C’est de pire en pire, mais Evan toujours sourit. Les trous de mémoire s’amoncellent, son pouvoir reste aléatoire, et dans sa tête, c’est le bordel. Les post-it dans ses poches, ceux qui retracent ses journées, restent sans vie certaines soirées. Putain, il s’passe quoi ? T’es dans le déni. N’importe quoi.
Alors quand il reçoit l’invitation pour une soirée entre universitaires, Evan ne se fait pas prier. Il a besoin de se changer les idées. Souvent c’est au bar, mais aujourd’hui Darren n’est pas là. Ce sera donc là-bas, dans le foyer de leur étage. Peu pressé, il enfile un jean gris et un débardeur noir aux emmanchures échancrées sur ses flancs. Il aime ce petit côté sexy. Pour faire bonne figure, car ses cernes sont de pires en pires, il applique une légère touche de fond de teint et sort en direction de la fête.
***
Installé à table, Evan laisse tomber les cartes qu’il a entre les doigts. Perdu. Encore. Il rit et, comme le demande la coutume, il termine son verre cul sec – le troisième jusque-là. Distraitement, il attrape deux fraises de son paquet de bonbons qu’il avale direct.
- Vous m’avez fumé, soupire-t-il. Deux sec les gars.
Il sort son portable, glisse rapidement dans sa liste de contacts pour envoyer un message à son… il sait pas. Ils en parlent pas, ils le disent pas. Mais il a envie de le voir. Pour t’envoyer un message, à toi, Matthew.
Pas de regrets. Une fois fait, il range son téléphone et se laisse attirer sur la piste de danse par une amie en robe courte. Il s’oublie, l’attend, se déhanche et fait fi de ce qui vaque à son esprit. Ça fait du bien, de ne pas penser. Et en même temps, ça le terrifie. Fait danser la jeune femme, la fait virevolter, un sourire trainant aux lèvres. Jusqu’à ce que finalement ses yeux accrochent une silhouette. Celle qu’il attendait.
Il fait signe à sa compagne de danse, puis d’un pas assuré, le rejoint en souriant encore. Toujours.
- Regardez qui voilà, souffle-t-il en arrivant à hauteur.
Distraitement, sa main vient se poser sur les fesses musclées, juste le temps de tâter avec malice. Il adore jouer. Il adore s’afficher. Il s’accoude à la table haute qui fait office de comptoir et récupère son verre qui traînait là. Bois une longue gorgée, les yeux déjà à le scruter.
- Bienvenue, lui dit-il alors. J’espère que tu as passé une bonne journée ?
Abonné à la salle du club, tu joues quelques arpèges sur une guitare acoustique tout en tentant un morceau des red head. Profitant des derniers albums en lice acheminés par le transit, tu ne sais même pas si t'es réellement à jour ou non sur les titres musicaux actuels. Peu importe. Tant que toi tu pouvais composer ta propre musique, le reste était sans réelle importance.
Ton smartphone vibre dans la poche de ton jean noir. Ca te rappelles aux écarts, nombreux soient-ils, que tu fais peu importe les interdits. Et ce soir, tu n'étais plus trop censé être dans cette salle de club.
T'es quand même le roi des artistes ici, et t'as les clés du club.
Comme si on pouvait te punir pour ça. Sourire en coin, plein de dédain et de fiel.
Tu reposes la guitare, tu quittes les lieux en fermant la porte à clé dans un jet de bruits métalliques et tu portes un oeil curieux sur ton tel dans le cas où ... Ilya te demandait quelque chose. Ou andréa. ... Ou quelqu'un d'autre.
Quand ton regard arpente le message, tu te fais pensif. Pas habitué à aller en soirée ; encore moins à te mélanger, tu pèses le pour et le contre. Ca ne t'empêcherait pas de faire d'Evan, encore une fois, ton aventure du soir.
... une aventure qui perdure plus qu'elle ne devrait perdurer.
Tu réponds deux mots, et sans passer par la case chambre, tu te diriges tout droit vers le campus universitaire où se trouvait la soirée. T'es pas assez chaud, mec pour tout déboîter, mais une fois à l'intérieur, tu remarques une différence de niveau entre les soirées lycéennes et étudiantes en fac.
Toujours fidèle à toi même, tu arbores ta tenue de tous les jours, bracelet en cuir noir au poignet en plus. Dans le brouhaha ambiant où s'enchaînent des morceaux relativement appréciables, tu le cherches des yeux.
Il danse. Tu diriges tes pas jusqu'au bar et en profite pour prendre un verre de vodka, pour changer du rhum.
Tu te veux nonchalant, Matt, accoudé au bar, mais quand il apparait dans le coin des yeux, tu te sens ... différent de d'habitude. Ca te trigger. La main aux fesses t'extirpe de tes réflexions et l'avise d'un regard bref. Direct. - Tu ne sembles pas dérangé à l'idée qu'on te drogue ici. Faisant référence au verre posé des minutes sur un bar, sans surveillance. Tu dévoiles peut-être un peu ta méfiance usuelle.
Et puis en fait, pourquoi ça t'importerait cette affaire. Haussement d'épaule et nonchalant, tu t'enlises dans une lente détente en collant le rebord du verre contre tes lèvres, sans lâcher des yeux ton amant.
- ... ouais, journée normale. J'ai juste eu un léger accrochage avec le president.
C’est la première fois qu’il l’invite à ce genre de soirées, et mine de rien… ça lui plait. Comme s’il lui ouvrait une partie de son monde, celui où il se terre. Une partie de lui. À sa remarque, il zieute sur son verre puis dresse le sourcil.
- Me droguer ? Il rit doucement. Et qu’est-ce que tu veux qu’on me fasse ensuite ?
Ce n’était certainement pas le moment pour lui avouer quelques travers. Evan n’est ni un drogué, ni un fumeur, ni un alcoolique. En revanche, il est tout à fait ouvert à ces trois pratiques de manière récurrente et récréative. Si quelqu’un s’amusait à le droguer, il serait sûrement juste surpris de le voir tenir. Qui peut se vanter d’être parfait ? Malgré ce que certain.e.s semblent croire sur Evan, certainement pas lui.
