Tu te vexes quand il dit que tu es coincé. Serres le poing sur ta cuisse. L'es-tu réellement où est-ce lui qui est beaucoup trop à l'aise avec les autres ? Une pensée fugace te traverse, mais s'imprègne de ton esprit comme un parasite malin : s'il est comme ça avec toi ; cela signifie qu'il est comme ça avec tous le monde. Ainsi tu redescends sur terre, agacé d'être emprunt de jalousie envers des êtres que tu considères inférieurs. Pourquoi ? Pourquoi soudainement ce que Darren Craig pense de toi t'intéresse ? Pourquoi est-ce que ça te pique d'imaginer ne pas être le seul qu'il considère de cette manière ?

— « Pourtant tu connais le mien, tu l'as prouvé à de nombreuses reprises ce soir. »

Tu fais la moue quand il rit aux éclats mais fermes les yeux en étirant finalement un petit sourire. Qu'il rigole, si ça lui chante. Ta commande était évidemment un trait d'humour. Tu ne sais juste jamais comment amorcer les blagues - ça te touche qu'il ait saisi celle là.
Darren argumente, il parle il parle il parle. Comme d'habitude, surtout pour dire des bêtises et se justifier sur son comportement de merde. Ne jamais s'excuser bien évidemment.
Tu envies son état d'esprit, ce mec est aussi libre que l'air. Du moins en apparence, car vous êtes tous piégés sur cette île de malheur.

— « Hm. Si tu le dis. »

Tu détournes le regard, bats des cils et soupires. S'il ne cherche pas à être exceptionnel tu n'as donc aucun plaisir à le descendre ou à lui rappeler que ça ne sera jamais le cas.
Décevant en effet.

Les commandes arrivent et tu captes le regard au barman. Tu le fusilles, territorial. T'agrippes à ton verre pour le porter à tes lèvres. Tu ne prends même pas le temps de trinquer.
Tu te sens envahi d'une chaleur douce quand le liquide sucré coule dans ta gorge, rêves à ton prochain combat. C'était si gratifiant que d'être salué dans cette arène, de leur avoir fait fermer leurs grandes gueules.

— « Ils ne pourront jamais me briser. »

Rire arrogant.

— « Je ne crains pas la douleur. »

Avoues-tu.

— « Mais j'aime la voir chez les autres. »

Spécial ? Toi ? Evidemment. Ton regard s'illumine un instant. Oui ! Il le reconnait enfin ! Tu n'es pas comparable à ses camarades, aux déchets qu'il fréquente au quotidien. Tu es bien plus que ça et tu t'insémines dans sa vie, y moules ta place.
Ça t'apporte une réelle satisfaction que de sortir du lot, et c'est là que tu prends conscience du piège qui se referme autour de toi : tu veux sa validation, alors qu'il n'est rien à tes yeux. Tu veux qu'il te regarde alors que ses yeux ne sont que souillure, tu veux presque qu'il te touche alors qu'il te dégoute. Déglutis à cette pensée, tu fuis Cecil - prends la retraite quand tu te caches derrière ton verre.

Darren lève la main et tu sais par avance qu'il va pénétrer ton espace vitale. Sa main à ton menton, tu as un léger mouvement de recul au début, puis te laisses faire. Tu ne veux pas lui laisser croire que ça te gène, lui accorder cette victoire.

— « Je gagne toujours. »

Tu grognes quand il sous entend que ces singes ne voudraient plus se battre avec toi, à force. Toi qui étais pourtant si enthousiaste à te battre. Mais tu comprends... tu comprends parce que tu es pareil - tu envies cet état de décomposition car tu sais que tu pourras toujours guérir. Tu n'attends que ça, d'être bousculé, secoué, violenté ; pour leur prouver que quoiqu'ils puissent te faire, tu te relèveras.

— « Des chiens oui... c'est une appellation avec laquelle je suis en accord. »

Rouvres un oeil pour le dévisager lorsqu'il parle du club de boxe. Tu fais claquer le cul de ton verre sur la table et tousses.

