Ça fait une semaine que t'es arrivé sur l'ile et t'arrives pas à t'acclimater à l'environnement. Les gens sont fades, l'environment nocif. Tu dois porter un uniforme, t'es mélangé aux autres. Tes parents t'ont dit t'en profiter pour te reconnecter un peu avec la population mais c'est de la merde tout ça. T'es né de droits divins - et maintenant t'es jeté au milieu des déchets de la société à cause d'une vulgaire bague ?!

Dans les vestiaires des garçons, tu restes bien à l'écart. C'est volontaire que tu sois isolé et ça t'arrange qu'on ose pas venir te parler. Regards en biais, tu joues nerveusement avec la chevalière à ton pouce et enfiles un ensemble Louis Vuitton. Pour toi c'est normal parce que c'est ce que tu mettais avant, quand tu faisais ton sport (c'est à dire pratiquement jamais).

Un individu suspect se croit tout permis. Tu le toises à peine une seconde avant de te retourner pour l'ignorer royalement. Tu grimaces, t'aimes pas le ton qu'il emploie. T'as un mouvement de recul. Pas du tout envie sourire.

T'écoute ce qu'il te dit, te sens un peu ridicule d'un coup. Ça t'agace, tu as bien un passe droit toi non ? Tu vas pas enfiler la même chose qu'eux ? Putain.
La tape dans le dos t'arrache un sursaut, tu te retournes immédiatement pour le fusiller du regard.
Enfin tu daignes lui faire entendre ta voix.

— « On n'appelle pas un membre de la famille Princière Sa Majesté. Uniquement les rois et reines souverains. Votre Altesse, ça suffit. »

Tu restes planté là, c'est pas à toi de reculer.

— « Va là-bas, ne m'adresse pas la parole surtout si c'est pour dire des inepties pareilles. »

Grognes, dans ta barbe.

— « Sale plouc. »

Il semblerait que tu sois tombé sur le pire des singes. Ça te démange rien qu'à penser qu'il t'a touché. Ah et en plus il écoute à moitié ce que tu dis. Tu fais claquer ta langue sur ton palais, agacé par le ton condescendant qu'il prend avec toi. Il se moque ou bien t'es en train de rêver ?
Il a de la chance que tu sois encore désorienté par la nouveauté et l'arrivée sur l'île, sinon tu lui aurais fait payer à ta manière - comme le font les princes (pas du tout charmant).

Tu ignores ses provocations, surveilles du coin de l'œil ses potes qui essaient de le ramener à la raison. AH ! Parce qu'il essaie de te bully là ? Y'a vraiment des mecs décidés à te sauver la mise ? Tu fronces les sourcils, remonté contre l'administration - haineux à l'idée d'être là mélangés à des gens comme eux.

— « Tu devrais écouter tes amis et arrêter de me chercher. »

Tu avances d'un pas vers lui (aussi) et lui souffles, alors que vos visages se rejoignent, que son haleine parfum nicotine s'échoue sur traits. Tu grondes un avertissement pour lui seul n'entende.

— « Je sais pas d'où tu viens, de la cambrousse sûrement. Mais laisse-moi t'apprendre comment on s'adresse à quelqu'un de supérieur. »

Tu le repousses avec tes mains et ramasses ton sac, ordonnes d'un regard à celui qui tente de l'entrainer avec lui de tirer plus fort car sinon ça va mal se passer.

— « Hors de ma vue. »

T'es pas prêt pour ce qu'il va se passer ensuite Cecil - et t'as pas encore réfléchi à l'idée de te faire des amis. Le professeur de sport passe une tête dans les vestiaires pour vous demander de vous bouger le cul ce qui te fait arquer un sourcil, t'es surpris.
Tentes de passer la porte en dernier quand on t'arrête.

— C'est quoi cette tenue ? C'est pas celle réglementaire.

Il te reconnait, tu te figes. N'a pas le temps de rétorquer.

