains quand le crac fatidique du stylo se fait entendre. Ce gars n'a pas froid aux yeux. Ce gars à des mots cru, incontrôlés, mais qui tombent cruellement juste. Est-ce qu'il en a la moindre conscience ? Probablement pas. C'est ironique, comme les insultes en l'air sonne si authentique.
— Attends, tu vas t'en mettre partout.
Sors de ta poche un mouchoir que tu lui tends. Le sourire un peu moins prononcé, mais toujours là. Parce qu'il serait de mauvais tons qu'il soit large en de telles circonstances. Et ça t’intéresse, Noah. Tu veux remuer la merde, voir ce qui se cache sous la vase. Peut-être que ce déchet mérite ton intérêt.
— Je te donne l'impression d'être hypocrite ? D'être obsédé par la "bonne pensance" ? Ou bien, ce sont des mots tournés vers toi-même ?
Tu restes respectueusement le dos sur ton siège. Patient, Noah, puisque la torture est une question d’endurance. Et elle est encore plus efficace, la torture, quand elle est teintée de sincérité.
— Tu sais, je le pense vraiment. Les gens sont trop riches pour être résumés à un simple mot.
C'est définitif : tu exècres ce type. Déjà que tu avais du mal avec sa gueule, mais son attitude ne te revient pas du tout. Tu te sens mal à l'aise, sous pression - comme si ses yeux allaient te dévorer, comme s'il pouvait lire dans ta tête et tentait de te faire payer. Mais comment le peut-il ? C'est impossible qu'il soit au courant, la directrice te l'a assuré. Tu plisses les yeux pour le dévisager et sens lentement les traits de ton visage se crisper alors que l'encre coule entre tes doigts, tâche ton cahier.
Tu acceptes à contre-coeur son mouchoir et baisses les yeux sur tes doigts pour essuyer sans trop étaler. Putain ça fait chier. Tu sens monter en toi une rage sourde, qui fait gonfler les veines au niveau des tempes. T'es à deux doigts d'envoyer valser la chaise et la table.
— « Merci. »
Que tu grommelles. Il continue de te parler et ça te rend fou. C'est la même voix, c'est insupportable. C'est lui mais ce n'est pas lui. Qu'est-ce qu'il cherche en venant te voir aujourd'hui ? Il ne te calculait pas, avant. Tu ne peux pas t'empêcher de le foudroyer du regard.
— « Pourquoi est-ce que tu agis comme lui ? »
C'est dit sans filtre, avec une certaine haine dans la tonalité de la voix.
— « Tss... C'est ridicule. »
Tu fermes ton cahier d'un coup et te lèves, prêt à décamper.
La foudre de ses yeux est un délice fait de sucre et d'amertume. Tu as le sentiment qu'il se déchire entre la haine et autre chose. Lui qui t'observait depuis la mort de Liam, lui qui observait Liam de son vivant. Peut-être est-il le seul un peu censé pour ne pas supporter ton faciès. Tu dois lui rappeler ce qui n'est plus et c'est un rappel qui semble l'ébranler. Et tu te demandes, Noah, n'avait-il jamais tourné la page ? L'amourette d'il y a quatre ans, et s'il y pensait encore ? Ton regard qui s'ouvre un peu plus quand enfin, il crache la bonne question. Ton sourire se meurt, une seconde, alors qu'il va pour se lever, s'évaporer. Comme Liam s'est évaporé.
— C'est encore douloureux de prononcer son prénom ?
Rapidement, ta main est venue agripper sa manche, pour le forcer à rester, encore un peu. Le regard un peu dans le vague, quand enfin, tu te replaces, lâche le tissu, pour venir poser ta tête contre ton poing.
— Hm, je me souviens de toi, tu sais ? Tu l'observais beaucoup avant. Il te plaisait, hein ?
Pas tant une question en vérité, pas tant un reproche non plus. Juste un simple contant, comme ce qui suit ensuite.
— Je te perturbe, n'est-ce pas ? C'est pour ça que ma gueule ne te revient pas.
Le sourire reprend doucement place. Le regard vague reprend de la contenance, du pétillement. Alors qu'avec la même voix que Liam, tu dis
— Et pour répondre à ta question, disons qu'il n'est pas mon jumeau pour rien.
Il n'est pas. Pas, il n'était pas. Parce que Liam vit toujours. Liam tel le monstre de Frankenstein, maintenu en vie via les artifices du mensonges et de la comédie. Liam qu'on a refusé de voir crever alors on dit à son frère de se sacrifier. Mais ce qui t'étonne dans tout ça, Noah, c'est qu'Ezra est peut-être bien le premier à te le reprocher.
