Il était de notoriété publique qu’en weekend Ramos se levait tard, sous les coups de 11h, et on le voyait ainsi paraître en bas de son dortoir et dans la cour du campus parce qu’il n’avait pas envie de rester comme un idiot de geek enfermé dans sa chambre.

Cela donnait un moment propice à voir les personnes qu’il appréciait, parce que plus ou moins dans le passage du va et viens aux chambres. La, il s’allumait une cigarette, probablement taxée et se tirait une taffe matinale accompagnée d’un café de machine qui sentait la flemme d’aller chercher sa pitance.

Il était parfois cet archétype de prédateur flemmard qui prend ce qui passe sous son nez, ni plus ni moins.

Ramos n’etait pas vraiment calme. En façade oui, mais il traînait cette humeur de fond, non résolue, cette amertume sourde, juste en deçà de la première couche de la conscience. A vrai dire il savait très bien être irritable et savait très bien à quoi c’etait du. Cela lui prendrais encore quelques jours à digérer pleinement, mais la rancune resterait, elle, tenace.

Il serait difficile de pardonner Emma. Peut être que si cette garce se j’étais à genoux devant lui, et qu’il l’humiliait ainsi peut être se sentirait il mieux. Mais en vrai il n'était pas sûr de vouloir ça, il ne pensait pas que cela guérirait quoi que ce soit. La violence apporte la violence. Le vieux lion une fois ses dents tombées est la risée de la savane. Personne n’est au sommet indéfiniment, et le jour ou le piédestal tombe, tout les chacals viennent demander leur dû.

Donc peut être pas l’humilier. Il avait réfléchi un peu sur lui-même et avait trouvé être beaucoup plus touché par la gentillesse qu’il ne le croyait. Peut être deviendrait-il un animal domestique, si on le grattais au bon endroit. L'idée le fit rire, mais juste parce que cela n’avait aucune chance d’arriver. Tout le monde était trop pourri en lui sur cette île. Personne de bon, personne de stable. Ses victimes méritaient ce qui leur arrivait, comme ce petit rat de Syncere. Même les chevaliers blancs ne faisaient que jouer un rôle débile au final.

Il était un peu pensif, un peu en train de remettre dans son esprit la dernière session de boxe, où il avait eu du mal à contenir son agressivité sur le ring. A la suite de ce jour la. Pour un match d'entraînement il avait frappé trop fort, avait fait vole le protégé mâchoire de son adversaire. Même le coach était intervenu pour lui parler. Mais ça lui avait fait du bien, tout ça.

Il ne l’avait pas réellement vu arriver pour être honnête il ne l’attendait pas, du moins pas ici et maintenant. Elle n’avait pas pris rendez vous. Et franchement pour tout bien expliquer elle n’etait pas la bienvenue dans son espace personnel actuellement. Il lui en voulait encore beaucoup et beaucoup trop. Elle aurait du attendre que le temps passe que tout se tasse, mais non elle était là avec son petit nez mutin et sa grande gueule.

Elle pile un peu loin de lui comme si il était un pestiféré. Il connaissait cette attitude des gens qui ne s’approchais pas trop par crainte et il s’en délectait parfois car cela faisait partie du rôle, et du jeu dans l’ensemble. Mais la c’était bizarre, c’était malaisant, c’était comme si l’événement de la cafétéria lui avait donné de l’assurance, celle de pouvoir décider la façon donc elle allait le traiter.

Il fronça donc les sourcils et ceux ci s’enfonçaient de plus en plus a mesure qu’elle parlait. Quelque part il aurait pu être moins patient que ça. Lui sauter à la gueule direct pour la faire foutre le camp. Mais non il écouta ses paroles bidons et balança juste un :

 »Tu es venue te foutre de moi c’est ça ? »

Tout était juste bancal dans ses paroles comme ce « je suis sure que tu as dit aux gens… ». Elle le connaissait pas merde et il était pas une petit fiotte pleurnicharde pour aller se trouver un bouc émissaire. Il savait encore assez ce qu’il avait fait ce jour là et pas besoin qu’on lui explique, mais ne véhiculait aucune culpabilité par rapport a ça. Au contraire il avait sauvé bien des gens en prenant autant sur lui.

 »Si t’es la pour prouver ta petite supériorité de connasse tu peux aussi bien foutre le camp »

Il souffla de la fumée de cigarette dans sa direction.

  « Et la prochaine fois que tu viens me voir je te defonce ta race »

Ramos était encore et avant tout à intimider et à se reprendre en paroles et attitudes agressives avant le reste. C’etait cette faiblesse, cette marge de temps que ses ennemis savaient bien exploiter. Le fait qu’il soit impulsif à retardement et pas sur le moment laissant le temps de fuir avant de se prendre un lézard déchaîné dans son passage. C’etait juste une autre gentillesse sous couvert d’agression et de salive acide.

