Le samedi matin il t'arrivait de te lever à l'aube, de traverser les couloirs en bas de maillot de bain (surtout en été) et d'être le premier à aller nager dans la piscine. Il est sous les coups de six heures du matin quand tu fais des longueurs. Seul avec tes pensées, seul avec tes idées. Toujours entouré admiré sollicité ça te fait du bien d'être enveloppé de silence pour une fois. Avec pour seule compagnie le bruit des frottements de ton corps sur l'eau quand tu défies la nature elle même. Le soleil commence à se lever quand tu n'entends pas la porte du bâtiment grincer.

Les yeux plongés sous l'eau tu ne vois pas non plus la silhouette timide et peu assurée d'Icare qui essaie de te suivre malgré tes allers retours. Quand tu arrives au bout de la longueur tu es déconcentré par la vue de chevilles et donc par logique lèves la tête. Tu ne sais pas comment réagir quand tu vois ton meilleur ami levé aussi tôt.

— « Qu'est-ce que tu branles ici ? »

Ouai, t'as oublié de dire bonjour du coup.
Icare prend le risque d'être honnête et prend du coup un MAUVAIS RISQUE parce que tu fronces ls sourcils et te braques immédiatement.

— « Parler ? Pour quoi faire ? »

C'est plus fort que toi quand tu le vois, ton humeur massacrante se mue en flirt insistant et malvenu. Tu plonges et nages contre le rebord, te hisses légèrement pour attraper sa cheville. Tu as le miel dans la voix et te fait chaleureux quand tu effleures sa peau.

— « Et si tu me rejoignais dans l'eau plutôt ? »

Sourire charmeur.

Tu n'es pas bête Arsene, tu comprends évidemment où il veut en venir et de quoi cette discussion retourne. Mais t'as pas envie de l'avoir, t'as pas envie de poser des mots clairs sur ce que vous vivez (peut-être par peur que tout s'arrête). Quand il cherche des excuses pour ne pas te rejoindre tu ne perds pas ton sourire et arques un sourcil pour lui montrer que tu n'y crois pas une seule seconde.

— « Problème simple. Solution simple. Déshabille-toi. »

Tu lui lances un regard entendeur et appuyé. Te renfermes comme une huitre quand il ne cède pas, s'accroupit au bord et te demande ce que tu attends de lui. De nervosité tu pouffes un peu de rire, c'est ça sa grande question ? Ce que tu attends de lui ?
Tu reconnais au bout de quelques secondes que ça en est finalement une bonne ; pile celle à laquelle tu ne saurais répondre. Tu recules en nageant sur le dos sur une distance d'un mètre et te mures dans un silence accusateur.

Quand la gêne de ton mutisme atteint son paroxysme, tu te rapproches de lui de nouveau et te hisses cette fois ci sur le bord jusqu'à t'y asseoir. Les jambes pendantes dans l'eau. Tu le toises d'un air sévère.

— « Rien. J'attends rien. La question c'est toi qu'est-ce que tu attends de moi ? Tu veux parler, constamment en parler. Mais parler de quoi ? Tu veux quoi ? Ça me casse les couilles de parler. »

Tu t'agaces, mimes avec tes mains.

— « Tout se passe BIEN alors pourquoi compliquer les choses ?! »

Tu ferais comment hein, Arsene ?
Cette question te désarçonne. Tu fronces les sourcils et ravales ta fierté mal placée. Evidemment, ça se lit sur ton visage que t'es aussi fermé que tourmenté. Tu l'écoutes pendant de longues secondes. Il ne te laisse pas en placer une et t'es pas sûr d'assimiler toutes les informations qu'il lâche. Il parle de Scarlet, de ce qu'il pourrait ressentir. Tu te sens coincé Arsene. Tu peux pas lui offrir plus, t'as pas conscience du fait que tu voudrais plus, que tu ressens plus que ça - et pourtant tu veux pas que ça s'arrête. Tu veux qu'il obéisse à tes moindres désires, à tes caprices les moins subtiles et les plus primaires.

Si t'avais pas travaillé toute ta vie à intérioriser et annihiler tes émotions, t'aurais pu laisser échapper des larmes Arsene. Ça te pèse plus que tu ne voudrais l'admettre mais Icare ne doit pas s'en douter une seule seconde. T'es pas encore en accord avec toi même pour l'être avec lui.