Une nouvelle gorgée, tout en profitant de l’instant pour l’admirer. Son cœur s’emballe, il ne fait même pas mine de le contrôler. À quoi bon tenter de gérer l’ingérable ? Troublé. Enjoué. Putain, Matthew, t’es beau même quand il commence à être bourré.
- Un accrochage ? Avec le président ? Il repose son verre lentement. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Il ne connaissait le président du conseil que de nom et de réputation. Beau garçon, toujours prêt à aider, populaire. Un classique, finalement. Bien loin du tempérament qu’il avait cru percevoir chez le leader des artistes. Était-ce si étonnant que les deux ne puissent pas s’entendre ? Pas vraiment.
D’un coup d’œil circulaire, il avise l’ensemble de la salle. Une nouvelle partie d’un jeu à boire quelconque s’entame d’un côté, près des tables entourées de canapés. Sur la piste, la musique se fait déjà plus lascive. Evan étire un sourire en coin. Le regard un peu coquin, il se penche à son oreille pour murmurer :
- Tu veux faire quoi ? Jouer ? Danser ?
Il sous-entend la troisième possibilité, celle vers laquelle il sait très bien qu’ils finiront par dériver. Car c’est ainsi qu’ils fonctionnent, à chaque fois que leurs corps se rapprochent. C’est plus fort qu’eux, plus fort que toi. L’alchimie.
D’une envie non réfrénée, il mordille le lobe de son oreille. Ses doigts glissent le long de son bras pour trouver les siens, s’y entremêlant déjà pour le tirer hors de sa position accoudée.
- Viens danser avec moi, souffle-t-il d'une voix échauffée.
Et de sa main libre, il attrape son verre pour le terminer d’une traite avant de les diriger vers la piste.
Derrière tes franges fournies de cils noirs, ton regard se fait un peu doux. A croire que ta proie t'avait émoussé.
A la question du président, tu repenses à l'incartade de l'après-midi, sans prendre en compte les autres confrontations régulières entre lui et toi. Sacha. Il était spécial et personne ne pourra te le retirer. mais vous n'êtes plus fait pour vous entendre, ça, c'était véridique. T'avise le fond de ton verre pourtant encore à moitié plein, tandis que ton index frotte pensivement le rebord. - Hum ? .. on s'est juste encore une fois rentrés dedans. Il est trop petit ; on est dans la meme classe ; ça donne des frictions. ... Et puis, il m'a challengé après une défaite et j'ai un peu de mal à tenir mes promesses quand il s'agit d'être attaché. ."
Tes propos sont terriblement équivoques ; et sibyllins en meme temps. T'en as conscience mais pour autant tu fais rien pour t'expliquer. T'as pas envie et t'es pas certain qu'Evan en petit émeché veuille se concentrer sur tes affaires. T'as peut-etre aussi oublié de relater le fait qu'il était ton ex.
Tu t'offres une gorgée de vodka, tu reposes le cul du verre et le regardes en coin. T'es clairement pas dans ton état normal. Tsais pas, c'ta journée ou c'est lui ? En outre, t'es pris d'une furieuse envie de ramener ton groupe pour chanter à la place. Puis, il ose.
Des propositions lancées non au hasard, et surtout où seul le regard est nécessaire à la compréhension, tu restes interdit. Danser. Toi. TOI. Tu fronces le nez ; rire mauvais. Putain la dernière personne a t'avoir fait danser, c'était justement sacha alors .. si tu viens à accepter avec lui, c'était que...
Un soupir, tu lèves le menton, tu rejettes la tête en arrière. Puis t'emmagasine fissa un deuxième verre, en le vidant cul sec, tout en te laissant entrainer sur la piste, la boule au ventre. T'es clairement pas à l'aise quand tu dois jouer le role du public.
- Je suis chanteur. Pas danseur." Raillerie. Tu penches la tête pour le darder d'un regard ambiguë, qui flirte entre reproche et envie. Tu aimerais te planter devant lui sans bouger, totalement hors course, mais il semble savoir y faire lorsqu'il glisse ses mains sur tes hanches. Tes paupières s'alourdissent, réaction directe.
Et vos corps s'épousent lentement, pour ne sentir plus que la chaleur corporelle par dessus les vêtements, l'odeur assez musquée et alcoolisée chatouillant ton nez. Ta respiration se fait naturellement plus lourde. Et posée.
« Encore une fois ». Il fronce les sourcils, perturbé malgré lui à la mention de frictions, de promesses et d’être attaché. C’est intrigant, Evan est curieux, mais il garde ses questions pour plus tard. Il veut savoir, oui, mais à cet instant précis, il le veut sur la piste. Il le veut à danser, avec lui.
Alors il l’attire, amusé par son froncement de nez. Par son cul sec avant d’y aller. De toute évidence, ce n’est pas une de ses activités préférées. Tant mieux. Il se sent privilégié. Evan se fiche des regards. Il se fiche du jugement. Désinhibé, sobre comme bourré, il oublie tous ceux qui les suivent des yeux pour ne se concentrer que sur lui. Plante son regard au sien, prêt à défier son immobilité d’un regard allumé.
- Détends-toi… souffle-t-il en posant ses mains sur ses hanches.
Il se rapproche, lentement, jusqu’à ce que leurs corps semblent ne former qu’un dans l’obscurité. Le déhanché, lascif, commence à s’imprimer. Ils sont un peu à contresens de la musique, mais il s’en fout. C’est pas ça qui compte. Pas vrai, Matthew ?
- Juste… Respire, et laisse-toi aller.
Ses doigts remontent, de ses hanches vers sa taille. Déjà son souffle se confonds avec le sien, de plus en plus profond. C’est fou comme c’est naturel, non ? Cette fusion. Tandis qu’ils dansent sur cette musique imaginaire qui n’appartient qu’à eux, Evan lève le menton. Plonge dans ses yeux bleus. Déjà le contact du chanteur l’alanguit, il traine ses doigts du côté de ses pectoraux.