Tout son balbutiement ridicule, montrant bien que tout ça n’est qu’une stupide mascarade, lui court sur les nerfs. Il avait commencé énervé ce qui dans le lexique de sa colère était un 3 sur l’échelle de Berserker mais maintenant il atteignait facilement un 5 ce qui n’était pas assez pour faire sauter tout les gonds mais bien assez pour déclencher les alarmes. Lorsqu’elle fit un pas un avant, il avança lui même, dans cette salsa de la mort. Il écrasa au sol, de son mouvement de pied, son mégot de cigarette.

Ils n’étaient pas très loin mais pas encore trop proche non plus et pourtant déjà d’ici il sentait en elle les phéromones de peur que dégagent les proies. Plus métaphoriquement que réellement en fait, mais d’experience.

« Je suis en colère »

Un autre pas. Maintenant il était  réellement proche, elle pouvait voir sa mâchoire un peu tendue sans doute, ce quelque chose dans ses muscles, dans sa posture, qui évoquait la corde tendue d’un arc prêt à décocher des traits mortels. Mais il ne la toucha pas, peut-être être pas encore.

« Je me fous de qui est coupable ou pas. Ou de tes excuses qui sont de toute manière aussi fausses que toi.»

Il retira sa veste, ce sera qui semblait un mouvement inhabituel dans cette circonstance, mais bon il était facile de voir qu’il avait toujours sur lui ce fichu vêtement comme un talisman. Elle rejoint le sol avec l’artefact de contrôle dans la poche. Il serait plus dur de garder l’animal à distance mais il se sentait plus libre de ses mouvements dans son marcel et sans tout le poids des obligations.

« Si tu tiens tant à rester t’excuser alors mets toi à genoux. Et supplie moi de t’epargner »

Et cette fois, il y’avait cette teinte jaune verdâtre qui envahissait la sclere de ses yeux. Mais il pouvait encore gérer. Il pouvait encore se contenir.

Probablement tout deux au bord de rupture elle finit par s'executer et il jubilait interieurement, peut etre même que sa colere descendit. Il se sentit tout puissant et un peu misericordieux du coup. Il se disait "bon elle n'est pas si pire que ca l'humiliation n'etait peut etre pas necessaire". Il finit par croire qu'elle s'excusait sincerement. Juste un instant de satisfaction et de naïvete. Donc elle pliait, toute petite devant lui. Toute fragile. Peut etre qu'il imaginait que cela lui coutait. Il allait ouvrir sa bouche pour la gracier comme un bon roi.  Sauf qu'elle eut le mot plus rapide.

Le mauvais mot evidemment. Sa mere hein. Elle ne pouvait pas savoir quel coup de surin elle venait de lui mettre. Il pouvait tres bien se crisper metaphoriquement sur sa plaie psychologique mais il eut un instant ou il perdit pied.

Ramos aimait beaucoup sa mère et même en exil il pensait a elle, a ses souvenirs ou il se lovait dans ses bras chauds. Sa mere c'était sa protection. Cette chaleur la qui avait disparu dans son regadd le jour de son depart. Il avait pleure cette perte plus que toute les autres. Sa mere l'avait aime et comprise elle.

Au dela de ca la provocation etait mesquine mais grossiere il n'aurait pas du tomber dans un tel piege. Son coup de pied partit comme un reflexe dans la machoire de Carter, mais si il etait puissant il n'était pas tres precis pour autant. Elle aurait pu facilement l'éviter. Il perdit la vision brievement pour la retrouver un peu differente, les pupilles etrecies au milieu de ses yeux de lezard. Il y'eut comme des craquements subtils dans son corps agitant sa structure.

Sa machoire s'était elargie et c'était douloureux pour lui. Il frenait la transformation avec sa conscience mais lorsqu'il voulut s'exprimer ce fut avec une voix bien plus rauque et des dents indeniablement plus acerées.

"Fiche le camp Carter !"

Qu'est ce qu'il avait encore a proteger cette sale gosse, il la haissait.
La douleur commencait a l'assaillir par vagues et habituellement il perdait entierement toute conscience sous la souffrance. Il essayait d'appliquer les quelques lecons qu'il avait suivi correctement pour en sauver un peu ou pour tout ralentir.

Il y'avait probablement quelque chose d'autant horrifique qu'hypnotisant a ce spectacle. Il laissa echapper un cri de douleur qu'il coupa en fermant sa machoire, les mains serrees. Sa respiration etait forte, puis juste comme ca il ceda aussi, s'affallant alors que ses jambes etaient en train de prendre une autre forme, les os se repositionnant, craquant.

Ramos rampait miserablement comme si momentanement les roles etaient inverses. Les choses aurait pu se passer plus vite et cela lui aurait epargne bien des miseres. Mais il gagnait du temps, au moins.

Le monde etait un peu flou, le sang battait a ses tempes qui se depourvaient d'oreilles, les resorbant et les absorbant comme sa chair absorbait toute sa pilosite de mammifere. Il ne se souvenait pas que ca faisait autant mal. Il etait tiraille par cela et un cocktail d'emotions contradictoires. Tout ceci lui avait fait oublier sa veste et son artefact, deux objets essentiels dont il ne se souvint qu'en les voyant passer devant son regard et recuperes par cette folle.

