Verre à la main, main dans la poche. Tu regardes tes chaussures sur le sable. L'envie de les retirer, de plonger tes pieds dans le sable. Tu te souviens que tu aimais ça, gamins, avec Liam, creuser le sable, voir ce qu'il se cache en dessous, en faisant des paris idiots sur ce qu'on pourrait trouver à force de s'enfoncer. Mais tu ne le feras pas, tu sais qu'il te suit de loin, qu'il arrive maintenant. Et le réconfort ne vient qu'après l'effort, alors tu vas laisser de côté tes jeux d'enfants. D'un geste, tu retires tes lunettes, les accroches à ta poche de devant avant de t’asseoir sur le sable et de laisser choir ta casquette à côté. Quand t’entend ses pas, tu ne fais même pas l'effort de lui adresser un regard. Ce que tu ressens, t’arrive pas bien à savoir si c'est de la peur ou de l’excitation.
— Dis moi, Ezra, tu ne penses pas que ça craint ? Tu cherches à la protéger visiblement, mais le truc, c'est que, là, tu l’infantilises plus qu'autre chose.
Et tu te demandes, non sans un certain amusement (t'es tellement brisé, Noah), combien de temps mettra le coup à partir.
— Sylvestre est une grande fille. T'as aucun droit de regard sur ce qu'elle fait et avec qui. Mais c'est frustrant, j'comprends.
Fut-il une époque où toi aussi t'allais glisser quelques mots aux bonnes personnes. Une époque où tu fliquais, par crainte, par besoin de protéger, par peur de voir ce qui comptait s'éloigner, aussi. Ou peut-être que c'était plus pernicieux, un instinct de possession, de jalousie. Un peu comme là, aujourd'hui. T'appréhendes la déchirure à venir, mais la vérité, c'est que t'es bien content d'avoir tout fait pour la provoquer. Et tu lèves enfin les yeux vers lui. Il lui va bien son putain de costume. Le noir est une couleur qui l'embellit. T'as encore la sensation de sa poigne contre ton torse. Ouais, un héros à grosse épée, ça lui va bien.
— Ceci dit, et pour être totalement transparent avec toi, j'apprécie sincèrement Sylvestre. Elle me rappelle Liam, sous certains aspects. Alors ne t'inquiète pas, je ne ferai rien. Je la respecte, alors tu peux te détendre, j'irai pas la blesser de quelques façons que je sois.
T'as du mal à suivre ce qu'il se passe. Noah a un don pour faire semblant. Son étreinte te pétrifie et sa mise en garde sonne à tes oreilles comme une menace - t'électrise tout entier. Tu ne rétorques pas, muselé par la mise en scène mais laisse échapper un grognement sourd dans le fond de ta gorge. T'es soufflé Ezra, par sa capacité à être une toute autre personne en public qu'en privé. L'impression de voir son vrai visage et le privilège te donne le tournis.
— « Qu'est-ce que...? »
Il prend les devants et ton corps obéit, le suit alors que vous vous éloignez de la foule et de la musique. A l'écart sur la plage tu restes debout, l'observes choir sur le sable en tailleur. Tu n'aimes pas du tout comment il parle de Sylvestre mais ça t'énerve encore plus de lui donner raison intérieurement.
— « C'est elle qui m'infantilise. Elle est toujours derrière moi à me soutenir ou à prendre soin de moi. J'ai l'impression d'être son gosse. »
T'es mal à l'aise de parler d'elle comme ça, t'as l'impression d'être négatif alors que tu lui as jamais vraiment reproché un tel comportement. Tu te permets d'ajouter, toujours aussi froid. Un comble pour la boule de feu que tu es.
— « C'est à moi de veiller sur elle maintenant. L'éloigner de gens comme toi. »
Tu fais un pas vers lui, ta perruque te gratte un peu. Le costume aussi. Putain t'es ridicule, pas crédible, ça te fait chier. Le crépitement du feu de camp derrière te file des frissons. Tu oses :
— « Tu t'es rapproché d'elle uniquement pour attirer mon attention, avoue. »
Tu sais pas ce qu'il te prend. Un pas en avant, tu enfonces tes pieds dans le sable, le jauge de haut. Tes yeux brillent à la lueur du feu, qui se reflète dans les vagues.
— « T'es tordu comme mec. Good Guy j'y crois pas une seconde à ton numéro. »
Est-ce que ça lui déplaît tant que ça ? D'être son gosse ? Sa petite chose chérie dont il faut prendre soin ? Tu penses pas, pour un gars qui crache autant, il semble y tenir à sa Sylvestre. Il ronchonne comme un vieux, mais dans le fond il aime ce qu'il voit, ce qu'elle fait. Est-ce pour ça qu'il vient se planter devant toi ? Pour te faire une crise de jalousie ? Parce qu'il veut le monopole de son affection ? Parce qu'il veut faire de cette relation son truc à lui, sa chose unique ? Oh Ezra.