- Le président… murmure-t-il proche de son oreille. Vous ne vous entendez pas ?
Simple curiosité. Ou est-ce autre chose, comme un pressentiment ? Distraitement, la pulpe de son index vient frotter contre une proéminence de son torse, bouton de chair qui perce au travers du textile. Ses yeux captent les siens, voilés par son odeur musquée et leur proximité. Il y peut rien, c’est toujours comme ça. Systématique. Il a envie de toi.
Et les gestes du chanteur ne l’arrangent pas. Ils le rendent fou, lui font tourner la tête. Rapidement ses lèvres montent pour tirer sur le lobe de son oreille. Le souffle lent. Affamé.
- Il y a des toi-… - Tu r’viens pas, Evan ?!
Coupé par l’appel, il penche la tête en arrière pour croiser les regards amusés. Il rit, car il se fiche des sous-entendus déjà lisibles dans leurs yeux éméchés.
- Je suis un peu occupé, là ! leur répond-il sans cesser la caresse de ses doigts sur le corps musclé.
Secoue la tête, pour se reconcentrer sur sa proie. Son prédateur, aussi, peut-être ? Il n’y a pas de ça entre eux. C’est juste instinctif. Primitif. Ça vient des tripes, et peut-être aussi d’ailleurs. Avec un sourire, plus charmeur que contrit, il revient pour embrasser sa mâchoire.
Tu t'es laissé entraîner dans cette affaire, un vendredi soir, sans prévision. Blanche colombe sait te débrider dans l'ombre de la langueur. Le déhanché, aussi mesuré soit-il, est tel que ton souffle s'alourdit. Brut. Profond. ..... tu te sens obligé d'expirer hors des limbes de ton être, t'imposant une quiétude digne de réfréner tes pulsions les plus cachotières. Que nenni. Le déhanché repart à l'assaut ensuite, tu le suis dans un automatisme cette-fois, l'ondulation des deux corps t'offrant un puit de vertige dans lequel tu te laisses aisément tomber.
Tu poses ta main sur ses reins, faisant fi de l'environnement sonore ; tu te laisses guider par la volupté de vos corps qui serpentent l'un contre l'autre. Ton souffle, tes lèvres, allant caresser son cou. L'effleurer. Et alors, t'es deja chaud comme la braise. Tu le veux encore. Encore, ENCORE.
Sa question pourtant tombe et t'arrache au spectre de tes fantasmes. - Sacha ? C'est mon ex. Ce terme a toutes les raisons d'expliquer l'ambiguité mais aussi les tensions de votre relation. Si ton coeur était susceptible d'avoir gardé encore de l'affection pour le petit blond, ton esprit lui le rejetait en bloc. Surtout en moment
Tu captes le voile de désir dans le regard d'Evan et t'es hypnotisé. Un sourire tendre et malicieux étire un peu tes lèvres. Puis ton acolyte de plusieurs soirs s'adonnent à quelques échappées belles sur ton corps, malgré la barrière des vêtements. Tu sureagis lorsqu'il touche à l'une de tes nombreuses zones erogènes, t'extirpant soupirs et sourires. Et en réponse, tes dents retrouvent la délicatesse d'une oreille à mordiller, cherchant dejà à fourrer tes mains dans son pantalon pour profiter de plus de chairs, te foutant éperduement des danseurs autour. Qui peut bien vouloir vous regarder ?
A l'élan coupé d'Evan, tu te laisses tenter par sa proposition. Constatant par la même occasion qu'Evan était vraiment apprécié d'autrui. ... Tu aimes cette propension à se faire aimer sans être faux.
Puis dandine l'optique aussi allégeante que poisseuse de vous retrouver dans les toilettes, t'excitant autant qu'être sur un banc pour le faire devant les autres. ... Mais étonnement.. ce soir, t'avais envie d'être celui qui reçoit.
Mu d'un désir grondant, tes mains agrippent les pans de son jean pour mieux le plaquer contre toi : tu grognes, féroce. Et sans mot dire, tu attrapes les renes et lui tire le bras pour vous conduire jusqu'aux toilettes, poussant sans tact aucun les deux clampins dans l'attente de libérer leur vessie, pour vous enfermer dans l'une des cases à chiottes.
La porte se ferme dans un fracas.
Seuls, dans ces chiottes où l'urine domine tout autre odeur. Peu importe. Tu le plaques sur les chiottes et te poses à califourchon sur lui pour prendre possession de ses lèvres, impérieux. Fougueux.
Son ex, évidemment. Evan n’est pas certain de la raison pour laquelle cette information le fait tilter. Parce qu’il s’en fout, au fond, non ? Bien sûr qu’il a des ex, et certainement pas qu’un seul. De son côté, il n’est pas non plus en reste. Vils séducteurs. Pour autant, Evan ne répond pas. Il a pas la tête à ça. Il laisse l’information de côté, mais un jour, Matthew, la question tombera.
Préfère se perdre dans son souffle. Ses soupirs. Le désir. Il laisse ses doigts courir, mutins explorateurs, tandis que les griffes sur son fessier le font réagir. La voix rauque, il sourit, propose de se retrouver ailleurs. Car il n’en peut déjà plus, son corps est déjà fiévreux du chanteur, sa tête embrumée par les liqueurs.
Il l’observe, cette envie sauvage dans les yeux orageux. Il la goûte, dans l’odeur de sa gorge qu’il embrasse. Insidieux. Malicieux. Souffle profondément, leurs bas-ventres fondus l’un à l’autre. Son grognement le ramène directement à l’instant t. Ça y est. La troisième possibilité.
Comme un vainqueur qui cherche son butin, Evan se laisse tirer, sourire plaqué aux lèvres. Il louvoie entre les malheureux qui se font bousculer. Pas de pitié.
- Désolé… Pardon, cas de force majeure vous voyez bien !
Et il a beau rire, cet empressement le tue de désir. Il te veut. Maintenant. Encore.
