Elle est grincheuse, grognone. Est-ce qu’Ana donnait l’impression de s’amuser de l’événement ? C’était une question sans réponse. Elle avait les traits secs, les dents en adéquations à son déguisement, prête à déchiqueter quiconque viendrait lui adresser la parole. C’était l’effort, l’obligation surtout. Rien ne lui allait, si ce n’était l’assiette de viande que la jeune russe avait réussi à récupérer et qu’elle gardait bien contre elle en suivant Andrea.

La plage. L’océan à perte de vue, un paysage qui semble infini. En presque une moitié d’année, Ana n’y avait que très rarement m’y les pieds, car il lui était déjà difficile d’arpenter la ville sans problème. Alors s’aventurer jusqu’au bord de l’île ? Hum. Alors évidemment, plutôt que ce brouhaha ambiant et ce regroupement semblables à des fourmis en chaleur, Anastassia semblait plus enclin à faire barboter ses pieds dans l’eau salée. Du moins, si elle savait que l’eau qui lui faisait face n’était pas celle qu’elle avait l’habitude de boire.

Mais chaque chose en son temps. Lorsqu’elle s’assoit dans un premier temps sur le sable, face à la mer. Dévore de ses mains quelques brochettes et morceaux de viande. Des mains sales et dégoulinantes qu’elle nettoiera machinalement au sol. Un sol graineux, qui se colle sur sa peau à cause du jus qui dégoulinait.

Une grimace alors qu’elle montre ses mains à Andrea. Incomprise, piégée. S’apprêtait alors à accuser le monde, mais c’est là qu’elle le voit, qu’elle le remarque – du coin de l’œil.

Encore. Cette personne masquée qui les avait rejoints au barbecue, cette personne étrange. L’ignorance de la pop-culture, ne sachant aucunement de quel déguisement il s’agissait (si du moins, c’était bel et bien un déguisement.) Mais face à l’inconnu qui les suivaient, face au sable qui lui collait les doigts. Sans même réfléchir une seconde de plus, l’accusé qui pour elle, se présente. Anastassia se lève et court à sa rencontre, se tasse un peu pour récupérer de la force et le plaquer au sol avec une hargne débordante. Tout était de sa faute, et il allait le regretter.

Elle était sur lui, prête à lui défigurer le masque avec une sincérité déconcertante, qu'importe si elle ignorait qui s'y trouvait derrière. Ou plutôt, c'était bien justement parce qu'elle l'ignorait qu'Ana était prête à s'y risquer. Qu'importe en vérité, elle aurait simplement haussé des épaules lorsqu'elle l'aurait découvert. Pourtant le doute subsiste durant une fraction de seconde aux paroles d'Andrea. Une incompréhension d'une part et une action de l'autre, que ce masqué soit l'un de ses camarades de classe ne changeait rien. Qu'il s'appellait Lohan aussi, d'ailleurs Lohan, c'était qui ?

Mais cet instant d'interrogation avait été bien suffisant pour être arrêtée, stabilisée. Elle n'était plus sur ce Lohan car Andrea venait de les séparer, avec une telle vulgarité. La scène n'avait pas le moindre sens, un Deadpool qui pennait à se relever, un tricératops bloqué sur le dos telle une tortue sur sa carapace, ainsi qu'un Trex hargneux près du sable, dont le regard nageait entre les deux autres. Un regard fort qui était, lui aussi, dénué du moindre sens.

Car si la tortue semblait quémander de l'aide, le masqué se démasquait.

"Ah !"

Que clame alors, en le pointant du doigt, la russe face à ce faciès qu'elle avait déjà vue à de nombreuses reprises sans vraiment être capable de lui donner un nom. Qu'avait dit Andrea déjà ? Ana l'avait déjà oublié. Mais le plus intriguant dans cette histoire fut sans nulle doute la réaction quasi immédiate d'Anastassia face à la chevelure battante mais surtout lissée par la sueur que procurerait un tel masque. Elle qui était au sol, mains collantes dans le sable (parce qu'elle avait oublié s'en être plains quelques minutes auparavant) en attrape une quantité suffisante pour en jeter sur le masqué qui n'était plus masqué qu'elle était censé connaître.

Problème ?

La consistance du sable qui lui était inconnue, le vent de ce début de soirée.

Retour à l'envoyeur.

Qu'elle hurle avec une telle férocité, comme si on avait tenté de l'assassiner.

Elle roule au sol, tourne à droite et à gauche. Les mains qui, férocement, frottent ses yeux dans l’espoir de se libérer de l’attaquant. Chacun de ses mouvements, sans la moindre pensée intelligente. Elle hurle à la mort, n’entend même pas les consignes d’Andrea ou les propos du masqué qui n’est dorénavant plus masqué. Ana hurle, cris. S’exprime comme à son habitude, mais dans ses mouvements de pieds, de jambes, de bras, de tête, de corps, de sa totalité de son être. Le sable autour d’elle continue à vivre, à exister. À bouger légèrement en fonction de son agitation, aidée par le vent. Qu’une faible quantité vient s’aventurer dans cette bouche bruyante.

Manquerait-elle de s’étouffer ? Sans nul doute.
Est-ce que le monde pleurerait sa perte ? Évidemment que non.

Mais cette nouvelle agression lui permet de reprendre ses esprits. Qu’Ana crache, tousse, n’était à rien de vomir la tonne de viande qu’elle venait d’engloutir. Ses yeux rouges, en pleurent qui picotent avec hargne.

« Hein »

Qu’elle comprend alors, malgré sa vision trouble et douloureuse que ces deux accompagnants compte aller dans l’eau. Un léger moment de silence, qu’elle serre les poings pour combattre la douleur. L’idée évidente alors, que l’eau lui permettra de se débarrasser de ces brûlures aux yeux. Plus encore, de faire passer ce goût pâteux et désagréable – parce que c’est qu’elle avait soif, maintenant, Anastassia.

L’interdiction, qui comme beaucoup, s’échappe de ses pensées. À elle, qu’on avait interdite la piscine et tout points d’eau si elle n’était pas seule. Bombe à retardement et simple absence de maîtrise. Qu’elle enlève pourtant son déguisement d’une traite, parce qu’il était bien plus encombrant qu’autre chose avant de foncer tête la première vers l’océan.