T'es prêt à te foutre de son insécurité quand les mots tombes. T'écarquilles les yeux, confus. Ça, tu ne l'avais pas anticipé, Noah. Au fond de toi, ça confond, cocktails d'émotions dont t'arrive pas à reconnaître les saveurs. C'était donc ça ? Oh, putain. Tu ne comprends pas les signaux qu'on t'envoie. Tu ne comprends pas si ça te fait marrer ou flipper, si ça te touche ou te révulse.
— C'est ce que t'aimerai, hein ?
Lâche comme une bombe, alors que tu te relèves calmement.
— C'est ce que t'aimerai, Ezra ? Que je me mette à approcher tout ce qui t'entoure, dans l'espoir que tu me remarques ?
Tu lui fais face, le toise, fait un peu. Si on creuse le sable, Ezra, jusqu'où on ira ?
— Et c'est moi qui suis tordu.
Lâche dans un rire, alors que tu choppes son col l'attire. Un rien qui te sépare de ses lèvres et tu sais que le coup viendra avant d'avoir pu apposer ta marque sur la terre promise, mais qu'importe.
— Non, je me suis rapproché de Sylvestre parce qu'elle me touche, parce qu'elle a un gros con pour frangin et qu'elle ne mérite pas ça. Mais tu sais, si ça te fait bander que je te cours après on peut s'arranger. Je comprends, t'as ta revanche à prendre, regarde, je meurs de ton attention, j'agite la queue pour toi ouaf ouaf.
T'es presque essoufflé des mots que tu craches, comme un infirme qui a trop vécu, bouffé par ses erreurs et ses regrets. Tu restes planté là, le laisses digérer la bombe que tu lui as lancé malgré toi. Et quand sa sentence tombe à son tour, tu déglutis et fronces les sourcils visiblement mal à l'aise du ton railleur et humiliant qu'il prend. T'es fiévreux, lascif. Une partie de toi n'assume pas et aimerait que ça soit vraiment ça, tu crèves de son attention Ezra. Autant que tu veux le fuir parce que c'est mal, si mal. Une insulte à Liam et une putain de mauvaise idée.
— « Ta gueule putain. »
Oui c'est lui qui est tordu. C'est lui et ses putain de sourires, ses putains de faux semblant. Il fait genre il s'intéresse à toi puis se fout de ta gueule. T'as envie de le tuer, ce sale chien. Mais d'un autre côté tu te dis que c'est tout ce que tu mérites. T'as joué au con à le laisser s'approcher et maintenant s'il est tordu toi t'es sacrément mordu.
— « Ta gueule... »
Tu siffles. Il se relève pour choper ton col et t'attirer. Tu manques de te casser la gueule, tombes à genoux dans le sable et poses maladroitement tes mains sur ses cuisses. Tes yeux l'incendient et l'humiliation continue. Ouaf ouaf et tu pètes un cable, fonds sur lui comme une brute alors que tu enserres sa gorge, grimpes sur son corps acculé pour mieux maintenir ta prise.
— « T'es vraiment un connard ! Ça t'amuse de te foutre de ma gueule ?! »
Tout ce qu'il a répondre, ce sont des insultes. Preuve que ça la touche, preuve que tu vises juste. Ah, putain, c'est donc ça. Il a tellement envie de se faire un mort qu'il en culpabilise, en devient violent. Il sait combien c'est répugnant, mais il y revient toujours. Ezra, juste un camé comme beaucoup d'autres. T’espères que Liam est fier de sa connerie. Parce qu'il l'avait remarqué, non ?
Si t'avais réglé tes merdes avant de crever, j'en serais pas là.
Et il tombe à genoux, au fond de toi t'es furieux. Furieux contre Liam, furieux contre Ezra aussi. Au final, on en revient toujours lui, à ce frère mort et absent. Ce qui te tord alors les boyaux, t'en a pas conscience, tu ne veux pas l'admettre, mais c'est de la jalousie. C'est pas contre toi qu'il enrage, Ezra, mais contre lui-même, contre son incapacité à voir autre chose que ton putain de frère quand il te voit. Et ça te donne des envies de destruction que tu peines à refréner. Alors qu'il se ru sur toi, te fait tomber, pour venir à califourchon sur toi t’étrangler. Rire rauque entre tes lèvres.
— Ouaf ouaf ouaf.
Sourire insolant, pourtant les yeux brillent de tristesse.
— T'arrête pas, Ezra, va y t'en rêves, achève moi et tu verras pas plus ma tronche, sa tronche, ça rendra service à tout le monde.