La porte claque, mais c’est pas ça qu’il regarde. Tout ce qu’il voit, c’est ce mec et toutes les insanités qu’il lit sur son visage. Le cul sur les chiottes, lève le menton et dévore les lèvres offertes. Ses bras s’enroulent à sa taille, glissent déjà sous son t-shirt pour se repaître de la peau bouillante. Il perd son souffle, un court instant, puis se recule en se léchant les dents.
- Encore une case à cocher pour les endroits insolites.
Les pupilles dilatées, l’envie qui gronde en lui. T’es en train de le tuer.
- Déshabille-toi.
Alors il le possède, d’abord sur les chiottes, puis contre la porte. Tant pis pour ceux qui entendent, ceux qui épient et qui commentent. Il s’en fout. Sa tête, jusqu’ici brumeuse d’alcool, n’est plus qu’ivre de lui. Il s’est glissé sous sa peau, jusque dans son esprit. Jamais repu. Il te veut. Maintenant. Demain, aussi.
***
Son souffle, qui revient peu à peu.
Le front posé contre son épaule, il relâche ses cuisses pour le laisser toucher terre. Redresse la tête, embrasse la peau tendue, le trapèze, la clavicule. Sa gorge, tendrement. C’était quand, la dernière fois qu’il a voulu agir ainsi ? Il sait plus, bien longtemps. Depuis des mois il se contente parfaitement de relations sans lendemain.
Puis ils se rhabillent, laissent derrière eux cet interlude fiévreux. Mais avant qu’il n’ouvre la porte pour affronter de nouveau la soirée, Evan l’embrasse en un geste effréné. Le baiser est lent. Différent. Sa main glisse dans les cheveux bruns, son corps si proche du sien. Il adore. Il t’adore, peut-être.
- On y retourne ?
Il se détache finalement, les yeux plantés aux siens, puis glisse une main dans son dos pour ouvrir le loquet. La réalité les attend, déjà un peu plus loin il entend ses amis chanter.
Ses doigts qui glissent contre les siens, comme un geste fantôme, mais il ne prend pas sa main. Ils s’en retournent, décoiffés et libérés, jusqu’à une table de joueurs pour s’asseoir à côté. Evan avise un verre, le boit cul sec. Il y a du monde dans la salle, et malgré la présence de Matt, les peurs diverses recommencent à l’assaillir. C’est trop dur, il n’arrive pas à les réfréner. Peut-être un jour devront-ils en parler. Aborder ces sujets, ceux qui sont lourds à porter. Mais pas tout de suite. L’alcool, son éphémère répit.
- J’en suis, glisse-t-il à l’intention de ses amis qui proposent un nouveau jeu. Matt, tu joues ?
Quand une amie s’avachit sur lui, Evan rit, amusé. C’est plutôt une bonne soirée.
Simple toucher, sensibilise tes sens à tel point que c'en est électrique. Tu frissonnes, tu frémis, tu brûles à brûle pourpoint, tu le détestes d'user de cette emprise sur toi, sans savoir qu'il en a une. Ou peut-être, t'en sais rien. Mais la dépendance appelle la dépendance. Peux-tu l'apparenter à de la drogue ? Un anti-douleur ? Non. Un stimulant ? Peut-être. Tu dirais une amphet de compétition, pour en avoir consommé par le passé. Tu sais de quoi tu parles et pourtant, t'avais perdu la sensation. de ce que ca fait quand ca coule dans tes veines, et que ca fait carburer ton coeur. Car si toi tu peux jouer avec leur pulsation, qui le fait pour toi ?
T'enlèves ton t-shirt, il roule à même ta peau et rejoint, minable, le sol. Tu prépares le corps pour les ébats. Tu te prépares pour votre lune de miel aux toilettes.
+++
Repu sur l'instant t, tu chasses mentalement l'effroyable insatiété qui malmène tes reins. Encore et toujours. Lui. T'es essouflé des déferlantes de spasmes qui ont eu raison de vous. De toi. Plaqué contre la porte, tu le quittes pas des yeux. Avec ce petit sourire satisfait ; l'air rêveur. You're dreaming. You're tripping. T'es peut-être un peu amoureux.
Si tu rentrais chez toi, ça arrangerait tes affaires morales. Tu saurais aussi te donner entièrement à la nouvelle chanson qu't'écris. Juste. Prend du temps pour toi. Au lieu de ça, il te fourre ta bouche avec sa langue et agrippe une nouvelle fois ces liens entre vous. Tu le sens qu'Evan veut les resserrer. Liens charnels... liens émotionnels ? T'es perdu.
Et quand t'es perdu, soit tu te braques. Soit t'avances sans réflechir.
Sa proposition d'y retourner tombe ; tu tiques un instant. Tu voulais fuir, mais tu lui laisses mettre une laisse autour de ton cou. Sciemment. Tu lui souris. Tu sais même pas s'il est sincère, mais dans ces échappées sexuelles, t'oublies un instant la réalité qui commence à s'former. Tu souris à sa proposition. tu t'attendais pas à ce qu'il t'embrasse comme ça. ... Et t'es un peu retourné par sa manière de le faire.
Vous prenez place autour d'une table, quelques minutes plus tard. Côte à côte et puis. T'avises les cartes, morne. T'sais pas ce qui t'arrive mais la contrariété fait loi en toi. T'es obligé d'inspirer, à deux doigts de sortir pour gratter un peu. Ou fumer, au choix. Au lieu de quoi, tu suis encore. Il te pose la question, tu acquiesces dans la désinvolture. Néanmoins peu fan des jeux en groupe. T'as plus 15 ans. ... et pourtant, t'es dans la cour des grands.
Massage pensif du menton, tes orbes orageuses ne lâchent pas d'un iota les cartes, quand soudain tu captes la pression que tu fous chez certains. De par ta stature, peut-être ton rang. Après tout, vous avez le même age, mais toi t'es encore au lycée quand eux sont libres et étudiants. Ca te fout le bourdon d'être encore entravé à ton âge mais peu importe, ca te fait encore plus réflechir sur ta position et les âneries que tu fais en classe. Tu devrais arrêter de sécher.
D'autres regards, plus mauvais ou peu amènes, coulent vite fait sur toi. Ca t'arrache un sourire franc. Susciter méfiance ou haine, t'as toujours aimé ça. Et si yen a dans le lot qui veulent se détendre par quelques coups de poing, t'en étais, assurémment.
