Tu aimes l'ordre, le silence, la contemplation. C'est pourquoi t'es assis dans le lit, l'oreiller contre la tête et le dos bien calé pour lire un livre. Si on y faisait attention, on lirait le titre "anatomie clinique". La porte s'ouvre et tu lèves seulement les yeux des pages sur les terminaisons nerveuses. Tu arques un sourcil à cette odeur pestilentielle, fronces les sourcils à la vue du sang. Ça ne te fait ni chaud ni froid Cecil, pas peur du tout. C'est même triste à dire alors tu te contentes de le penser : il est bien plus beau comme ça.

— « Salut, Ren. »

Il semble désaxé, désorienté et cherches partout même dans tes affaires. Tu ne veux pas qu'il trouve ce que tu as caché dans le tiroir de ta table de nuit. Même s'il fouillait délibérément, tu restes certain qu'il n'aurait pas l'audace de chercher un double fond. C'est pourtant là que tu y caché des pétards et un couteau volé au réfectoire. Des trésors qui n'appartiennent qu'au véritable le toi, le Diable sous la peau du Prince.

— « Hm.. Qu'est-ce que tu as fait pour te mettre dans cet état ? Des conneries encore ? »

Tu es agacé, et ne lui caches pas.

— « Je t'avais dit que je ne voulais pas être emmerdé par tes délires ! »

Tu grognes et glisses le livre sous ta couette, la tires légèrement pour te sortir du lit. T'es en caleçon et t-shirt, t'accroupi pour récupérer une trousse rangée dans le placard de ta table de nuit. Tu sors des pansements et lui tends.

— « Voilà. Mais si tu veux mon avis ça ne suffira pas. Ça ne couvrira pas les hématomes et ça ne te dessoûlera pas plus vite. De plus, certaines plaies peuvent s'infecter, il faut donc y passer de l'alcool. »

Tu ne comprends pas Cecil.

— « Comment le personnel de l'école a pu te laisser rentrer dans les dortoirs sans contrôler ton état ? Et pourquoi tu ne vas pas à l'infirmerie ? »

Une idée te vient, et tu te montres d'un coup plus coopératif. Effleures son torse du bout des doigts.

— « Et si je te soignais moi ? Qu'en penses-tu ? »

Tu le fais serpenter, non sans ressentir un peu de dégout. Les relents de son haleine fétide.

— « Je ne fais peut-être pas de bisous mais tu ne risques pas d'être déçu pour autant. »

Des combats ? De quoi parle t-il ? Tes yeux s'illuminent et à bien y réfléchir, l'intérêt creuse ta curiosité. Tu as toujours été fasciné par les choses usées, autant que tu te sens parfois étouffé par l'ordre, qui te rappelle un peu trop que tu as été soumis pendant des années au devoir et à la dignité. On t'a sans cesse culpabiliser de vouloir être toi et ce toi s'est depuis toujours pris de passion pour l'humain sous toutes ses facettes, ses coutures charnelles et nerveuses.

— « Des combats dis-tu ? Illégaux, je suppose. Tu peux m'en dire plus ? »

Tu lui tournes le dos, dans les doigts un stylo gribouillant sur un morceau de papier qui traine sur ta table de nuit.

— « Où cela se trouve t-il ? Pourquoi je n'en ai pas entendu parler jusqu'alors ? »

Est-ce que c'est sélectif ? Comme un club privé réservé à un certain groupes d'élèves ? Tu te doutes que les sportifs sont surement prioritaires, mais si c'est sur l'ile, ça doit échapper à la juridiction de l'école. Ou bien ils sont au courant mais les laisses faire. Tu ne sais pas quoi en penser. Tu te tournes finalement vers Darren, bombes le torse et inspires solennellement.

— « Il n'y a rien de con dans le fait de vouloir préserver son éducation, quand bien même ... et bien, quand bien même ça reste de la mécanique. »

Tu ourles un sourire compatissant.

— « On a besoin de tout pour faire un monde, et j'ai conscience... j'ai conscience qu'à notre époque le peuple a plus besoin d'un bon mécano qu'un prince déchu. »

Tu baisses les yeux. C'est la première fois que tu laisses entr'apercevoir une lueur de faiblesse. Tu ne cherches pas à avoir sa pitié (oh non jamais) et son empathie ne sera pas la bienvenue... Cependant il te paraissait honnête de l'être.

Tu lèves la tête, l'observes manger son bonbon et acceptes poliment le sien, arquant un sourcil quand il se rétracte au dernier moment. Oh. Aurait-il donc appris ? Intéressant. Tu échappes un petit rire, détends les muscles de ton visage. Tu as bien plus l'air adolescent d'un seul coup - presque normal et sans faux semblants.