— « Alors c'est ça le problème ? T'es tellement fou de moi que t'as peur du moment où ça pourrait s'arrêter ? »

T'as rien compris Arsene.
Ou peut-être que si - mais c'est plus simple de tout ramener à ton avantage.
Tu t'immerges sous l'eau pour t'isoler un instant, ne lui laisse pas le temps de répondre quoi que ce soit. Le silence, la solitude, ça te fait du bien. La vérité c'est que tu sais pas quoi expliquer ni quels mots placer. T'es dans une situation délicate qu'il est plus facile d'esquiver. Tu nages (toujours sous l'eau) jusqu'au rebord et chopes sa cheville de nouveau pour cette fois le tirer d'un seul coup. Tu le projettes avec ta force dans le bassin tout habillé et l'aides à remonter à la surface en riant.

— « Bois pas la tasse idiot ! »

Tu le chopes par le tissu de ton haut, au niveau du col, et le traines avec toi jusqu'à le plaquer contre la surface carrelée et humide de la paroi. Tu te colles à lui et glisses ton genou entre ses jambes.

— « Des mots sur cette relation c'est ça que tu veux ? Ok. Très bien. On est amis, mais on est plus que ça. Les amis se rendent des services, se font plaisir, les amis ne se prennent pas la tête. On est plus que des amis mais on sera jamais plus que ce l'on est. C'est assez clair pour toi ? »

Sourire mesquin pour dissimuler les fissures. Tu te brises le coeur tout seul Arsene.

— « Si t'as compris alors embrasse moi. »

Ses lèvres sur les tiennes, c'est comme une douceur inespérée. Une promesse qu'il te fait sans même le savoir - celle qui affirme qu'il ne pourra jamais plus te résister. Tu es un roi Arsene, et quand tu ordonnes on obéit. C'est comme ça que tu fonctionnes, parce que c'est dans cette dynamique seulement que tu as grandis. Que tu t'es construit. Tout t'est dû et lui aussi ?
C'est très clair.
Tant que ça ne signe pas l'arrêt de vos jeux interdits tu te contenteras du peu que tu vous accordes. N'as pas encore conscience de la jalousie et de la possessivité malsaine dont tu pourrais faire preuve avec lui. Pour toi c'est juste un jeu en plus, un fantasme à assouvir. T'as pas encore idée de la grandeur des sentiments que tu couves plus haut que ton bassin.

— « Bien. »

Impérieux, tu relèves légèrement le menton pour le prendre de haut. Tu l'observes (le surveilles) avec un peu de retenu lorsqu'il t'éblouit de son sourire et de son innocence. Icare est un soleil et parfois il t'aveugle un peu trop, malgré le fait que tu sois déjà sous les projecteurs. Ironique non ?

— « Y'a jamais personne à six heures du mat le samedi. Ils font tous la grasse matinée, ces flemmards invétérés. D'ailleurs... uh... T'étais déterminé à venir me trouver dis donc. Je te pensais pas si matinal. »

Charmeur, tu appuies un peu plus de ton genou entre ses jambes pour lui arracher un gémissement plaintif. Tu ris à la mention du portable (t'en as clairement rien à battre on va pas se mentir) et hausses les épaules, malicieux.

— « Ah oui. J'y avais pas pensé. Déso mec. »

Tu enfouis ta tête dans le creux de son cou pour y déposer ta langue, précieuse et venimeuse, précise et incisive. Remontes à son oreille.

— « Bon. »

Et capitules. Tu le laisses respirer un peu et pars en arrière.

— « C'est tout ce que tu voulais me dire du coup ? »

En effet, c'est le cas de le dire. Icare a réussi son coup de te surprendre. Il t'a pris en traitre pour ses discussions de fille là et la faute au fait qu'il te connaisse bien. Tu peux pas te plaindre que ton meilleur ami connaisse tes habitudes. Mais est ce que tu peux encore l'appeler meilleur ami alors que tu fourres ta langue dans sa gorge dès que t'en as l'occasion ? C'est ça c'est exactement ça, ça t'emmerde de réfléchir à tout ça.

— « Tu m'en diras tant. »

Tu fais genre que tu t'en fiches, ignores son clin d'oeil et coule à moitié ta tête sous l'eau pour dissimuler tes rougeurs. Putain mais qu'est-ce qu'il t'arrive ? Pourquoi t'as des réactions inhabituelles quand il est là ? Petit à petit tu perds conscience, tu te perds toi même.
Icare se déshabille lentement et tu souffles dans l'eau, fais des bulles en expulsant l'air par le nez. Bordel il va te rendre dingue. Tes yeux louchent vers son caleçon et tu les lèves vers le ciel.
Exaspéré.