Mais en visualisant autour, ton regard tombe sur cette fille qui colle Evan. Là, ton sourire se meurt doucement. L'entendre glousser à tout ce que peut dire blanche colombe, ça te pique un peu. Tu la fixes un instant, le regard bas et noir. Mais elle ne te calcule absolument pas. Alors tu te concentres sur tes cartes, de plus en plus mal avachi contre le sofa.
Et puis, t'apprécies de moins en moins le temps qui passe. T'aimerais te barrer, ce n'est pas ton environnement. Evan perd enfin, t'arrive même pas à profiter du fait que t'as été meilleur que lui. Peut-être que tu préfères ton comité. Ilya, Everlee, Andrea. Eux, c'était ton sang. ...Et c'est dans ces moments là que tu te rends compte de certaines vérités. De ton niveau d'attachement à ce foutu lycée de merde.
... ou à ce blandinet qui cherche ton regard pour te proposer de danser. Ton sourire est amer.
Le jeu se déroule, bruyant mais amusant. L’alcool descend à flot, au même titre que les chances d’Evan de gagner. Il s’en fout, il joue, caresse de temps en temps la cuisse du chanteur distraitement. C’est pas voulu, c’est pas pour le brider ou l’enchaîner. Juste un instinct, quelque chose que son corps fait. Tactile. Aimanté.
Les regards vers Matt, il ne les voit pas. Il ne sait pas. On veut le serrer, l’insulter, le buter ? En temps normal, il aurait peut-être réagi. Il se serait fait plus grand, plus effrayant ? Non. En fait, non. Le bassiste a pas besoin ça. Et franchement, qui a peur d’Evan ? Personne à part lui-même. N’est-ce pas ?
Il perd le jeu, ce qui est loin d’être étonnant. Incapable de se souvenir où est-ce qu’il pose ses chaussures en étant sobre, on ne pouvait pas en attendre qu’il mémorise des cartes en étant alcoolisé. Mais il rit, car ce n’est pas grave. L’essentiel c’est de se détendre et de s’amuser.
- Ptain les gars, je suis pratiquement certain que vous m’avez encore roulé, s’exclame-t-il en lâchant ses cartes.
Il veut se tourner vers Matt, lui proposer de s’en aller pour respirer. Car il sait que t’es muet. Peut-être même que tu te fais chier. Mais les effluves d’alcool le lui font oublier, déjà un ami lui frictionne les cheveux en riant de lui. Tu feras mieux la prochaine fois, qu’il lui dit. Evan rit, puis se laisse tirer debout en direction de la piste. La tête en vrac, il ferme les yeux, puis il cherche son regard. Il veut pas le laisser.
- Tu r’viens danser ?
Ne remarque pas son amertume. Déçu, un court instant, à peine le temps d’effleurer ses cheveux qu’il est déjà poussé au centre de la pièce. Ses yeux sont dans le flou, mais il n’y a plus rien dans sa tête. Pas de peurs, pas de terreurs, mais surtout, pas de questionnements existentiels. Liberté. Fragile.
Il clôt ses paupières, se mouve en rythme d’une chanson lascive. C’est à peine s’il les remarque, ses deux amis qui le collent et qui dansent avec lui. Jusqu’à ce que le jeune homme aventureux se glisse dans son dos pour un collé/serré auquel Evan ne répond qu’à moitié. Distrait, quand les peurs du garçon s’insinuent dans sa tête à cause du contact prolongé, il s’éloigne de lui-même. Inspire, expire en se massant les tempes. En quelques enjambées, il rejoint son bassiste préféré. Dans son dos, il vient glisser les bras autour de sa nuque et se penche pour lui parler.
- Hey you.
Bute contre un mur, silence et indifférence. Ça lui ressemble pas. Ou peut-être que si ? Il le connait qu’avec lui, dans un contexte privé et libre. Son visage public, il n’en a eu que de très rares aperçus. Des rumeurs. Des on-dit. Une soirée, presque un mois plus tôt. Il le sait caractériel, tendance à chauffer et s’énerver. Evan s’en fout, limite ça lui plait, il veut juste savoir comment te désamorcer.
S’apprête à parler pour le dérider, mais il se sent agrippé et tiré vers l’arrière. Pas le temps de se défendre ou de réagir, déjà le jeune homme délaissé sur la piste un peu plus tôt est en train de le galocher. Putain, vraiment ? Cligne des yeux, à se demander si c’est bien la réalité. Puis il pose une main sur le torse de l’intrus, le repousse calmement.
- T’es sérieux, mec ? Va dessaouler, t’es mort là.
Il rit, car il n’est pas du genre à s’énerver pour si peu – ou à s’énerver tout court. Pas non plus celui à être gêné. Pour autant, ce baiser ne lui a pas plu. Peut-être qu’il aurait pu, à un autre moment. Quelques semaines plus tôt. Mais pas maintenant. Plus maintenant.
Tu demeures assis aux cotés de personnes superficielles, ou peut-être qu'elles ne t'intéressent pas Matt. Toi tu fais pas genre d'être au top de ta forme ou de surnager. Tu ne sais pas d'où vient ce besoin d'écraser la moindre chance d'apprécier la plèbe autour de toi.
Mais peut-être bien que ce soir, tu voulais pas consommer du social. Tu voulais seulement lui. Ca te bouffe. Tu ferais mieux de lever le pied au lieu d'accélérer. Freine. Freine juste.
On te propose un nouveau tour de jeu, lequel tu déclines finalement, par un haussement d'épaule. Tu lances un regard en coin, vers Evan. Tu cherches à concentrer ton attention sur la seule chose capable de te ramener à ton quotidien : ta basse. Tu la sens contre toi, la main sur sa lanière.
Et soudain, un souffle caresse ta nuque. Tu frissonnes. Entrouvre les lèvres. Tu sens ses mains sur tes épaules, et au lieu de te défendre, tu te crispes davantage. En régle générale tu peux évoluer dans ce genre de contexte mais depuis votre échappée sauvage dans les toilettes, tu supportes mal l'ambiance.