Tu viens même l'aider pose ta main sur ses poignets vient à appuyer, pour qu'il t'étrangle plus encore. De toute façon, c'est pas comme-ci tu voulais être là, c'est pas comme-ci tu désirai cette vie, Noah. De toute façon, c'est le néant depuis longtemps. Il est peut-être temps que ça s'arrête.
— Vas y, fait ce que j'ai pas le courage de faire. Personne ne me regarde vraiment de toute façon, alors soulage toi.
Mais quand tu sens que ça ne va pas assez vite, quand tu te dis qu'il pourrait peut-être même rebrousser chemin, tu sors de tes gongs. Lâche prise, te redresse sur tes coudes, furieux.
— Putain, qu'est-ce que tu branles ? Tu peux pas me voir, tu rêverais de me voir mort si ça pouvait te ramener Liam alors pourquoi tu me tues pas putain ?!
Et ses yeux, ses yeux. Ça te rend fou. Assène une gifle, bien loin d’égaler la force des siennes.
Ouaf ouaf ouaf. Tu vas le défoncer, c'est pas possible d'être aussi con. Tu serres fort, ne laisses aucune chance à sa gorge et pourtant t'es incapable d'aller vraiment au bout. Ça te traumatise Ezra, de porter atteinte à ce beau visage. T'as jamais voulu lui faire de mal, alors quand Noah t'ordonne presque de faire le sale boulot c'est toi qui te sens sale. Nu dans cet océan de lave, qui fait crépiter ta peau - tu l'entends presque se décoller. Geins alors que les larmes perlent le long de tes joues, mais la colère demeure dans le fond des joues. Le désespoir n'est qu'un relief, aussi beau et impénétrable que les vagues qui s'échouent à vos doigts de pieds.
— « Non... Non ! Arrête putain laisse moi... »
Ses doigts aux tiens, on dirait qu'il veut te pousser à le faire. Il veut te faire porter la responsabilité (encore) d'un deuxième mort. Putain tu vas vraiment y passer - après lui tout sera vraiment terminé. T'es presque tenté de te laisser tenter. Ça ne va pas assez vite pour le tordu, il se redresse et par la force qu'il y met t'es bien obligé de reculer aussi, toujours à genoux dans le sable.
Tu te tiens la joue, choqué par la gifle qu'il t'assène. Tu sens ton coeur bouillir alors que ton âme saigne à blanc. Il a osé te toucher ? Tu trembles sous les sanglots et la haine. Un mélange chaotique alors que t'es à ça de te confesser pour te soulager.
— « C'est MOI ! C'est moi qui ... ! »
Impossible de dire la suite, tu restes figé un court instant. Ferme ta gueule Ezra t'as failli dire quoi là??? Failli foutre ta vie en l'air, c'est ça que tu veux ? Tu cherches même plus le consentement dans son regard, tu plaques tes lèvres sur les siennes dans une déglutition bruyante pour te faire taire, le faire taire - vous assassinez pour de vrai. Tordu, mordu, quelle importance.
Folie. Ce n'est ni le lieu, ni le moment. Avec personne d'autres, tu n'aurais lâché prise. Mais lui, lui, il met à mal tous tes plans, t'énerve et séduit à la fois. Tu le détestes, tu les hais, mais tu vois dans ses mains, dans ses yeux ta seule porte de sortie, ta seule absolution. Il te rend fou, ce mec, tu le méprises, pourrait gerber sur son nom, pourtant, tu te frustres de ses absences, te ronge de son ignorance. Et dans cet instant, t'as qu'une, qu'il te libère, qu'on en finisse, que tu lui offres ce qu'il est venu chercher, qu'il t'offre ce que t'as jamais eu le cran de demander. Parce que la vérité, c'est que t'es fatigué, mais trop mauvais joueur pour le dire. Ce n'est même plus drôle, même plus marrant, passé un stade, y a plus qu'un simulacre de mépris qui n'assume pas d'être néant.
Alors quand il a tardé à t'accorder la fin du jeu, l'éternel répit, t'as pété les plombs, Noah. De ta gifle, il semble choqué, peut-être même autant que toi. Ta main tremblante, suspendue dans l'air, qu'est-ce tu fais Noah ? T'as la gorge qui se serre, t’étouffe, tu suffoques. Ses larmes comme un écho aux tiennes, depuis quand t'as commencé à chialer exactement ?