— T'as de la chance pour cette fois parce qu'on est à la bourre mais la prochaine tu enfiles l'uniforme qu'on t'a fourni. Pas de différence ici, c'est tout le monde à la même enseigne.

Tu comprends pas, tu ne réagis même pas. Sous les rires des derniers retardataires tu passes la porte avec les autres, bousculé au passage alors que le reste court pour rejoindre le terrain.

Il aime l'idée que ça puisse mal finir - dommage pour lui parce qu'il a pas encore compris que c'est toi qui gagne toujours à la fin. Pas les misérables insectes qui s'agitent sous ta chaussure, s'il croit faire son petit effet en te provoquant, en cherchant la bagarre il se trompe. Tu restes de marbre face à son attitude désobligeante et c'est avec dépit que tu encaisses les remarques du soi-disant professeur. T'espères qu'il aura pas les couilles d'être réellement discriminant à ton égard.

Vous êtes en ligne, des groupes se forment et tu restes impassible face aux autres membres de ton équipe. Face à tous, sauf un. Tu soupires, portant une main à ton front d'un geste précieux. Déjà fatigué de devoir conjuguer avec lui mais soit, ce n'est pas toi qui fera la première erreur.

Sa voix qui roule pour prononcer ton prénom, ça t'arrache une grimace disgracieuse, suivie d'un petit sourire satisfait. Hm.

— « Ren, c'est ça ? »

Comme si t'en avais quelque chose à foutre.
Tu te places en position, prêt à réceptionner la balle. Mais t'es pas vraiment bien placé, t'y connais rien en volley. C'est pas ton truc le sport.

Le fameux Ren lance la balle et comme si t'en avais peur, tu bifurques sur le côté - te la prend en plein dans la main. Le choc retourne tes doigts dans un craquement douloureux. Tu chutes genoux au sol, pour te tenir le poignet alors que tu agites ta blessure pour diffuser la douleur.
Un sketch ingénieux alors que tu te roules presque au sol.

Des élèves viennent s'agglutiner autour de toi, t'aident à te redresser, te plaignent. Ah ! Tu crèves de cette attention. Le professeur intervient.

— Qu'est-ce qu'il se passe de ce côté ? Tout va bien de ton côté Monaco ?

Tu siffles pour toi-même.

— « C'est De Monaco. »

Avant de te redresser, toujours à genoux.

— « Cet individu a mal visé ! De manière volontaire, il a voulu me porter atteinte et m'intimider, et dans le vestiaire il m'a menacé. »

Le professeur regarde Darren, après t'avoir dévisagé quelques secondes.

— Craig. Sur le banc jusqu'à la fin de l'entraînement.

Tu étires un sourire victorieux, feins de supporter la douleur face à tes camarades prévenants. Alors que le fameux Craig va s'asseoir, tu te tournes vers lui et lèves un doigt d'honneur, usant de ton doigt soit disant bousillé - la couleur bleu de l'hématome retrouvant sa belle couleur pêche en quelques secondes.

Petite Fiotte. Les insultes fusent rapidement alors que quelques secondes avant il se confondait en excuses, l'air sincèrement penaud et désolé. C'est ce visage que tu veux revoir constamment, celui du gentil chien chien obéissant et soumis. T'as vraiment pas la patience de créer une guerre avec lui, quand bien même ça te divertirait beaucoup car tu n'en peux déjà plus, de cet internat de malheur. T'as hâte de rentrer à la maison et de retrouver tes privilèges, sans avoir l'impression d'être un monstre dans cette micro société.

Tu es satisfait de voir que le professeur prend ton parti. En même temps, avec autant de témoins et acculé par ta blessure il n'aurait pas pu faire autrement.
Blessure qui se guérit d'ailleurs assez vite, tu sens sous ton derme les os se replacer correctement, le sang qui circule normalement.