C'est encore douloureux de prononcer son prénom ? S'il n'avait pas exactement la même tête que lui, tu lui aurais déjà collé un pain ou brulé les cheveux, au choix. Tu te mords la lèvre, comme pris de court par la question. Tu te retiens de répliquer avec un peu plus de hargne que précédemment (pas de problème, pas de problème, par pitié) et crispes ton visage tout entier. Tu fixes un point au loin, deux livres mal rangés sur une étagère devant toi. Tu t'arrêtes lorsqu'il retient ta manche, ne cherches pas à lui faire lâcher prise mais frisonnes quand il cale sa tête contre ton poing.
— « Tu te crois où là ? Cesse tes familiarités avec moi. Nous ne sommes ni amis, ni rien du tout. »
Tu ne peux pas t'empêcher d'être désagréable. Tout chez lui hurle au faux et ça te met mal à l'aise - parce que ces mots, eux, sont criants de vérité et te font mal au plus profond de toi. Ils tournent et retournent sur une plaque chauffante toutes les parcelles de ton identité, remettent en question ton humanité.
— « Ta gueule. Tu dis que de la merde depuis tout à l'heure ! Je suis désolé pour ton frère mais... »
Putain, t'as envie de crever.
— « Tu t'imagines des trucs. Il me plaisait pas du tout et je le connaissais pas plus que ça. »
Tu t'éloignes de quelques pas, frustré de ne pouvoir l'attaquer comme tu le voudrais - aussi torturé à l'idée de l'abimer. Son visage, à lui. Qui te fait toujours autant d'effet.
— « Mais t'es son jumeau, t'es pas lui. Tu me stresses, t'es trop bizarre comme mec. »
Et pourtant tu sais pas si tu dois le détester ou l'aimer - c'est pourtant vers lui que tu projettes toute ta culpabilité.
Ainsi donc c'est le déni qui prime. Assez franc pour balancer une vérité que tout le monde fait mine d'ignorer, mais encore assez menteur pour ne pas assumer ses propres sentiments. Alors il est de ce genre-là, hein ? Intéressant. Il t'intrigue, ce garçon. Il te fixe, mais il ne se berce pas d'illusion. Il a la brutalité du regard qu'il manque aux autres, la rage qui leur fait défaut. Oui, ça t'intrigue, Noah.
— Ah bon ? Pardonne-moi, dans ce cas, j'ai du mal interpréter la bonne trentaine de fois où tu te retournais sur son passage.
Sourire qui se fait plus large, mais qui meurs bien vite. Tu le sais, Noah, les pique ne rimes à rien. D'autant plus qu'il touche juste une nouvelle fois. Incroyable, comment en quelques secondes, il a pu mettre le doigt sur des années de faux-semblants. L'espace d'une seconde, tu hésites à user de ton pouvoir, semer le doute, parce que ce serait dangereux, qu'il s'approche trop la vérité, de la laideur qui pourrit là sous la surface. Ce serait affreux qu'il creuse et qu'il comprenne, que derrière l'homme y a plus qu'un cadavre qu'on a articulé tant bien que mal. Parce que tu n'as pas besoin de son dégoût, ni de sa pitié. Plutôt que crever. Alors tu souffles un rire, peut-être moins solaire que celui de Liam, mais déjà moins morne que celui de Noah.
— Bizarre ? Hahahaha, c'est vrai, on me le dit souvent.
Mais c'est peut-être bien la première fois qu'on te le dit sérieusement.
— Ceci dit, je te trouve plus bizarre que moi. Et ne le prend pas mal, c'est plutôt un compliment, j'affectionne particulièrement les gens étranges !
Revoilà Liam, le même sourire, le même pétillement innocent dans les yeux. T'espères le piéger, d'une part parce que t'as envie de lui faire cracher toute la vérité, d'autre part parce que tu as envie de jouer. Ce garçon bien plus intéressant que tout ce que l'île a pu t'offrir en quatre mornes années de performances. Alors tu dégaines ton portable et te lèves de ta chaise. Il ne mérite peut-être pas de l'acide dans les yeux, peut-être juste un peu de torture. Après tout, c'est lui qui t'a regardé le premier, alors tu peux bien en abuser. Tu vas lui offrir une parodie de rêve, pour commencer.
— Je peux avoir ton numéro ? À moins que tu sois trop rebelle pour accepter le jumeau bizarre dans ton répertoire ?
Ah, donc t'étais vraiment grillé à ce point ? Pourtant.. Liam semblait carrément ignorer ton existence la première fois que tu l'as abordé. Ça te fout en rogne qu'il l'utilise pour t'atteindre, surtout qu'il lui ressemble tellement que c'est perturbant. C'était comme s'il était revenu d'entre les morts pour te le faire payer, une torture instrumentalisée par sa gentillesse et son sourire. Tu n'as jamais connu Noah, bien sûr que tu l'avais remarqué, mais il n'avait pas cette présence à l'époque et ce dévouement qu'avait Liam. En somme, il était dans son ombre. Maintenant, il incarne également la lumière, se l'est approprié. Il a peut-être raison, c'est sans doute pas son jumeau pour rien... Merde, cette pensée te trouble. A quoi tu penses Ezra ? Tu peux pas te permettre de sympathiser avec lui. Les personnes au courant verraient ça d'un très mauvais oeil.