C'est MOI, c'est moi qu'il hurle et tu ne comprends pas. Trop embrouillé pour comprendre, t'as juste envie de lui hurler que oui, c'est lui, c'est lui qui te déteste le plus, c'est lui qui devrait faire enfin ce que tout ces manges-merde hypocrite pense tout bas. T'ouvres la bouche pour le lui dire, pour lui crier des centaines d'insanité, pour les cracher des horreurs, le briser par les mots comme tu sais le faire comme personne. Mais y a cette bouche sur la tienne qui vient étouffer le début des hurlements. Et putain, tu le hais, tu les hais, tu le hais putain. Le salé de ses larmes qui vient se mêler au goût de ses lèvres. Le salé de tes larmes qui vient polluer tout le reste. Tu le hais, tu le hais, tu le hais. Pourtant, t'appuies le baiser, viens de cette main qui l'a giflé, trouver sa nuque pour l'entraîner au sol avec toi, alors que tu te laisses retomber dans le sable. Dévore avide, haineux, le cœur en miette, la hargne en tête.
— Je te déteste, putain je te déteste tellement...
Hoquet faible, parce que tu chiales autant que lui, parce que tu repart à l'assaut de sa bouche. Encore. Encore Ezra. Parce qu'on se déteste tellement. Encore. T'arrête pas.
Enlacé contre lui, toute ta colère et ta détresse pour lui. Et la fête, là-bas, elle pourrait finir dans les flammes que t'en aurait rien à foutre.
T'en avais rêvé à l'époque, tu avais imaginé des centaines de fois quel gout auraient ses lèvres, à Liam. Quelle sensation ça aurait de l'embrasser - et alors que tu étais sur le point de réussir, le destin te l'avait enlevé brutalement. Est-ce que c'est une revanche ou est-ce que c'est carrément malsain de rouler une pelle au jumeau de ton ancien crush décédé ? Très bonne question, que tu te poses pas du tout Ezra, emporté par le désespoir et le feu de l'action.
Tu t'étais attendu à ce qu'il te repousse, te frappe, te hurle dessus mais non. Il répond à ton baiser, même. S'allonge dans le sable et t'emporte avec lui. Vos torses se touchent, vos genoux aussi et quand il te témoigne sa haine entre deux souffles coupés tu fronces les sourcils à la vue de ses larmes, qui coulent en reflet des tiennes. Pas le temps de répondre qu'il t'embrasse derechef
C'est toi qui y met finalement fin quand tu sens que vos langues s'effleurent et se cajolent. Recules brusquement ta tête pour t'essuyer la bouche d'un revers de manche, le palpitant à l'agonie tellement il bat vite.
— « Tu... »
Tu te redresses pour ne pas rester sur lui, glisses sur le côté.
— « C'est n'importe quoi, putain. Je fais n'importe quoi. »
Tu t'empresses de te relever, et tournes les talons sans attendre à ce qu'il te poursuive.
Tu quoi ? T'es dégoûtant ? À gerber, peut-être ? Monstrueux ? Tordu ? Il ne t'apprend rien. Il essuie sa bouche du revers de la main, comme-ci tu l'avais souillé jusqu'au tréfonds de son âme. Il prend la fuite, comme un connard qui se rend compte de sa faute après avoir pris son pied à la commettre. Toi, tu ne lui fais pas le plaisir de prendre un air dégoûté ou choqué, tu ne prends même pas la peine d'essuyer l'humidité de ses lèvres sur les tiennes. La vérité, Noah, c'est que tu ne regrettes pas. T’iras pas t'excuser, parce que c'est lui qui a plongé le premier. Tu ne feras même pas mine d'être désolé pour lui, t'en as ni la patience, ni la bonté. Tu te redresses à ton tour, pose ton bras contre ton genou. Il a l'expression d'un fiancé qui s'est tapé un fantasme la veille de son mariage. Vite effarouché, le Ezra. Mais tu ne demanderas pas pardon. Cette souillure, cette marque tu as imposé, il l'a cherché et tu ne le regrette pas, quand bien même son absence contre toi laisse un froid.
— Ouais, tu déconnes sec. Mais t'en fais pas, de là où il est Liam n'en a probablement rien à faire. J'espère que l'illusion t'a été agréable, j'ai été ravi d'être ton mouchoir usagé, Strauss.
C'est ça, Ezra, fuit. De toute façon, c'est pas comme-ci c'était autre chose qu'une immondice ce baiser. Il n'a rien trouvé de mieux à répliquer, quatre ans a ronger son frein, tu peux comprendre. Ouais. D'une certaine façon, ça te fait bien chier.
— Vas y, cours comme si t'avais le feu au cul, va te laver la bouche à la javel ou vomir plus loin. Je m'excuserai pas pour ce soir, Ezra. Je suis peut-être tordu, mais moi au moins j'assume de l'être.
