aujourd’hui, tu rêves. crayon et gomme sous la main, prêt à être dégainés. les pages blanches t’appellent, d’une douce mélodie, qui t’emmène loin au-delà de l’horizon, à la frontière entre l’Imaginaire et le Réel.
là-bas, l’air est rouge, chaud au toucher. à l’ombre, on peut sentir l’odeur de l’ambrette mortelle des lys. sous tes pas, craquent des branches épaisses et tordues.
les cygnes
semant les nénuphars de l’étang
connaissent le secret.
il est enfoui au fond de leurs becs, prêts à mordre si jamais tu tentais une approche. farouches et protecteurs, ils gardent ce secret bien au chaud, et menacent quiconque s'en approche.
mais toi, tu ne te laisses pas intimider par ces oiseaux de malheur.
après deux trois coups de gomme, voilà que les cygnes perdent leur bec à jamais.
(ils n'ont eu que ce qu'ils méritaient.)
le crayon à la main, tu es capable de tout. tu es
la déesse des pages. tu t'échappes, dans les rêves les plus fous, tandis qu'une autre partie de toi te crie de cesser tout ce raffut, et t'envoie les effluves distinctes des livres de la bibliothèque.
tu es seule dans ton Monde. seule, mais incapable de rendre chaque minute sainte.
un son te sort de ta torpeur. comme si on t'avait repêchée, que le bout de la ligne avait transpercé ton front de toute part. tu remontes dans le lagon de la réalité après avoir passé quelques heures dans les eaux profondes de l'Imaginaire. et ça
fait mal. ton coeur se sert brutalement, le stress te monte à la tête. le crayon tombe.
"C'est fou comme les pingouins ont de la place pour vivre en Antarctique."l'image des cygnes sans bec s'envolant vers l'horizon bleue verte s'installe dans l'immensité de ton esprit.
foutez le camp.
personne ne vous aimera, brisés comme vous êtes.
il y a des mots qui se forment au fond de ta gorge, mais ils ne dépassent pas la ligne de départ; ils restent coincés là où ta langue devrait t'aider à prononcer des syllabes.
tu lances à la jeune fille blonde un regard en coin, et tu te rappelles.
que c'est bien réel.
n'est-ce pas ?
tu te pinces. tu ressens un peu la douleur. tout va bien. tu souffles et reprend ton nécessaire pour dessiner. avec quelques coups de crayon, sans trop réfléchir, tu commences une ébauche d'un pingouin, seul sur un iceberg flottant sur l'océan. tu te reconnais dans cette monstruosité,
car toi aussi
tu divagues,
tu rêves — et le coeur lourd tu sombres dans le vide. tes mains tremblent. aux commissures de tes rêves s'est pendue la lune,
comme un cadavre à moitié rongé
aussi charnu que les pétales des magnolias.
« que sais-je des autres ? » penses-tu, et frémissant, tu réalises que tu ne sais pas discuter avec un voisin, le postier ou les professeurs. alors tu redoutes le moment où tes lèvres devront s'ouvrir.
ça fait mal à l'âme
la réalité
tu claques
des dents
et exhales un souffle paniqué
cette rencontre, aussi fortunée soit-elle, va être une dure épreuve.mais bizarrement, aujourd'huitu vas te battre. ft. Lily-Rose Davis // song : wretched weaponry