Tu ricanes à le voir puni, mauvais. La partie commence et on te place du coup en défenseur, car au vu de ta blessure il vaut mieux pas que tu tapes trop fort dans la balle. Si tu l'ignores royalement la plupart du jeu, il t'arrive parfois de lui jeter des petits regards arrogants, passant une main dans tes cheveux blonds pour les coller en arrière. La balle fond sur toi et tu joins tes mains pour la renvoyer de toutes tes forces. Ça arrache des sifflements admiratifs aux camarades de ton équipe - c'était pas extraordinaire mais quand même impressionnant pour un débutant.

La partie terminée, t'as réussi à sympathiser avec la plupart. Pars de ton côté pour rejoindre les vestiaires, ignorant Ren qui peut enfin se lever de son banc pour aller se changer, sans avoir pu participer. Tu prends ton sac et changes d'ailleurs de place pour ne pas avoir à être vers lui.

— « Bravo à tous. Je prends mes marques difficilement mais merci pour votre accueil. »

On te demande si tu as encore mal.

— « Non, ça va aller. Ne vous inquiétez pas. Il en faudrait plus de la part de Craig pour me faire réellement mal. »

C'est pas ce que disaient tes couinements surjoués tout à l'heure. Mais tu ne pourras pas cacher ton pouvoir très longtemps.

— « Ça s'est déjà ressoudé. »

Les potes de Ren sont restés autour de lui, à te dévisager bizarrement - sûrement en soutien à leur camarade. C'est pas grave, le reste te protège (pour l'instant).
A ce moment là, un des mecs sort son téléphone pour te montrer une capture d’écran, te demande si c’est toi dans la série.

— « Haha, oui. »

Faux sourire gêné. Tu ne veux pas que cette admiration disparaisse.

Tu ris avec les autres, le surveilles du regard discrètement alors que tu l'entends commenter tout ce que tu dis. A croire que ça le rend malade de te voir aussi bien intégré, tout à coup ? Tu te méfies tout de même du loup qui dort parce qu'avec ce genre d'individu suspicieux on peut s'attendre à tout. Tu ourles un rictus complaisant quand un des garçons s'émerveille sur ce pauvre screen. Tu sais pas si tu trouves ça adorable ou navrant - dans tous les cas t'es pédant.

Avant qu'il ne parte, tu rétorques quand même. T'as peur de rien, t'as jamais eu peur de rien. Sauf de te retrouver déchu de tout... peut-être. De perdre ta crédibilité, celle que tu uses et abuses pour justifier ton comportement.

— « Peut-être que la prochaine fois tu apprendras à mieux viser. »

Il sort accompagné de son troupeau et tu perds ton sourire, abandonnes le tien quand les autres décalent pour rejoindre le bâtiment scolaire. Tu es attiré par une odeur de cigarette, t'es certain que c'est lui. Tu fais quelques pas pour le trouver, fais le tour du gymnase pour enfin tomber sur Ren, prêt de la grille qui borde le stade.

Mains derrière le dos, tu le dévisages de ton joli minois innocent, avant de finalement t'arrêter à une distance raisonnable.

— « Je ne sais pas pourquoi tu utilises à outrance l'adjectif "royal". Ma famille est une lignée princière, souveraine d'une principauté. C'est donc ... ton princier plaisir. »

Tu ricanes et t'approches de lui. Sans avoir peur tu saisis de tes doigts fins la cigarette coincée dans sa bouche pour la porter à tes lèvres.
Tires dessus en relevant le menton, hautain. Et lui souffles la fumée au visage.

— « C'est qui que tu traites de petite fiotte ? »

Tu constates, en effet, que pas grand chose ne lui parle à lui. Serais-tu tombé (et t'en surprendrais-tu ?) sur un ignare de la cambrousse ? Qu'apprennent-ils dans cette école de malheur, si ce n'est le monde qui les attend dehors ?
Tu comprends à cette réflexion que peut-etre c'est bien parce que vous ne ressortirez jamais d'ici pour la plupart qu'ils ne prennent même plus la peine de vous enseigner les choses banales de l'extérieur. Tu restes planté là, à le jauger, et dis finalement :

— « Y'a t-il seulement des choses qui te parlent ? Ou ton cerveau est aussi creux que le reste ? »

Tu tiques à l'appellation de prince, mais tu ne le contestes pas. Tu le méprises et ne t'en caches absolument pas.