L'espace d'une seconde, t'a l'espoir fou qu'il se retourne, qu'il revienne t'en coller une, t'imposer sa bouche de nouveau, juste pour te faire chier, juste pour redorer son ego. Mais Ezra c'est pas Arsene, hein ? Quand une bataille est foutue, il sait la fuir aussi humiliant que ce soit, hein ? T'as toujours le cul sur le sable et t’espère comme un con.
Retourne-toi. Te barres-pas.
Et la seconde suivante, tu te détestes plus encore. Rien qu'une pute en manque, Noah, parce que c'est toi qu'il a embrassé et que tous ces fantasmes ne pourront rien y changer. Liam est mort. Pour Dieu sait quelle raison toi tu vis. Ta victoire que tu lui as volée, à ce frère mort que tous le monde veut voir revenir. Et tu te sens sale, Noah. Si sale. Pourtant, tu regrettes rien. S'il ne se retourne pas, s'il décide de fuir, t'ira demander aux bonnes personnes de te glisser une bonne dose d'alcool et t’ira attendre l'after pour finir rond dans un caniveau quelconque. Arsene serait fier de toi, t'en est certain, Lu serait enchanté de t'accompagner en pleine déconnade. Ouais, s'il te laisse dans le froid, t’iras te réchauffer autrement.
Pourtant, t'espères encore qu'il se retourne. Qu'il revienne. Ultime provocation.
Elle a du mal à croire ce qu'elle voit. Ezra, Noah, elle n'entend pas les mots de là où elle se trouve mais comprend les gestes -certaines expressions lui sont très claires, de rares paroles qui s'élèvent à peine par-dessus la musique en fond. Sûrement pas les plus importantes, ce n'est pas grave parce qu'elle n'a pas besoin d'entendre. Ils la dégoûtent déjà suffisamment.
Ou peut-être que ce n'était pas assez. Sûrement même parce qu'elle a l'impression de franchir un nouveau seuil lorsque vous vous embrassez. Ezra puis Noah, Ezra et Noah. Une main devant ses lèvres pour couper l'indignation qu'elle s'apprêtait à sortir, elle ne sait plus quoi penser.
— Por dios. Mais quel- un silence, Ezra qui se détache. Joder.
Elle se mord fortement la lèvre et décide dans sa colère d'avancer vers eux. Voit Ezra venir vers elle, sans doute ne l'a-t-il pas vu dans sa confusion ? Peu importe, il est mort de toute façon. Mort et enterré ce sale chien. Tout ce serait arrêté là si Noah n'avait pas continué.
Ouaf. Si elle n'est pas sûre d'avoir bien entendu, elle l'a lu sur ses lèvres le plus clairement possible. Ezra désormais près d'elle se retourne, sûrement pour répondre mais tandis qu'il entreprend de le rejoindre, elle tend sa jambe pour le faire chuter violemment dans le sable.
— Woooooooo ! Tu crois faire quoi là ?
Le regard est sévère, sa voix est forte tandis qu'elle le toise avec dédain. Dégage rapidement sa jambe pour se remettre sur ses appuis, elle enrage si fort si seulement ils savaient.
— Casse toi. Casse toi, que te folle un pez ! Mierda.
Elle reporte ensuite son attention sur Noah, le fusille du regard.
— Et toi. TOI. Non mais t'as quoi dans le crâne Noah ?
Si tu t'enfuis ce n'est pas parce que tu as honte de lui mais parce que tu as honte de toi. Il a joué son rôle à la perfection et c'était idiot d'avoir cru que tu pourrais l'embrasser, oublier ce qu'il s'était passé. Durant vos maigres échanges tu avais bien compris malgré toi (c'est assez rare que tu comprennes quoi que ce soit) que la disparition de son frère l'avait condamné à prendre sa place - en plus de l'avoir plongé dans une profonde tristesse. Cette histoire est vouée à être dramatique n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu t'éloignes de la rive, marches lentement en direction du feu de camp. Sans te retourner, en ignorant royalement les piques qu'il te lance dans le dos.
Quand soudain... Ouaf. Tu te retournes lentement, le contemples en grimaçant, les yeux plissés et encore embués de larmes. Tu fronces les sourcils et respires rapidement, le dévisages d'un air cinglant, cinglé. Putain mais il te fait quoi là ? T'es attiré par sa belle gueule, par ses traits, par sa voix, par le fait qu'il semble vouloir que tu restes - quand son fantôme a expressément demandé à ce que tu partes. C'est lui... C'est Liam. Il te veut, il a changé d'avis. C'est peut-être un mal pour un bien. Tu avances de quelques pas, la démarche peu assurée mais suffisamment déterminée. Le regard adouci par le désir qui crépite encore dans tes entrailles.