— « Je ne répondrai pas à cette question, installe toi. »

Tu le forces à s'allonger.

— « Tu vas m'attendre bien sagement ici. Je n'ai pas tout le matériel nécessaire ici. »

Tu enfiles un short (un peu moulant même si c'est un détail peu important) et attrapes un trousseau de trois petites clés rangés dans le tiroir, et sort de la chambre sans la claquer.

***

Tu reviens vingt minutes plus tard. Il a un peu bougé, n'est plus totalement dans la position dans laquelle tu l'avais laissé. Tu as dans ta main un sac plastique avec divers produits. Sans explication tu les poses au pied de son lit.

— « Tiens toi tranquille. »

Bien moins sympathique qu'avant de partir, tu te montres autoritaire.

— « Je vais m'improviser aide soignant alors pas de faux mouvement. »

Etires un sourire presque menaçant.

— « Ça serait dommage que je me rate. »

Sur le papier chiffon est griffonné Le Baron Samedi. Tu iras voir de toi-même, tu refuses qu'il t'y emmène. Feignant de pas t'intéresser à ce bar plus que ça, tu agites la main d'un air détaché. Fermant les yeux pour appuyer d'un ton désolé.

— « Non, ça ira merci. Pas besoin d'en voir plus. »

C'est tout le contraire. Si un prince ne s'intéresse pas aux animaux brisés, aux objets cassés, Darren apprendra à ses dépends que c'est précisément ce qui te passionne, toi. Ce qui t'a valu de nombreux problèmes et remontrances du temps où tu étais élevé à Monaco.

Tu écoutes ses (sages) paroles. Tu mentirais si tu affirmais qu'elles ne t'ont pas touché, mais pourtant tu restes de marbre. Fixes la lame de chevet qui grésille, réfléchis à cet élan d'espoir qu'il t'offre dans son absence de lucidité et réponds finalement d'une voix monocorde.

— « Oui... Sans doute. »

Cette ile est un cauchemar, une rédemption qui te permettra de rentrer à la maison avec honneur tu l'espères. Si tu n'es pas pressé d'embrasser les responsabilités, l'opulence et les privilèges te manquent. Tu t'es persuadé qu'ils attendent ton retour comme la solution à tout leurs problèmes.

***

De retour dans la chambre, tu te penches au dessus de lui, les genoux irrités d'être ainsi déposés sur le sol - comme une personne ordinaire, comme le peuple usé par sa tâche. Le parallèle est flagrant, et c'est dommage que tu ne puisses le partager avec cet esprit aussi étroit.

— « C'est exact. Je n'ai rien volé, seulement emprunté. Je leur rendrai aussi discrètement que je leur ai pris. »

Tu le défies d'un regard arqué de te dénoncer puis te hisses après avoir sorti des cotons et de l'alcool à quatre vingt-dix degrés.

— « Je vais nettoyer les endroits irrités. Ça risque de piquer un peu. Ensuite, je ne sais pas comment tu t'y es pris pour t'ouvrir à cet endroit là. »

Tu désignes la cuisse.

— « Mais la peau s'est arraché, ainsi je vais devoir la recoudre. »

Tu sembles beaucoup apprécié cette idée, car rien qu'à sa mention ton visage s'illumine d'une perversion sans précédent. Tu joues avec ton artefact du bout de l'index, puis secoues légèrement la tête, agitant ta chevelure blonde.

— « Hm. Ne t'inquiète pas, je suis réputé pour mes doigts fins. »

Encore une fois, tu laisses sous-entendre ce qu'il souhaite à son esprit créatif. D'abord, l'alcool. Tu humidifies le coton et passes sur les différentes plaies pour les nettoyer. Tu le sens se crisper légèrement sous certaines, y prend un certain plaisir à peine dissimulé.

— « Doucement, comme ça. »

Jettes les cotons au sol, tu sors le fil de suture du sac, que tu découpes et passes dans l'aiguille avec minutie.

— « Quand j'étais petit je me le faisais moi même, au grand dam de la famille. "Un prince ne doit pas s'abimer ni se souiller ! Son corps appartient à Dieu !" qu'ils répétaient presque en hurlant. Si tu veux tout savoir, je ne suis même pas sur que Dieu nous reconnaisse tous, et cette histoire de magie n'a rien d'un miracle. C'est une punition. »

Lentement, tu enfonces la pointe dans sa peau, la ressort afin de constituer des points de suture parfaitement symétriques. Tu ne trembles pas, concentré dans ta tâche.