— « Tu apprends vite, Ren. »

Il y a de la satisfaction qui se gorge en toi quand il témoigne de son intérêt. Si tu n'assumes pas chercher sa reconnaissance, tu as faim de la valeur qu'il pourrait t'apposer. Cigarette entre tes lèvres, tu tires et la sent se consumer à ton souffle - qu'il aspire d'une inspiration.
Souffles à son tour et ses doigts viennent te toucher. Tu ne sais pas s'il est dangereux ou audacieux. Sans doute très con.

— « Si nous étions encore à Monaco, mes gardes du corps t'auraient tabassé et fait mettre en garde à vue. »

Mais tu le laisses faire, justement car personne avant n'aurait osé.
Sous peine d'être arrêté par la sécurité.

Ici, il n'y en a aucune. Tu es comme nu dans une immense piscine, ouverte au public. Il n'y a plus rien de mystifié sur tes épaules et tu le déplores.

— « Ne me touche pas. C'est ton dernier avertissement. Je ne veux pas me battre avec toi. »

Papillonnes des cils.

— « Tes mains sales et rustres, somme toute ordinaires. Il n'est pas question de chance mais de droit. Et tu n'en as aucun face au divin. »

Lui arraches la cigarette et cette fois tu t'éloignes avec ton butin pour la tirer rapidement, de sorte à la consumer plus vite, ainsi la terminer. Tu écrases le mégot au sol.

— « Oui, bon acteur. Tu m'as vu sur Netflix comme les autres ? »

Tu restes un peu bête, même hébété face à sa tirade. Fronces les sourcils, agréablement surpris par sa capacité de réflexion et une telle philosophie. Sourire qui s'étire alors que tu te pinces les lèvres, l'air de maugréer un ahen pas convaincu.
La suite te plaît beaucoup moins. Tu enrages de cette situation, mais tu refuses de lui donner raison - de lui montrer que ce changement t'affecte un tant soit peu.
Tu tombes un peu de haut, aussi haut qu'un ange qui tombe du ciel - s'échoue sur les marées hautes de cet océan tempétueux. Tu te noies, dans le fond de ses yeux.

— « De quoi parles-tu ? Mes parents me feront sortir tôt ou tard. Ce n'est qu'une question de temps. »

Tu tapes du pied, nerveux.

— « Je ne suis pas comme tout le monde. On a besoin de moi dehors. Plus qu'ici. »

Tu maudis cette chevalière de malheur, que tu tripotes avec ton autre pouce. Joues avec et en dessines les contours de la gravure. Tes yeux se posent sur l'emblème de la maison Grimaldi et ça t'arrache un pincement au cœur.

— « Ce n'est pas comme toi. Toi tu pourrais disparaître, personne ne viendrait te pleurer. Tu serais même remplacé par un autre abruti beaucoup trop vite. »

Tu n'as pas conscience de la gravité de tes mots Cecil, tu penses juste exprimer une vérité générale, dont il aurait lui-même conscience.
Tu grimaces quand il se moque de toi, insiste pour se battre, t'appelle bébé. Tu ignores ses railleries et ses tentatives d'humiliation, tu sais ce que tu vaux. Mais l'œillade brille avec malveillance et ton esprit malade s'engouffre dans la faille.

— « Mon jeu de victime tu dis ? Je n'y peux rien, c'est toi qui m'a cassé les doigts en premier. Qui est venu m'intimider dans les vestiaires. Tu récoltes ce que tu sèmes, mon cher. »

Tu fais un pas vers lui, relèves le visage pour le toiser et agites tes doigts sous son nez.

— « Je préfères t'avertir, que je fais partie de ces gens qui gagnent toujours. »