Il voulait se redresser et le reprendre, se redresser et protester, mais se redresser etait une epreuve et son centre de gravite avait change avec sa prise en poids et en taille. Le son qui sortit de sa gorge etait inintelligible. Son impuissance et la peur, peut etre de perdre definitivement ses affaires firent lacher les dernieres brides de sa volonté.

Son pouls accelere tout alla bien plus vite. Son visage se disloqua pour former un museau large, bordé de petites dents pointues. Il se redressa enfin, sa colonne vertebrale resoudee dans une forme arquée. Elle continuait a s'etendre dans une excroissance caudale qui ne cessait de s'etoffer.1
Des ecailles sortaient couvrir la peau a nu, la plupart dans un brun vert tres courant chez les crocodiliens, d'autres jaumes, plus vives, reparties sous formes de lignes. Ses vetements s'etaient dechires comme une vieille mue sous la pression de sa croissance et l'assaut de ses plaques dorsales. Il restait seulement intact une sorte de tissu elastique enroule autour de son bras droit.

Sa stature arquee un peu comme une representation de T Rex ne culminait pas si haut et il etait encore moins haut lorsqu'il avancait sur ses 4 pattes. Le garrot de cette maniere devait etre legerement moins haut qu un etre humain de taille moyenne.

C'est ainsi qu'il rejoignit la hauteur de Carter en quelques foulees rapides. Il se redressa sur ses pattes arrieres pour balancer un coup griffu en direction des bras de la jeune fille. Comme si il savait que ce qu'elle tenait etait important. Et pourtant il ne semblait pas y avait encore de trace de l'humain dans son regard et dans le grognement qui se faisait entendre au travers de sa machoire serree. Il balaya une poubelle d'un mouvement caudal, lorsqu'il se projetait dans l'action.

Le sang avait gliclé ce qui répandait une odeur agreable a ses narines. Son regard était rivé sur elle, la jeune fille. Peut etre avait il hérité des impulsions de Ramos ou était il lui même tout a fait un Ramos ce qui était assez probable. Le fait qu'ils ne soient qu'une unique entitée biface avec les mêmes pulsions, les mêmes aspects. Le reptile 1vait un coté un peu plus emergeant du subconscient, mais au final cette caracteristique etait restée de son double humain : il était réluctant a réellement se battre.

Cela ne l'empecha pas de suivre l'americaine, et de la renverser sans grand effort. Il était menaçant mais a connaitre l'autre il était peut être de même plus terrifiant que réellement dangereux. Le crocodilien profitait de la faiblesse de sa proie pour faire claquer sa redoutable machoire proche d'elle. Puis il se detacha de l'humaine pour simplement tourner autour, surveillant ses actes avec un grondement sourd.

Il avait a priori oublie la veste et n'avait pas suivi le tour de passe passe. Sa vue n'était pas si bonne, l'animal reposait a priori sur d'autres sens.

Les infrastructures environnantes du parc de meme que la vegetation souffrait de son passage, l'animal n'en ayant a priori rien a faire des degats alentours. Il etait dur de dire si il n'allait pas juste attendre le bon moment pour se jeter sur elle ou si il comptait la jauger comme ca. Il avait de la chance que le lieu se situe au soleil et en realite il serait bien reste sous l'astre du jour a profiter de la douce chaleur rechauffant son corps a sang froid.

La situation était telle que finalement il n’y avait plus réellement besoin d’agressivité. Elle ne l’était plus, et toute la colère sourde qui naviguait dans son corps avait descendu. Ramos l’humain récupéra la conscience de la situation et voyant l’état des choses décida d’en rester là, comme ça, de ne pas bouger davantage ce gros corps et profiter du soleil en se posant sur le sol. Honnêtement se retransformer pour devenir nu comme un ver - a ceci près qu’il avait toujours ce morceau de tissu dont il pourrait éventuellement se faire un pagne mais c’était pas ce qu’on avait vu de plus glorieux. Il commenca à retourner dans sa chambre pour effectuer ceci avant que la conscience ne lui glisse encore des doigts.

Et c’est ce qui arriva, son esprit se perdit de nouveau dans les brumes de l’inconscience, parce qu’il maîtrisait quasiment rien. Mais avec tout ça on pouvait dire qu’Emma avait été beaucoup plus clairvoyante que lui, les deux n’etaient que la même chose, pas de seconde personnalité rien. Tout ce qui avait toujours motivé les penchants destructeurs de la bête étaient ses propres ressentis. Après tout il ne se transformait que sous le coup d’emotions particulièrement négatives. Et il retenait beaucoup, à ne pas vouloir se battre, prenant quasiment sur lui les coups qu’il aurait pu donner aux autres.

Donc la bête ne s’etait quand même pas arrêtée sur le chemin et s’apprêtait juste à rentrer dans le bâtiment, comme la dernière action sensée ordonnée par son cerveau. En totale inertie quasiment. Finalement il aurait bien été incapable de faire quoi que ce soit pour Carter. Il n’allait réellement pas la prendre dans ses bras et elle avait compris.

Au fond ce serait bien si cette fois c’était la dernière.