— « Non. Je fais déjà parti du club de théâtre. Je n'ai pas le temps d'investir dans un... sport. »

Toi, transpirer ?
Il rigole, là.

— « Je sais déjà me défendre. Je n'ai pas besoin de savoir faire de la boxe pour cela. »

Et tu le penses vraiment.

— « Pour le reste, je peux compter sur Karna. Un prince ne se salit pas les mains. »

Mensonge.
Les tiennes sont plus sales que celles de n'importe qui.

— « Tu crois à tort que je ne peux rien te refuser Craig. Ton arrogance te perdra. »

Tu arques un sourcil quand il te remet en question, te juge sans te connaitre. A ses yeux tu n'es pas capable de te défendre. Tu plisses d'abord les yeux puis comprend. C'est qu'il s'imagine que tout se règle au travers du prisme de la baston, des coups et du sang.
Tu arbores un petit air suffisant alors que tu le prends de haut.

— « Mon cher Ren, je suis plus adepte des coups bas que des coups de sang. »

Tu précises, battant des cils.

— « J'ai mes propres méthodes. »

Et s'il continuait de te chercher comme il le faisait depuis que vous aviez emménagé ensemble, tu ne tarderais pas à lui faire une petite démonstration.
Darren glisse sa jambe entre les tiennes et tu te crispes, lui jettes un regard interrogatif alors que tes doigts s'accrochent au rebord de la table. Inspires, expires. Tu intériorises tout de suite pour ne rien laisser paraitre. Resserres brusquement tes cuisses pour garder sa jambe prisonnière.
Ecrases, compresses.

— « Je ne cherche pas à avoir leur respect, c'est la grande différence entre toi et moi. Je veux simplement les voir abandonner, les voir désespérés et à mes pieds. »

Petit sous-entendu, comme il se plait à le faire lui même.
Tes joues se teintent malgré tout d'un peu de rose, et ça ne te plait pas du tout. Tu aurais en horreur de lui céder quoi que ce soit.

Il sort une cigarette et t'en proposes une. Tu ne lui ferai pas non plus l'affront de lui dire que c'est à cause de lui que tu fumes en cachette, et pas de la nicotine.

— « Je prendrai sur la tienne. »

Les yeux brillent.

— « Tout ce qui est à toi est à moi maintenant. »

Tu te lèves par reflexe, libères sa jambe prisonnière et prend la direction de la petite ruelle à l'arrière du bar.

Bien sûr que non, tu ne parles pas de l'arène mais d'une défense particulière, d'un désir de vengeance parfois obsessionnel qui te conduit à faire des choses regrettables. Punissables. Tes yeux ne le quittent pas une seule seconde, même quand tu lui tournes le dos pour rejoindre la petite allée. Ce qu'il a dit ne quitte pas ton esprit : tu aimes effectivement qu'on se soumette, mais c'est plus complexe que juste ça. Tu penses juste que c'est normal et que le respect que l'on te doit est inné de ton rang. Peut-il vraiment te le reprocher ? C'est ainsi que tu as été élevé.

— « Tu as tout compris. Comme si j'avais besoin de ce décor là... nous partageons la même chambre. »

Tu joues à un jeu dangereux Cecil, parce que ce qu'il pourrait te prendre juste après tu n'es pas certain de vouloir lui donner. Tu aimes la sensation d'être intouchable, de jouer avec lui comme un marionnettiste contrôle sa poupée. A force de chercher à le perdre c'est toi qui va t'égarer.

— « Tu te prends vraiment pour plus que ce que tu n'es. Crois-tu que je t'ai attendu pour me souiller ? »

Tu plisses les yeux et déglutis en secret. Hm. Tu attrapes la cigarette qu'il te tend et en tires une latte. Le mouvement est plus précis que la première fois. On dirait même que tu as l'habitude. Tu en prends une deuxième, comme d'une peur de manquer et lui rends.

— « Je n'en pense rien. Hormis que ce sont les faibles qui en sont dépendants. Tu as besoin de ça pour t'amuser ? »

Tu hausses les épaules.
Puis recentres ton regard sur lui.