— « Sans déconner tu te donnes en spectacle... Ouai j'ai une tenue propre dans mon casier si tu veux. Tu connais le code hein ? Tu peux la prendre j'ai mon uniforme dans mon sac. »

Tu grommelles et nages vers le bord. Tu t'y agrippes pour te hisser et t'y assoir. Tu claques des doigts pour lui ordonner de faire de même, à côté de toi.
Une fois Icare à tes côtés, tu t'étires les bras.

— « Qu'est-ce que tu apprécies chez moi Icare ? »

Quitte à parler de trucs de gonzesse, t'as besoin de savoir.

Comment ça c'est évident ? Tu ne t'attendais à rien de spécial Arsene et ce qu'il dit par la suite ne cesse de te surprendre. Il a raison, tout ce qu'il énonce est évident. T'es parfaitement lucide sur tes points forts, sur ton charisme et ton leadership naturel. Pourtant de sa bouche ça éveille en toi des ressentiments nouveaux sur ta personne. Sa douceur te touche plus que tu ne voudrais l'admettre et tu baisses lentement les yeux pour observer ton reflet dans l'eau du bassin. Serres les poings de chaque côté de tes cuisses et expires ton souffle en tremblant un peu.

— « Oui bon tu me balances des trucs que je sais déjà quoi. C'est chiant hm. »

Tes yeux louchent vers lui discrètement sans que tu ne rajoutes rien. Culpabilises juste un peu d'avoir été trop sec alors qu'il t'a quand même fait des éloges. Tu vas pour le remercier quand il te coupe d'un dernier commentaire. Tu déglutis et manques de t'étouffer avec ta salive. Merde... c'est pas le premier à te dire que t'es beau. Scarlet te le dit tous les jours d'ailleurs... Mais là comme ça, de sa part, dans le CONTEXTE. Tu grognes et te refermes Arsene. Mal à l'aise.

Icare change abruptement de sujet, habile quand il te retourne la question.
Tu desserres lentement le poing et étires tes doigts. Tu tournes la tête et le haut du corps en même temps ; lèves l'épaule pour choper le bas de son visage et le tourner vers toi. Tu déposes un baiser chaste et doux sur sa bouche. C'est pas dans tes habitudes, surtout avec lui où tout est toujours si intense.

— « Parce que. Et toi aussi. »

Tu murmures.

— « Toi aussi t'es beau. »

Merde.

Hm, c'est grave gênant quand même. Icare était venu te demander quelque chose et tu pressens au fond de toi qu'il n'est pas allé totalement au bout et ça c'est quelque chose qui te fait peur. Tu as honte de le reconnaître, même en ton fort intérieur, mais toi non plus tu n'es pas réellement satisfait de votre relation. Enfin.. tu l'es à un certain degré. Jusqu'à ce qu'il aille voir ailleurs et que ça te déplaise, jusqu'à ce qu'il se lasse et que tu doives encaisser ce que tu fais subir aux autres habituellement.

Sa tête sur ton épaule, icare bafouille des remerciements gênés auxquels tu ne réponds pas vraiment. Tu le laisses faire et regardes droit devant toi, ignores tes joues qui s'échauffent lentement. Est ce qu'il s'est emballé ? Est ce que c'est ça la source du problème ? Et toi alors ? Qu'est ce que tu deviendras quand tu seras devenu le jouet usé ?

— « Y'a pas de mal. »

Merci d'être là.
Tu sens ton ventre grouiller, ton souffle se couper. Tu glisses ta main derrière sa nuque pour la poser sur son autre épaule. Tu le serres un peu plus contre toi dans une étreinte un peu froide malgré tout. Rétorques la gorge sèche.

— « Hum. C'est normal. T'es mon meilleur ami et ça depuis des années. Tu sais que je suis loyal envers ceux que je considère vraiment. Toi ça a toujours été le cas. Alors tu peux compter sur moi. »

Tu te sépares de lui et te redresses, t'étires dans un gémissement. Tu plonges la tête la première dans le bassin, affichant une ligne parfaite.

— « Maintenant que t'es trempé viens te baigner pour de vrai. On fait des longueurs et on voit le premier qui est arrivé ? On va voir si t'es si bon sportif. »

Lueur de défi dans le regard.