Une seconde avant les ongles qui s'enfonçaient dans la chair de ses joues, la suivante Lucrecia poussée dans le sable. Ezra rugit, balbutie avant de s'enfuir des paroles auxquelles elle ne répond pas de vive voix. Au lieu de ça claque la langue, agacée. Heureusement que ce sable n'est pas humide et que son costume est sauvé.

— T'as osé.
— Quoi.

Lève les yeux vers toi alors. Noah debout, Noah si grand si beau, piétiné, Noah. Elle le lit dans tes yeux, ça fait mal pas vrai ? Ne t'attend pas pour se redresser rapidement, te faire face ensuite. Vos iris encrés les uns dans les autres, il n'y a plus un sourire à vos lèvres, plus aucune affinité soudain. Comme de parfaits étrangers, tu l'assassines et pourtant elle ne bronche pas. Elle t'écoute, n'a rien à dire, rien à nier.

Elle a osé, oui.
Et alors ?

Tu ne la croirais pas si elle te disait la vérité. La vraie vérité (celle qui dit qu'elle ne l'a jamais voulu) -qu'elle ne se contrôle pas tout à fait; une honte. Y comprit ta confiance, donc. C'est qu'elle doit avoir besoin de se torcher souvent dans ce cas, mais tu ne remarques pas, pas vrai ?

— Fais attention à ce que tu dis, Noah.

L'index qui te pointe du doigt, se pose contre ton torse pour que tu comprennes bien que c'est à toi qu'elle parle, Noah. Pas à l'imbécile heureux que tu es devenu à cause de ton frère mais à ce Noah détruit qui s'est servi d'elle pendant des années pour tenter de se réparer. Ce Noah qui vient de la trahir lâchement aujourd'hui lui aussi, et pour quoi ? Pourquoi Noah.

— C'était à cause de lui l'autre fois, pas vrai ?

Les bleus, les bières, les douleurs.

— Tu te rends compte que tu te fous en l'air plus que tu ne l'es déjà por una pequeña mierda joder !

S'écarte de toi pour lever les mains, la colère la rendant bien plus expressive.

— Et après quoi, tu reviendras me sauter pour aller mieux ?

Oui, parce que ça toujours été comme ça.
Parce que ce sera toujours comme ça.
Tu sais qu'elle ne refusera pas.

— Et alors ? Qu'est-ce que ça peut te foutre ?
— Ce que ça peut me foutre ?

Est-ce que tu fais exprès de ne pas comprendre, Noah ? Est-ce que tu fais exprès de l'enrager, elle qui sait être si calme dans sa colère d'ordinaire. Elle a besoin de savoir, de croire que ce n'est pas vrai, que tu n'es pas conscient de tout ça. Que ce regard que tu lui lances, que celui qu'elle te lance en retour quand les mots portent si forts, ce n'est pas conscient.

Besoin de savoir que tout n'est pas encore détruit -qu'elle a encore ton ancre où s'accrocher quand même Arsene semble l'avoir abandonnée. Ne la laisse pas, Noah. Arrête.

— Jusque-là, ça ne t'a jamais posé problème.
— T'es vraiment trop con.

Arrête.

Bien sûr Noah, bien sûr que ça a posé problème. En réponse pousse de ses deux mains contre ton torse -elle essaie de cacher à tes yeux les rayures que tu crées si facilement en elle à l'instant. T'as l'air d'y prendre tellement de plaisir Noah, et elle a l'impression de crever, de manquer d'air. Sûrement à cause de son coeur qui bat trop fort et de ses tympans qui semblent sur le point d'exploser.

— Mais puisque ça te dérange tant, t'en fais pas, je ne viendrai plus.

Putain.

Elle veut te sauter à la gorge mais à la place se mord la lèvres si fort. Te pousse encore après la révérence et si tu étais tombé elle t'aurait piétiné de rage.

— Forcément que tu ne viendras plus, tu t'es trouvé une meilleure poupée gonflable ! Mierda Noah.

Tu sais Noah, avant toi elle n'aurait jamais cru être capable de ressentir tout ça. La douleur, la tristesse, la colère, la jalousie, la peur. Elle est terrifiée Lucrecia. Ne pars pas. Mais tu continues et elle te pousse encore.

Vous avez reculé un peu, vos traces désordonnées dans le sable en témoin de vos éclats qui se brisent. Tu te demandes et tes mots la figent. Instant fugace de presque calme avant que ses doigts ne cèdent de nouveau violemment à la tentation de ta joue. Le son est sec et dans le mouvement sa main a accompagnée, griffant ta peau pour y laisser de longues traînées rosées.

Un silence encore.
Le temps du choc.