— « Ne mens pas. C'est à un autre péché que tu souhaites t'adonner. »

Provocation à peine voilée.

— « Ou peut-être que sans une bonne dose tu n'auras jamais le courage de te lancer. »

Evidemment qu'il prend ta provocation comme une invitation. Tu retiens ta respiration pour ne pas lui laisser la fumée - puis expires ton souffle à son visage. Il l'aspire et fais de même. Dans un mouvement de main, tu dégages le nuage de nicotine qui dérange ton nez. Il dit qu'il n'oubliera pas, toi non plus. Quand tu le regardes, quand tu le défies, tu penses malgré toi à ce que tu aurais aimé que Karna ose faire. Ce qui n'adviendra jamais, car ton garde du corps sait ce qui lui arriverait et les conséquences que les limites dépassées engendreraient. Un piège grotesque dans lequel tu t'es toi même enfermé. condamné.

C’est une proposition ça Cecil.
Tu réalises que le jeu va trop loin. Même si tu as envie de le voir aller au bout (par pur plaisir de le remettre à sa place juste après) tu rétorques par reflexe :

— « Non- »

Mais pas le temps de réaliser qu'il te bloque contre le mur. Tu ne le quittes pas des yeux, attends comme un petit agneau face au grand méchant loup. Frisonnes sous les assauts de ses doigts sur ta peau, sous la tension écrasante vos énergies chaotiques.
Ses lèvres contre les siennes, tu écarquilles les yeux et étouffes une déglutition de surprise.
Tu réponds furtivement à son baiser, puis le rompt en tournant la tête. Merde, t'as capitulé le premier. Tu le réalises alors que tu fixes un instant le vide, te crispes quand sa langue dessine les contours de ton oreille. Putain mais il branle quoi ?

Tu étouffes un rire nerveux et sardonique quand il te dit d'assumer.

— « Pardon ? »

Tu lui assènes un coup de genou violent dans l'estomac pour le plier en deux. Le rattrapes en lui attrapant les cheveux, remontes son visage pour qu'il te regarde.

— « Ou alors... Et si j'allais raconter à tout le monde que tu m'as agressé sexuellement car tu es un dangereux déviant. »

Tes yeux brillent de malveillance, alors que tu étires un sourire sournois.

— « Je me doutais que tu serais incapable de te retenir, sale pervers dégueulasse. »

Et tu espères qu'il comprends ;
quand tu faisais allusion à tes propres méthodes de défense.
Coups de coeur qui bat transformés en coups bas.

Ah qu'il te rend fou avec ses bébés et sa confiance en lui ! Il n'a peur de rien, ni de toi ni de tes menaces. Tu souffles par les narines et le fusilles du regard quand il te promets de te faire plonger avec lui. Merde. Tu paniques un peu, ça se voit sur ton visage car tu te crispes. Agites ta langue de pute quand tu lui postillonnes à la gueule.

— « Foutaises ! Tu n'oserais pas. »

Ça t'enrage. Et s'il savait que tu caches déjà de la drogue dans tes affaires.. peut-être qu'il n'en reviendrait pas. Tu te mords la langue, refuses de lâcher ses cheveux quand il te l'ordonne. Il se redresse juste assez pour saisir ta gorge et la compresser sous des doigts fauves.

— « Je n'ai pas aimé ça. Ferme la. »

Jamais tu ne supplieras ce type, jamais tu ne t'abaisseras à son échelle - vous n'êtes pas du même monde et ça t'arrange de fuir le sien après avoir forcé pour y pénétrer. Darren appuies un peu plus et tu suffoques, fermes un oeil alors que tu serres les dents pour encaisser la douleur.
Ça t'excite, de ne plus avoir d'air.
Putain ce que ça t'excite, de flirter avec la mort (tout en sachant pertinemment que tu ne feras que la saluer).

— « Ja-mais... »

Rictus amer à sa dernière provocation. T'as un peu de bave qui coule de ta bouche, alors que tes yeux partent vers le ciel, ton âme avec. Tu t'accroches désespérément à sa chevelure.