Sans trop comprendre comment ni pourquoi tu chois au sol, la tête bouffe le sable et tu mets quelques secondes à percuter qu'on t'a fait un croche-pied.
— « Putain...?! »
Tu te redresses doucement, bombes le torse et prends appuis sur tes mains. C'est Lucrecia bordel de merde, cette truie te lâchera donc pas non plus aujourd'hui ? Tu rages, et la colère dû à l'humiliation monte. Tu te redresses, accroupi et fais grandir une flamme dans le creux de ta main.
— « Je vais te bousiller la gueule connasse. »
C'est pas à toi de partir ! Alors que... ça serait peut-être l'occasion ? Une excuse presque miraculeuse que tu refuses de saisir, parce que t'en as marre de te faire souiller en boucle par cette garce. T'es dépassé par tes émotions et ton coeur en proie à votre baiser passé résonne dans ta cage thoracique comme un forcené.
Il se retourne. L'espace d'une seconde, tu te tais, toi qui n'a que de la gueule, te voilà réduit au silence. Tu ne sais pas si tu as peur, si tu regrettes, si tu as hâte, si tu veux vraiment ce que tu sembles t'entêter à provoquer. Tu ne peux pas nier, qu'à le voir s'approcher, t'as cette excitation qui monte. Et puis après tout, pourquoi pas ? Désir et haine ont toujours fait bon ménage. Tu ne peux pas nier, que quitte à te souiller, tu préfères que ce soit dans ses bras. Sinon pourquoi avoir noyé ta frustration avec Lucrecia la dernière fois ? Pourquoi toutes ses piques sans sens ? Tu veux te punir, tu veux punir Liam, tu veux le punir lui. Mais tu veux d'autres choses aussi. Elles n'ont ni noms, ni formes, mais elles sont là, désespérantes, tueuses. Tu t'appuies sur tes genoux pour te relever. C'est là que tu la vois.
Putain.
Impériale, tu ne sais pas si c'est le dégoût ou la colère qui déforme ses traits parfaits. Peut-être un peu des deux. Sursaute, quand tu la vois faire chuter Ezra d'un coup habile du pied dont seule elle à le secret. Dans ta tête, c'est un cocktail de pensée et de sensations contraires. Soulagement. Frustration. Reconnaissance. Putain de colère. L'envie de cracher "de quoi tu te mêles ?" et "pourquoi t'as mis aussi longtemps ?" à la fois. T'es presque sonné par ce trop-plein. Tu vois Ezra se relever, tu entends ses insultes. Et les mots qu'elle te lance, Noah, tu ne sais pas bien comment y répondre.
— Quoi ? C'est quoi le problème, Lu ?
Putain, tu sais très bien c'est quoi le problème. Elle t'a vu. Elle t'a grillé. Elle peut-être même fait le lien avec ta tronche de l'autre soir. Elle t'a vu à fleur de peau comme tu ne l'es jamais. Elle t'a vu comme t'as soigneusement évité d'être depuis l'époque où t'étais tombé dans ses bras. Elle n'est pas conne. Elle sait, parce que t'as choisi de lui dévoiler ce que tu ne dévoile que trop peu. Fait chier. Putain fait chier. Sentiments persécutés, embrouillés. Possessif, tu ne veux pas qu'elle te vole ça, qu'elle déforme ce qu'il se passe avec Ezra. Perdu, une partie de toi espère qu'elle te sauvera, qu'elle t'empêchera de t'engager sur cette pente dont tu sais que tu ne reviendras pas. Parce qu'aller vers lui, c'est aller vers le vide et tu ne sais pas, Noah, tu ne sais pas. Putain. Putain. Putain.
T'as pas trop compris comment t'en étais arrivé à t'interposer entre les deux. T'as pas trop compris comment vous en étiez arrivé là. T'as le cœur encore allongé dans le sable, le sel des larmes d'Ezra sur ta bouche. Putain. Putain. Putain.
— Putain, personne bousillera personne ! Je... Putain mais qu'est-ce que tu fous là, Lucrecia ?
Dans le regard, t'as de la panique. Elle le verra sûrement et tu ne sais pas si tu dois jouer cette carte ou pas. Si Arsene s'en mêle... Si le monde s'en mêle... Putain. Et son regard pour toi juste avant qu'il s'éclate. Putain. Putain. Putain.
— Le problème ?! Sérieusement tu le vois pas le putain de problème ?