Ou les mouettes qui tournent autour d'Evan.
Au lieu de répondre au belâtre, tu fais mine de t'intéresser à smartphone. Tu préfères ignorer le monde qui vous entoure, trop préoccupé par l'étendu de l'émotion qui menace de déferler en toi. .. tu te sens minable. T'es minable. C'est pire que tout.
Tu te tournes d'un seul coup pour le confronter, lui demander de se barrer, quitte à encore le faire ailleurs, tu t'en fous, et s'il n'était pas encore question de s'envoyer en l'air, l'idée de trainer dehors et de jouer de la musique te grise plus que le contexte actuel.
Sauf que là, ton regard tombe sur un baiser ; tu t'demandes si t'es pas en train de rêver. Petit rictus en coin, amer.
Brutal, tu te redresses du haut de ton mètre 90 et attrapes ta basse pour ensuite quitter le sofa et faire un pas vers l'odieux connard en proie aux affres de l'alcool.
- Evan te plait ?
T'ironises. T'es salé. Si la réaction d'Evan a su clairement tempérer la colère naissante, tu peux pas t'empêcher d'attraper le col du pot de colle pour le repousser un peu trop fermement en arrière, le faisant ainsi tomber sur le cul par le manque d'équilibre.
Tu le fixes avec cet air de menace. Non, c'est pas de la menace. C'est juste l'absence totale d'altruisme en toi. Le rictus est cette fois-ci mauvais, il relève la cicatrice à tes lèvres et marque un peu plus sa laideur.
Ton regard tombe sur la silhouette d'Evan un instant. Tu plantes tes orbes d'un bleu sombre dans les siens, puis d'un clignement de paupières, tu observes autre chose. La sortie, probablement. Avant de finir par le contourner pour quitter la fête, tu lâches un bref :
Et ça ne manque pas. Evan le suit des yeux, ce géant à l’aura menaçante qui se dresse. Il a beau faire peur, il a beau se faire agressif, il ne peut pas s’en empêcher. Il l’observe, scrute les expressions de son visage à la recherche de… de quoi ? De rien. Tu l’obsèdes.
Et c’est peut-être ça qui lui plaît ? La place qu’il se fait sous sa peau, à l’empêcher de penser.
Cette question qu’il pose avec tant d’ironie, si simple et si lourde de sens à la fois, lui fait presque hausser les sourcils. Y a-t-il des mots à comprendre ? Un sens caché ? Est-il encore vraiment caché, à ce niveau ?
Evan le suit des yeux, ce garçon qui se retrouve sans équilibre et qui s’étale par terre. Il n’a pas l’air de se faire mal, c'est peut-être une chance mais c'est presque si Evan s'en fiche. Il tourne la tête, ressent la force de leur échange avant que le bassiste ne s’en aille. Avant que tu ne décides de partir. Maintenant. Après ça ? Oh non, ce n’est pas possible. Il y a trop de choses à dire, trop de choses à faire dire. Un stade est dépassé, comme quelque chose qui vient de se briser. Ou bien de se créer ? Il en sait rien, l’heure est trop avancée pour penser aux métaphores.
Alors tout est rapide. Il aide le garçon à se redresser, confié aux soins d’une amie. Quand il essaie vaguement de s’excuser, Evan le stoppe d’un geste de la main. Ce n’est rien. C’est même peut-être ce qu’il fallait. Sans autre forme de procès, il rejoint la porte à grandes enjambées. Traverse le couloir, accélère le pas jusqu’à finalement l’apercevoir. Son cœur qui bat.
- Matthew !
Evan le suit, cet homme au cœur meurtri. Cette fois-ci il ne tombe pas quand il parvient à sa hauteur. On en a fini d’être stupide. Fini d’être idiot. Pour ce soir du moins, ce n’est plus l’humeur. Car quand il le faut, Evan sait être calme et posé. Il sait être sérieux, et même pleinement concentré. Pose une main sur son épaule, pour l’arrêter. Pour te retenir.
- Matt, répète-t-il en essayant de le retourner vers lui.
Et ça le tue. Ce regard, qui le cherche et l’évite à la fois. Ce sentiment qu’il y voit, qui ressemble presque à de la culpabilité. Mais pourquoi, Matthew ? Explique-toi. Parce que ça le tue de vouloir tous les sous-titres. Et pourtant il n’est pas bête, il est presque sûr de savoir lire. Il veut juste l’entendre. Il veut juste comprendre. C’est jamais arrivé, mais ça y est, Evan a besoin des mots. D’honnêteté.
Alors il attrape son menton entre deux doigts, lui refusant de s’échapper s’il le voulait. Il plante ses iris, résolument accrochées dans les siennes. Se délecte de la couleur de la nuit. C’est pas sûr qu’il s’en lasse, de ce type. Et ça le terrifie, ça aussi.
- C’était quoi, ça ? demande-t-il doucement.
Il l’a déjà vu en colère. Il l’a même vu confus à en devenir dangereux. Mais là c’était encore autre chose, cette flamme qui brillait. Il ne peut pas s'empêcher de sourire.
Le fond sonore résonne encore dans tes oreilles, alors que tu t'éloignes clairement du couloir où les basses percutent ton coeur. T'es trop prêt. Beaucoup trop prêt. Ton instru' dans le dos, tes pas lourds ont beau être fermes, dynamiques, reflet de ton désir de fuir la situation, tu le sens dans ton dos. Le fantôme de la culpabilité, te suivre tel une malédiction. T'aimerais t'en défaire d'une pensée rageuse, tu n'y parviens pas.
Sa voix intervient enfin. Tu le sentais qu'il allait te suivre et étrangement s'il ne l'avait pas fait, t'aurais compris de quoi il en retournait entre vous. T'aurais dû t'en arrêter là, Matt, c'était sympa, vous pourriez continuer juste pour le plaisir de la baise. C'est une drogue à laquelle tu ne dis jamais non. Mais les propensions se sont noyées dans les méandres de tes émotions. T'aimerais juste t'arracher le coeur et jouer avec tous les autres.