— « Je vais... te crever... »

((Je vais crever))

— « Sale... fils...de pute... »

Et ses lèvres te manquent déjà.
Tu lâches pas et quand l'air vient totalement à manquer, ta trachée se compresse de manière irréversible. Tu perds connaissance (et le lâches de surcroit) et t'étales sur le sol, inconscient. Des hématomes tout autour de ta gorge gondolée et enflée.

Il eut besoin de plus de dix minutes pour que les couleurs disparaissent de ta peau et qu'elle reprenne sa couleur claire. Cecil comme neuf, mais non sans traumatismes.

Ton corps s'affaisse dans ses bras. C'est au bout de quelques minutes que tu quittes ton lit obscur, et que tes paupières s'ouvrent lentement. Une douce chaleur t'enveloppe et tu te redresses vivement, t'étranglant dans une toux bruyante et sèche. Tout en crachant tes poumons, tu te débarrasses de la veste qui te sert de couverture pour pivoter à chaque pattes sur le sol, te raclant la gorge douloureusement.

— « Bordel... »

Tu l'écoutes à moitié, enragé face à son audace. Il ose te faire une réflexion après ce qu'il vient de faire ? Tu relèves le visage, les mèches trempées de sueurs collées au front. Le fusilles du regard.

— « Moi ? Moi, je suis suicidaire ? Va te faire voir, Craig. »

Tu te masses la gorge, et te mords la joue. Tout est redevenu normal, mais tu t'es senti partir tout à l'heure. Ta résistance à la douleur est purement psychologique.

— « T'as failli me tuer. Si je n'étais pas ce que je suis, je serais mort. Taré, va. »

Et c'est toi qui dit ça. En vérité, c'est la colère qui alimente ta mauvaise foi. Tu n'es pas choqué par la notion de mourir, ni par celle de tuer - simplement abasourdi qu'il soit allé au bout de son idée.
Pestes quand tu te relèves (difficilement) et serres les poings pour comme un enfant capricieux. La voix perçante du bout des lèvres pincées.

— « NON. Je rentre SEUL ! »

Tu t'avances vers lui et lui arraches la cigarette de la bouche, l'écrases au sol avec ton pied et le dévisages un instant pour le provoquer.
Puis tournes les talons en rageant.

— « Ça se paiera, tu peux me croire. »

Juste un malaise ? Il est sérieux ? Il t'a carrément explosé la trachée. Tu déglutis difficilement mais ne te laisses pas impressionner par sa bêtise et son manque de discernement. Tu l'entends ramasser sa veste de merde et s'allumer encore une clope. Lèves les yeux au ciel quand ses pas sur les pavés trahissent son intention de te suivre. Qu'il aille crever, tu ne veux plus de lui ce soir.

— « La ferme. Ou tu gouteras bientôt aux conséquences de mes avertissements. Ne me prends pas à la légère non plus Craig. »

Ta fierté est atteinte. Tu dois riposter, comploter une vengeance à la De Monaco comme tu as eu pour habitude le faire par le passé - en rendre fou le personnel, à en rendre fou tes copains, à en rendre fou plus d'un. Sa marche vive s'arrête et tu l'observes par dessus ton épaule.
Il te demande si tu veux le tuer, à ça tu réponds d'une voix taciturne.

— « Non. »

Ajoutes, sur une touche d'ironie. C'est dangereux.

— « Mort tu serais libéré des souffrances que je veux t'infliger. »

Tu reprends la direction de l'école, accélérant le pas en espérant le semer. Mais Darren est coriace et Darren va beaucoup trop loin. Tes oreilles fument, et tu serres le poing. Tu ne te laisseras pas tenter, pas cette fois.

Tu ne réponds pas et traces une fois devant le bâtiment, vers les dortoirs. Tu ouvres la porte de votre chambre et la claques brutalement avant qu'il ne rentre. Retires ton haut sans pudeur (et aussi parce que tu sais que ça pourrait le frustrer) et attrapes ton pyjama pour l'enfiler.
Ne lui dis même pas bonne nuit quand il rentre à son tour.