Elle a envie de l'étrangler, de l'étouffer pour le faire taire à jamais pour la bêtise qu'il vient de sortir. Si Noah n'est pas foutu de voir le soucis de toute cette histoire c'est qu'il est vraiment perdu. Est-ce qu'elle est arrivée trop tard alors ? Pas assez tard pour comprendre que l'autre soir c'était ça aussi, en tout cas. Lorsqu'il est venu la voir. Lorsqu'ils ont baisés comme des chiens enragés une grande partie de la nuit -c'était à cause de ce connard ? Elle se sent humiliée, Lucrecia. Parce qu'elle déteste être utilisée de cette façon. Parce que Noah et Ezra ce n'est pas sain, parce qu'elle hait ce chien galleux de rebelle si fort ! Putain. (parce qu'elle apprécie Noah bien plus qu'elle ne le laisse paraître, finalement) Une erreur ça aussi ? D'avoir apprit à le connaître, d'avoir comblé ses failles -certaines même qu'elle avait sûrement crées elle à l'époque. C'est quoi tout ça alors.
Du vent ?
La rage qui lui retourne l'estomac, sûrement la faute à ces images d'eux s'embrassant, de Noah et elle, de- Ezra qui s'exclame. Elle avait failli l'oublier, emportée dans sa colère comme rarement. Elle baisse ses yeux froids vers l'indésirable, provoque encore. Toujours toujours toujours quand c'est Ezra.
— Essaie seul-!
Coupée dans son élan par Noah qui se pointe au milieu du champ de bataille. Prêt à crever mais pourquoi ? Pour qui ? Va bien te faire foutre Noah. Plante son regard dans ceux de son ami (ça sonne amer colère au creux de la gorge, est-ce seulement le cas), la gifle part d'elle-même se loger contre sa joue. Elle l'a vu pourtant, la panique dans ses yeux. Elle s'en veut, un peu. Jamais trop.
— Imbécil.
Sans attendre ni rien dire de plus elle laisse la confusion s'emparer d'eux. Puissante. Féroce. Pas qu'ils l'aient attendu avant de se perdre eux-mêmes mais tout a toujours été plus simple comme ça, pas vrai ? Elle a toujours dominé de cette façon. Les parties perdues d'avance ne le sont jamais pour elle. Lucrecia maîtresse du jeu, écarte Noah d'un geste du bras contre son torse pour s'agenouiller à hauteur d'Ezra. Saisit fortement sa mâchoire de ses doigts aux ongles tranchants.
— Qu'est-ce qui te fait croire que tu es assez bien pour lui, hum ?
Elle vous brise encore. Tous les trois bientôt en éclats.
— Rappelle-toi que tu n'es qu'un chien, Ezra. Rappelle-toi ce qu'on fait aux chiens dangereux.
On les euthanasie, tu te souviens ? Elle ne plaisante pas, enfonce pour preuve ses griffes plus fort dans tes joues. Menace.
— J'ai dis casse toi. Je ne me répèterai pas une troisième fois.
La colère fait danser les flammes qui chatouillent la paume de ta main et crépitent sous les menaces. Tu sais, elle sait, ils savent tous que tu n'iras pas au bout car même si la haine t'aveugle les conséquences seraient désastreuses pour toi comme pour les autres. Surtout pour les autres, à vrai dire. T'es à deux doigts de lui cramer son joli visage de poupée, quand Noah s'interpose entre vous. Tu sais pas si cet acte chevaleresque a pour but de t'apaiser mais ça ne marche qu'à moitié. Le feu s'éteint mais la rage fait toujours ressortir la veine au niveau de la tempe.
— « Retiens ta pote, cette tarée ! »
Mais les émotions deviennent bizarres. Tu sais plus trop où tu te situe ni pourquoi t'as cette envie d'en découdre. Tu papillonnes des cils, un peu perdu puis lèves lentement le visage vers Noah qui semble (t'en sais rien) dans le même état léthargique. Observes le visage de Lucrecia qui s'accroupi devant toi - la douleur de ses ongles dans sa peau t'arrache un geignement étouffé. T'as la gorge sèche d'un seul coup.
Ses paroles ont l'effet d'une bombe. Tu déglutis et baisses les yeux. Les épaules relâchent et tu comprends lentement de quoi il en retourne. Confus mais pas assez pour être zombifié. Tu siffles entre tes dents, butant sur certains mots.
— « Tu... Je... De quoi..? Tu veux.. Quoi ? Ta.. Ta gueule. J'ai rien... dit, non rien à dire. J'AI RIEN A TE DIRE ! »
Parce que ça commence à te taper sur le système. Les menaces qui planent, les ongles, les menaces, et ses putains d'ongle. Noah ne réagit pas et tu piges que oui t'as rien à faire là. Rien à faire parmi eux, ceux qui se croient tout permis parce que les autres les regardent. Sans les autres, ils ne sont rien. Sans toi, ils sont peut-être mieux.