Tu réponds rien à ses appels. Ton pas décélère, mais ton esprit se ferme encore plus, à l'idée d'une confrontation. T'inspire profondément, ta poitrine se soulève et. Il te retourne. Tu n'opposes aucune résistance, tu te laisses clairement faire, c'est comme si t'accompagnais son mouvement de main, son élan de clairvoyance.
Ca te saoûle. Ton regard est furibond, l'espace d'un bref instant. In spite of how the world decides to see my life Would I still have a chance for us to say goodbye.
Un simple soupir. Qui annonce le début de la fin. - Qu'est-ce que tu fous là. Je suis pas un grand fêtard, moi, c'est sur l'estrade que je brille, pas dans le public. ... Ce serait mieux que t'y retournes."
Le regard ne s'arrime plus au sien. Tu veux pas de sentiments ; tu veux pas de regrets, encore moins de remords. Qu'est-ce qu'il comprendrait pas là-dedans ? Et toi, pourquoi tu lui dis rien. C'est pourtant toi, le premier, qui supporte pas qu'on le touche. Le sourire pétri de sarcasme en dit long sur ce que tu es.
C'est à dire un putain de lâche.
Ces sentiments n'ont clairement pas lieux d'être là. et pourtant... Alors que ton expression oscille entre inquiétude et regret, tu prends possession de sa question avec une certaine minutie. C'est comme s'il cherchait à savoir. Peut-être pour te poignarder ensuite ? Peut-être parce que... t'as ce fantasme qu'il t'aime bien aussi ? C'est pas parce que vos nombreux regards ont désiré chez l'autre l'univers entier que vous étiez forcément sur la même longueur d'onde. N'est-ce pas ?
Tu cherches quoi lui repondre. vainement. - ... je sais pas ce qui m'a pris, Evan. .. Oublie.
Le visage bas et las, tes paupières s'affaissent, tes lèvres s'entrouvrent. T'as l'impression de baisser les bras. Pour quelle foutue raison d'ailleurs ? Pourquoi tu te battrais pas pour ce que tu veux ? Depuis quand t'es comme ça Matt' ?
If we can be found, We sure can get lost Through all the madness of falling in love
Tu serres les poings. Encore en proie aux nombreuses réflexions, tu ne le regardes toujours pas. En revanche, tu ne veux pas qu'il oublie, en vérité. Tes yeux soudainement plus clairs se plantent dans les siens. L'expression plus directe et intrusive que jamais. - Je veux pas qu'on. ....
Ses mots, c’est à peine s’il les entend. C’est à peine s’il les comprend. Parce qu’il s’en fout, que ce ne soit pas un fêtard. Il s’en fout, que la foule le mette mal à l’aise. À vrai dire il s’en fout aussi, s’il ne veut plus jamais le rejoindre dans ce genre de fêtes. Il peut s’en contenter, de juste le regarder briller. D’ailleurs y a pas besoin d’une estrade pour ça, tu sais ? Tu brilles, Matthew. T’as l’impression qu’il est lumière et toi obscurité, alors qu’en fait c’est tout l’inverse.
Et ces mots, ils ont beau sonner comme une fin, Evan ne les accepte pas en tant que tels. C’est l’une de ses forces, la persévérance. Il sait qu’il y a encore quelque chose derrière. Il ne sait pas quoi, il ne le connait même pas. Mais il y a quelque chose, et il saura trouver quoi.
- Tu veux que j’y retourne ? demande-t-il rhétoriquement.
Observe toute cette palette d’émotions qui transcendent le regard de la nuit. Il y reconnaît l’inquiétude, pour la voir si souvent dans son propre reflet. Et à cet instant, tout ce qu’il aimerait faire, c’est l’embrasser. L’embrasser, puis peut-être le supplier de se barrer. De partir, loin de lui. Parce qu’il n’est pas aussi bénéfique qu’il n’y paraît, il en est persuadé. Il a des problèmes, Evan. Et l’un d’eux, c’est toi. T’es un problème, car il peut pas te sortir de sa tête. T’es un problème, parce que tu fiches tous les autres au second plan. Tu le tues, tu le bousilles. Parce que là, sous ton pied, entre tes doigts, tu possèdes ce qui le fait vivre.
Putain. Il l’avait pas vu venir.
Son regard passe de l’un à l’autre de ses yeux. Même s’il le confronte pas, même s’il fixe résolument ailleurs, Evan ne le lâche pas. Il veut savoir. Certainement pas oublier.
- Non.
Et finalement, ces deux billes qui l’affrontent. Cette expression, presque impertinente, qui se peint sur son visage. Et ces mots, tout juste amorcés. Evan sent son cœur accélérer. Pourtant la basse est éteinte, dans le dos de son musicien. Y en a combien, qui sont passés par là ? Combien de têtes et combien de cœurs qui ont été manipulés ? Il y pense, mais il peut pas s’en empêcher.
- Tu veux pas qu’on quoi ?
Qu’on continue ? Qu’on se revoit ? Son menton est toujours entre ses doigts. Et même s’il ne sait pas la suite de l’histoire, Evan se rapproche, lentement. Les yeux levés sur les siens. L’air sérieux, plus que jamais. Fini de jouer.
- Dis-moi.
Parce qu’ils se sont jamais rien promis. Ils n’ont jamais parlé. Jamais fixé de limites. Lentement, ses lèvres approchent des siennes. La poitrine qui se soulève, leurs souffles se mêlent.
Il aura tellement de choses à lui dire. Tellement à lui apprendre sur lui. Mais est-ce que c’est si important ? On a le temps. Fais pas le con, Matthew.
Tes yeux s'agrandissent lorsqu'il rapproche son visage du tien. Peut-être bien que t'as peur par ce qu'il est en train de te faire ressentir. Peut-être que tu veux continuer à jouer les lâches et fuir, sans assumer derrière ce qui pourrait être ta meilleure vie ?