— « Tss. »
Onomatopée qui sonne comme un aveu honteux. Il minaude et tu déglutis, le visage qui chauffe un peu et tu détournes le regard - serres les poings. Les mots qu'il utilise comme affectionne c'est pas censé t'amadouer à ce point. La colère monte toujours, comme un volcan alimenté par son brasier interne. Rien ne pourra l'arrêter, tu dois t'éloigner avant d'exploser.
Il parle il parle et tu sais pas quoi répondre, complètement pris de court par la situation. Bordel, il te rend fou à être ce qu'il est. T'es désagréable pour le faire fuir, pourquoi est-ce qu'il reste ? Se pourrait-il qu'il soit sincère et penses réellement à devenir ton ami...?
Quand il se lève, t'as un sursaut de recul. L'observes sortir son portable, hébété.
— « Quoi...? Non. »
Et c'est parti, t'es sur le point de craquer. Tu le chopes par le col, le soulèves de quelques centimètres avant de lui cracher ces quelques mots, espérant qu'il comprenne qu'il faut te laisser tranquille.
— « Je te donnerai pas mon numéro, garde tes distances avec moi ! »
Murmure pour vous deux, sous le coup de la haine.
— « C'est pas ce que tu veux. »
Le lâches finalement, le pousses pour le forcer à se rassoir sur sa chaise et tournes les talons pour fuir la bibliothèque avant d'y foutre le feu.
Il te soulève, l'espace d'un instant la pointe de tes pieds peine à trouver un contact, même léger, avec le sol. Le torturé a de la force, qui l'aurait cru ? C'est qu'il cachait bien son jeu. Sous ses regards en biais et ses joues rougissantes, la poigne d'un titan. Surpris, incrédule, quand tu balances tes yeux à droite, à gauche. Tu te demandes si Liam aurait ri ou hurlé dans cette situation ? Probablement les deux, c'est que la peur, il avait pour habitude de la tuer par le rire. Mais tu n'as pas tellement envie de rire, Noah. Quand il te repose, que tu te retrouves le cul sur ta chaise, un peu sonné. Tu ne fais rien pour le rattraper. Dans ta tête, résonne ses derniers mots. Tu peines à la croire, mais ils t'ont ébranlé, ces mots.
— Noah ! Noah ! Mais il est malade ce type ! Est-ce que ça va ?
Autour de toi, les clébards se sont réunis pour aboyer en cœur. Ils aboient, mais il n'y en a eu aucun pour venir te secourir avant qu'il ne quitte la salle. Ravale le dégoût qui te prend, pour réarranger ton col dans un sourire rassurant.
— Ça va, ça va. C'est de ma faute, il n'avait pas l'air très bien, j'ai insisté, je n'aurai pas dû. N'en faisons pas une montagne, d'accord ?
Appelle au calme à coup de sourires. Et ça marche, comme toujours, parce qu'ils boivent tes paroles, les imbéciles. Et tu demandes, Noah, comment Liam a fait pour supporter leur amour ragoûtant tout ce temps. Tu te demandes, s'il ne se coupait pas du monde pour ne pas se laisser noyer. Tu te demandes si, au final, ses yeux tournés vers le ciel et ignorant ce qui l'entoure n'étaient pas un mécanisme de défense comme un autre. Et tu te souviens, Noah, lui avoir dit, quelques jours avant qu'il ne meure, alors que tu avais surpris, encore, les yeux d'Ezra sur lui :
— Tu ne fait vraiment attention à rien, hein ? — Hm ? De quoi tu parles ? — Rien rien, mais si tu arrêtais de regarder en l'air pour regarder autour de toi, tu te rendrais peut-être compte de deux trois trucs intéressants. — Pourquoi regarder autour, Nono ? Le ciel est beau après tout.
C'est pas ce que tu veux.
Mais qu'est-ce que tu veux vraiment, Noah ? La vérité, c'est que tu ne sais pas. C'est que tu ne sais plus. Et ça te frustre tellement.
— Qu'est-ce que t'en sais, connard ? Souffles-tu entre tes dents.
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Lun 5 Juil - 23:31
Je te vois.
Il a la même gueule que lui, ça te perturbe, ça te dégoute. Les mêmes traits et c'est perturbant. Noah Pierce n'avait jamais été aussi solaire - et depuis que Liam a disparu tu as l'impression de le revoir, fantôme errant revenu pour te hanter, pour te châtier de ton crime.