Et elle te regarde Lu, avec colère et désespoir, les mots coincés dans le fond de la gorge elle te regarde, toi visage baissé et elle si sévère. Sévèrement meurtrie, tu sais. Tu l'as dégommée. Sa main en preuve qui vient attraper fortement ta mâchoire pour relever ton visage vers elle. Regarde la. Regarde la Noah et vois ce que tu as fait. Ne me laisse pas. Une autre gifle soudain, de cette autre main qui ne te tenait pas. Tu auras probablement des entailles des deux côtés, elle n'y est pas allé de main morte.

— Je te déteste.

((oui))
Non.

— Je te déteste tellement.

Tout bas, la voix brisée par la colère et ce qui ressemble à des sanglots qu'elle retient. Je t'aime. Elle ne peut pas pleurer maintenant, ni jamais d'ailleurs. Pas ici, nulle part même pas dans son coeur. Ceux au sommet n'ont pas ce droit. Alors, finalement un murmure qui s'échappe. Tout bas tandis que ses doigts agrippent le col de ton uniforme.

— T'avais pas le droit putain !

T'avais pas le droit de t'attaquer à ça.
Sa seule faiblesse sûrement -la plus grosse.

Ses doigts qui s'accrochent à ta nuque pour rapprocher ton visage du sien. Colle brusquement vos fronts l'un à l'autre, encre son regard dans le sien. Vois comme tu la brises Noah, comme elle est en colère. Vois comme elle rugit Lucrecia. L'intonation longue et froide.

— Tu n'es qu'une sombre merde.
Ne m'abandonne pas.

Se détache une dernière fois pour te pousser plus fort avant de définitivement s'éloigner. Elle te déteste, Noah. ((au moins autant qu'elle t'aime))

— Elle te blesse la vérité, Lu ?

Le pas qui s'arrête dans le sable, elle n'a pas eu le temps d'aller bien loin que tu continues de l'enfoncer. Sa chose, c'est vraiment ce que tu crois ? Tu crois vraiment qu'après toutes ces années elle serait laissé aller à tes côtés, à sourire et à te réconforter si tu n'étais que ça ? Sa chose. C'est horrible, t'es horrible Noah. Et parce qu'elle n'a pas la force de répondre elle serre les poings, sa mâchoire. Dos à toi jusqu'à ce que tu attrapes son poignet pour la retourner. Elle tente de se dégager mais t'es beaucoup plus fort qu'elle alors la prise ne cède pas.

Si c'était faux...
Bien sûr que c'est faux.

Bien sûr qu'elle blesse, ta vérité. Parce qu'elle est sale, si laide. Elle est à gerber ta vérité Noah, un peu comme vous. Alors Lucrecia te regarde encore encore encore, la peine dans les iris mélangée à toute cette rage parce que tu continues. Elle n'a pas vraiment le temps de parler alors elle écoute, encaisse. Plus tu parles plus elle est en colère. Elle ne te croit pas, ça n'a jamais été possible ce que tu dis. Si tu vas vers Ezra c'est forcément que tu la délaisses. Détoure le regard, se mord une nouvelle fois la lèvre. À force de mordiller ça s'est ouvert un peu.

Ezra ce n'est pas quelqu'un de bien, c'est qu'un moins que rien.
Elle le déteste ce putain de voleur. ((si elle savait))

Profite de ta prise qui se desserre pour retirer brutalement son bras, et venir masser de son autre main son poignet dans l'idée de se canaliser. Ne pas se ronger les ongles ni se montrer plus faible qu'elle ne l'est malgré la sévérité avec laquelle elle te toise de nouveau lorsque lui demandes d'accepter. Est-ce vraiment aussi simple que ça, Noah ? Non.

Désolé.

— ¡Guárdate tus putas disculpas, Noah! Je ne veux pas les entendre.

Ça ne change rien au fait que tu l'abandonnes, et elle refuse que ce soit le cas, Lucrecia. Parce qu'il y a eu son frère avant toi, il y a eu Arsene pour des raisons qu'elles ne comprend toujours pas alors si tu te détournes d'elle Noah, il lui reste qui ?

Accepte-le ou va voir ailleurs, avais-tu dis.
Bien, elle ira ailleurs donc, puisqu'elle refuse de l'accepter.

— Tu sais quoi ? un ricanement amer qui s'échappe de sa gorge. Barre-toi avec lui si ça te chante, vas-y ! Mais tu ne diras pas que t'étais pas prévenu s'il finit par te bousiller. Parce qu'il le va le faire Noah, ce mec là va te crever.

Elle ne le pardonnera jamais.

— Ça me débecte que tu sois aussi aveugle.

Que tu la blesses elle pour lui.
Alors ses dernières paroles crachées, elle tourne une nouvelle fois les talons.

— Je vais retrouver Arsene.

Lui aussi il a le don de se barrer aux pires moments.

Si par malheur elle croise cet incapable d'Ezra en chemin, elle l'éclate.