— « Tss... »
Tu te redresses et la repousses brusquement pour la faire chuter en arrière, bouscules Noah au passage pour courir vers la foule, cachant les larmes qui te montent encore aux yeux. Un mélange de frustration, de remords et de tristesse.
Et le coup part, gifle brutale, t'as pas le temps (ni la force dans un sens) de l'en empêcher. Dans le fond, c'est pile ce que t'attendais. Qu'elle te remette à ta place, qu'elle te secoue suffisamment le crâne pour que les idées fassent de nouveau sens, que la logique se fasse implacable. Elle aurait pu en rester là, Lucrecia, et si elle l'avait fait, sans doute que tu en serais resté là aussi. Sans doute que tu aurais pu considérer cette fin comme acceptable, peut-être même que tu l'aurais embrassé pour ça, Lucrecia.
Mais elle est gourmande, Lucrecia, peut-être plus que toi. Elle ne sait pas quand arrêter les dégâts. Dans le fond, vous vous êtes bien trouvés. La trahison au bord des lèvres. Parce que c'est ce qu'elle fait, Lucrecia. Oser retourner ton propre pouvoir contre toi. Oser contaminer Ezra. Et quand tu te sens confus, quand tu sens ce que tu imposes aux autres parfois, tu te dis, Noah, merde. Tu te dis, Noah, que ça y est, elle a franchi un cap, Lucrecia.
T'es impuissant et pas bien sûr de ce qu'il se passe. Quand elle impose ses doigts sur lui, t'es pas sûr de vouloir t'interposer, pas sûr de vouloir le retenir, pas bien sûr de vouloir l'étrangler, la belle Lucrecia. Et il a fallu qu'il la pousse pour que ça te revienne en pleine poire, la colère, la détresse, la peur. Il est déjà loin quand t'esquisses un geste du bras, comme-ci tallais pouvoir le rattraper, mais c'est le vent que tu choppes, Noah. T'es furieux quand tu tournes le regard vers elle. Au sol, misérable, t'as la soudaine envie de l'écraser. Parce que plus que de te trahir, elle t'a blessé.
— T'as osé.
Tu ne fais pas un geste pour l'aider, la toise de haut, comme tu l'as jamais toisée avant.
— Combien d'années qu'on se connaît, Lu ? 5 ? 6 ? Et j'ai jamais utilisé mon pouvoir sur toi. Pourtant, j'aurai dû, visiblement tu te torches avec tout, y compris ma confiance.
Pourtant, tu le sais, qu'elle a des raisons d'être en colère. Mais t'es pas assez bon pour lui accorder la moindre légitimité à te tromper.
— T'avais aucun droit de venir faire ta diva. C'était quoi ça, d'ailleurs ? Une crise de jalousie à deux balles ?
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Dim 25 Juil - 0:37
Verre à la main, main dans la poche. Tu regardes tes chaussures sur le sable. L'envie de les retirer, de plonger tes pieds dans le sable. Tu te souviens que tu aimais ça, gamins, avec Liam, creuser le sable, voir ce qu'il se cache en dessous, en faisant des paris idiots sur ce qu'on pourrait trouver à force de s'enfoncer. Mais tu ne le feras pas, tu sais qu'il te suit de loin, qu'il arrive maintenant. Et le réconfort ne vient qu'après l'effort, alors tu vas laisser de côté tes jeux d'enfants. D'un geste, tu retires tes lunettes, les accroches à ta poche de devant avant de t’asseoir sur le sable et de laisser choir ta casquette à côté. Quand t’entend ses pas, tu ne fais même pas l'effort de lui adresser un regard. Ce que tu ressens, t’arrive pas bien à savoir si c'est de la peur ou de l’excitation.
![[EVENT#01 - Soirée] (end) Nothing's fair in love and war ♝ Ezra Tumblr_inline_po2ysiLtIb1urfihh_540](https://66.media.tumblr.com/eba392c2324217a5daea8cdd0ec9793c/tumblr_inline_po2ysiLtIb1urfihh_540.gif)
T'as du mal à suivre ce qu'il se passe. Noah a un don pour faire semblant. Son étreinte te pétrifie et sa mise en garde sonne à tes oreilles comme une menace - t'électrise tout entier. Tu ne rétorques pas, muselé par la mise en scène mais laisse échapper un grognement sourd dans le fond de ta gorge. T'es soufflé Ezra, par sa capacité à être une toute autre personne en public qu'en privé. L'impression de voir son vrai visage et le privilège te donne le tournis.
![[EVENT#01 - Soirée] (end) Nothing's fair in love and war ♝ Ezra Tumblr_inline_ph2md7hiCH1uyanoc_250](https://64.media.tumblr.com/965be7911a0955ac3ac60e29e6588817/tumblr_inline_ph2md7hiCH1uyanoc_250.gif)