— « Il y a peut-être un risque que ça s'infecte si je m'y suis mal pris. Je ne suis pas un professionnel. »

Une fois refermée, tu claques violemment sa cuisse pour le sortir de sa décrépitude. Te lèves alors que l'aiguille glisse sur les draps. Tu grimpes sur lui, pour plaquer ses épaules afin de l'enfoncer un peu plus dans le matelas.

— « Je t'ai sous-estimé Craig et j'aimerai que tu pardonnes mon attitude froide à ton égard ces dernières années, ou lors de notre première rencontre. Tu es bien plus fascinant que je ne le pensais. Comme quoi, même les porcs, s'ils sont bien dressés, peuvent se révéler lucratifs. »

La valeur c'est celle de l'argent.

— « Tu seras mon champion ! »

C'est la débauche oui la débauche. Tu esquisses un sourire amer et ne répond pas quand il te pose des questions. Tu veux pas parler du passé, et encore moins de ton enfance. Pas maintenant pas tout de suite, peut-être qu'un jour ça viendra mais c'est pas le moment.
Eclates de rire quand il se plie en deux, frottes sa cuisse du bout des doigts comme si elle allait se briser à un nouveau contact. Tu arques un sourcil et passes ta langue sur ta lèvre, rétorques en ricanant.

— « Pour voir si tu sens encore quelque chose ! Sinon ça aurait été grave... On aurait du l'amputer... tu aurais perdu ta jambe et... »

Une fois sur lui, tu le surplombes d'un regard aussi fou que passionné. Dans l'expression de ton visage, dans la ligne de tes traits, se dessinent les travers, se glissent les vices. Tu es exalté par cette idée, farouche et curieux de ce que ça pourrait te rapporter à toi - si des paris sont posés sur les combats. Peut-être un peu de divertissement à côté de l'école.

— « Comment ? »

Tu penches la tête;

— « Ah. Oui. »

Tu chopes son visage entre tes doigts et avances ta tête.

— « Suggestif pour toi seulement parce que tu as les idées mal placées. Ne crois pas que j'ai utilisé le qualificatif de porc au hasard. »

Tu me fascines qu'il dit et ça te déstabilise. Tu ne sais pas comment réagir, détournes lentement le regard en fronçant les sourcils. Baragouines des mots incompréhensibles comme si c'était un problème puis appuies davantage de tes mains sur ses épaules pour le bloquer.

— « Silence. »

Le toises.

— « Ou la prochaine fois c'est ta bouche que je recoue. »

Oh pourtant tu aurais bien des milliers de mots à lui énoncer, à lui écorcher. Sûrement que des insultes sophistiquées et méprisantes glissées comme des piques entre les lèvres retroussées. Le silence est davantage méprisant, plus angoissant, car l'autre se tente à deviner ce que tu caches dans ton esprit - ce que tu penses de tout mais surtout de lui.

— « Être un porc n'a rien à voir avec le fait de se laver ou non. Les cochons sont des animaux très propres quand ils ne se roulent pas dans la boue. »

Tu étires un sourire carnassier. Vraiment... les animaux de la ferme sont meilleurs dans l'assiette que dans ton jardin et c'est pas toi qui irait faire un stage de découverte dans leur habitat naturel, mais c'est quand même drôle d'établir une comparaison.

Il est vrai que sous ses hématomes et son sang séché, Darren a la belle gueule du playboy, soumis à ses vices, dénué de volonté (ou plutôt à son service serait plus exact). Tu ne sais pas encore ce que tu penses de lui. Il s'est adouci depuis le début et s'est montré bien plus enclin à la communication - bien qu'il reste rustre et limité.

— « Rien d'import- »

Genoux atteint, torse qui se plie et épouse le sien. Ses doigts à ton short et tu perds l'équilibre. Ta tête se niche sur son épaule et tes bras finissent par s'affaisser contre la couette car le dos n'a pas assez de force pour se redresser totalement.

Tu ne réponds d'abord rien, comme sonné et choqué par ce contact rapproché volé. Tu te sens offensé par les courbes de son corps, te contrôles pour ne pas que les tiennes se fassent plus insistantes, qu'elles ne trahissent pas de fausses intentions à son égard. Déglutis face au silence, cette fois c'est toi qui est acculé.

— « Rien. »

Ordonnes, la voix plus sèche.

— « Lâche-Moi. »

Et rien d'autre, Ren.
Tu reprends appui sur tes mains et tentes de te redresser, de te dégager de cette situation embarrassante. On toque à la porte et dans la surprise, tu roules sur le côté. Tombes sur le sol et caches tout les produits de l'infirmerie sur le lit, toujours dans le sac plastique. Tu te lèves et va ouvrir. Une tête féminine passe la tête, se sent gênée de te voir - comme si ta présence lui avait insufflé une vague de stress. Elle dit vouloir voir si Darren va bien, sans doute qu'elle était présente au combat vu sa dégaine. Son attitude trahit des sentiments forts à son égard, quand celle de Darren te renvoie à des sentiments inexistants.

— « Oui, et bien rentre. Cependant je suis fatigué, alors que cela ne s'éternise pas. »

Elle est presque trop gênée pour oser pénétrer la chambre. Se précipite à son chevet et touche son front pour voir s'il va bien. Tu as été incroyable Ren ! qu'elle s'exclame en retenant son souffle. Tu passes derrière elle pour le regarder, le toises sans le quitter des yeux. Ils brillent de jalousie et de mépris : quel malheur de ne pas être le centre de l'attention.

Tu l'observes gérer la fille que tu as laissé rentrer, repensant à votre échange bouillant juste avant. Tu sais pas pourquoi t'en garde encore des traces sur les joues car ce n'était pas si spécial. Pas si avenant, pas si convaincant. T'es jaloux de lui, pas d'elle. T'es jaloux d'elle, pas de lui. Jaloux de l'attention qu'il te vole, envieux qu'il ne te regarde pas de la même manière que tout ces morceaux de chair qui défilent à son chevet.

Tu t'assois sur le lit et croises les bras, les dévisages chacun leur tour - analyses en silence. Lentement l'agacement monte mais Darren s'en débarrasse rapidement. Quand elle se retourne et te regardes, elle a un mouvement de recul au moment où elle remarque ton air froid et apathique. Tu étires un sourire forcé et hypocrite, puis articules avec ironie.

— « Passe une belle soirée. »

Grognes une fois la porte claquée.

— « Dans ta chambre, pimbêche. »

Tu n'aimes pas les filles. Tu les chéris, dans d'outres mesures mais tu n'aimes ni leur personnalité ni leurs intérêts. Leurs réactions et leurs actions ne sont motivées que par leurs émotions exacerbées. Tu ne supportes pas leurs voix criardes et leurs gloussements surjoués.
Tu hausses un sourcil à la remarque de Darren.

— « Tu as un problème avec les prénoms à ce que je vois. C'est Merry. Merry McDouglas. On était en classe F avec elle. Elle est en spécialité chasse et pêche. Tu es désespérant, vraiment. »

Tu jettes un coup d'oeil au sac caché sous son lit.

— « Je rendrai demain le matériel à l'infirmerie. N'y touche pas. »

Rictus mauvais au bord des lèvres.

— « On en était où ? »

AH !

— « Ah oui, que tu es un imbécile fini. »

Vous avez au moins un point en commun, c'est un exploit que tu ne tiens pas à souligner. Vous trouvez peu de gens intéressants, et si dans ton cas c'est une évidence ancrée dans ton éducation, dans le sien ça le rend aussi audacieux qu'impressionnant. Qu'un déchet puisse traiter les autres de déchets. Qu'un garçon comme lui puisse avoir des exigences, jusqu'à oublier l'existence de ceux qui n'ont pas su les satisfaire.

— « Je vois. Et ça t'arrive souvent de baiser avec tout ce qui bouge ? Je veux dire... T'es à ce point en manque pour taper dans n'importe quoi ? »

Là on s'éloigne des points communs. Plutôt mourir que de toucher une personne fade. Ça ne t'intéresse pas de faire, tu préfères de loin regarder ((épier)).
Caresser en secret, salir ce qui s'apparente à la pureté. Il n'y a rien d'exaltant que de souiller ce qui a été trop de fois souillé.

— « La ferme. »

Vexé qu'il se moque de toi, vexé qu'il ait prit l'ascendant tout à l'heure. Tu le fusilles du regard et te lèves brusquement.
Veux le contredire, le prendre à son propre jeu, c'est plus fort que toi.

— « Tu ne m'as pas coincé, je me suis laissé faire. »

Tu avances vers lui et tires sur son oreiller pour qu'il se cogne sur la tête de lit en bois. Le visage déformé par la rage, tu retiens ta colère en une grimace de crispation.

— « Haha. Tu penses que je ne sais pas me défendre ? Je t'assure qu'aucune fille ne saurait prendre le dessus sur moi. »

La pulsion est trop forte et sans réfléchir, tu t'y abandonnes. Tombes à deux pieds dans le gouffre des actions bêtes et dangereuses. Tu plaques le coussin sur son visage pour l'étouffer.