Ou alors la pire ? Mais si tu fonces pas alors quel sens à cette foutue mascarade, à part celle d'être un faible, Matt ? Tu ne fais que t'appauvrir dans tes doutes, te pétrir de questions mais depuis quand tu ne prends plus à bras le corps les réponses à tes questions, comme à l'accoutumé ? ça te pèse tellement que t'en oublie le moment présent. Profites des souvenirs, profites de l'attente mais surtout de l'instantané.
Et si demain tu meurs ? On se sent toujours immortel, non ?
Tes iris brillent, d'une teinte proche du saphir, et ne se détachent plus de ceux d'Evan, d'un azur céruléen limpide et glacial. T'sais pas pourquoi, c'est la première fois que son regard t'hyptonise. T'as envie d'arrêter le temps juste pour éterniser votre échange. Le somnus d'arrêter le temps aurait été parfait en cet instant.
Puis t'es incapable de relâcher la pression dans l'entiereté de ton corps, les muscles broyés dans l'étau de la nervosité. Tout, te parait en suspension. Tu n'entends plus que l'écho d'un très lointain jeu de basses en continu, tu ne saurais même pas dire si d'autres élèves passent dans le coin ou si quelqu'un était dans le dos d'Evan. Parce que tu ne vois que lui.
Oui. Tu ne vois que lui. C'est étrange lorsque t'assume d'un coup tes conneries, matt. Tu ne peux même plus empêcher le petit sourire de poindre au coin de tes lèvres, en sublimant ainsi les traits de ton visage. De ton stigmate.
Tu manques toujours d'air. Ou alors tu respires trop lentement, comme si ton coeur décidait pour toi. T'es plus maître de rien, tu aimes tout ce que tu es en train de vivre, putain.
Ton regard se fait mi-clos. S'il te tient le menton, toi tu lui agrippes la nuque pour détruire à jamais la distance, qui te gène ; t'évince puis tu prends, tu prends ces fucking lèvres et tu l'embrasses comme un assoiffé, un démon, insatiable, tu t'abreuves juste des émotions devenues drogues, dans un ballet terriblement langoureux et intense. Et plus tu décides de prendre, plus tu es en manque. Ta dextre glisse dans ses cheveux de neige, tu étouffes clairement toute occasion d'objecter l'issue de cette histoire, tu refuses catégoriquement qu'il te rejette parce que... tu l'as décidé, maintenant, tout de suite, tu acceptes l'ampleur des dégâts qu'il a causé en toi.
Lorsque tes lèvres se détachent des siennes, très lentement, t'es aussi apaisé, repu qu'envoûté.
Tu crois que tu m'aimes un peu, Evan ?
- Je ne veux plus qu'on te touche.
Possessif, territorial, et définitivement exclusif.
C’est fou, tous les mots qui passent au travers d’un regard. Tous les éclats, tous les doutes, tous les espoirs. A mesure qu’il le contemple, Evan se sent choir. Il sent son cœur qui bat la chamade, pour ce mec dont les zones d’ombre sont encore si nombreuses. Mais est-ce que c’est pas ça, aussi, qui lui plait ? Il a besoin de te découvrir. Il veut t’effleurer, du bout des doigts, jusqu’à ce que tu montres chacune de tes zones cachées. Et si dans le lot il y en a dont tu as honte, s’il y en a que tu n’aimes pas montrer, il est prêt à les adorer. A les aimer ? Putain Matthew, qu’est-ce que tu lui fais ?
Ses yeux pèsent sur lui, son corps aussi. Il aurait dû le voir venir. Depuis le début, à chaque fois qu’ils se croisent, c’est comme s’ils étaient aimantés. A quoi bon lutter ? Evan n’est pas de ceux qui hésitent. Il est de ceux qui se jettent, à corps perdu. Et quant à ses problèmes… On s’en fout. Plus tard.
Les mots se font attendre, le bassiste sourit. Et qu’il est beau, ce sourire. Il est comme un secret bien gardé, comme une douceur qu’on ne propose qu’à de rares élus. En le voyant, Evan perd son souffle. Il arrête de s’approcher, se contente juste de le contempler.
Puis il te voit craquer.
Enfin, les lèvres qui viennent le ravager. Enfin, la passion qui peut se déchaîner. Enfin.
De son menton, sa main glisse pour s’agripper ; comme si elle allait l’empêcher de défaillir. Il tire sur son col, maintient le géant contre son corps. Il est fou, fou de son toucher, fou de son baiser. Sa langue le goûte, encore et toujours. Elle s’abreuve des quelques effluves d’alcool, de chacune de ses intentions qui ne se dissimulent plus. Comme un noyé auquel l’oxygène est accordé, il se perd et s’accroche. Se raccroche. T’en as pas terminé, pas vrai ? De lui faire oublier qui il est.
Alors Matthew termine de l’achever. Leurs lèvres se séparent, lui manquent déjà. Et Evan, renversé, se délecte des mots qui s’échappent. Il le dévisage, comme s’il le voyait pour la première fois. Car il a pas rêvé, n’est-ce pas ?
- … je vois.
Un rire qui se perd, léger et incrédule. Ses doigts qui se serrent sur le tissu sombre. Putain, s’il l’avait su, quelques semaines auparavant. Prend un temps pour assimiler cette question voilée. Un court instant, juste pour que son sourire reprenne de l'ampleur et s'illumine. Ces mots, ils veulent tout et rien dire à la fois. Alors Evan choisit. Ils veulent tout dire.
Balance entre ses deux iris, approche ses lèvres des siennes. Encore. Toujours. Parce qu’au fond, quelque part, il y a sûrement déjà une partie de lui qui t’aimes.
- Alors on ne me touchera plus, si c’est ce que tu veux.
Ça fait bien longtemps, qu’il n’a pas fait ce genre de proposition. Esprit libre, papillon de lumière, il se laissait porter. Pourtant aujourd’hui, pour lui, il n’y a pas l’ombre d’une ambiguïté. Pas d’autre éventualité. Il ne sait pas pourquoi. Il ne le comprend pas. C’est juste comme ça. Les dents qui mordent sa lèvre inférieure, puis ses bras se nouent autour de la nuque du chanteur. Il s’y pend, il l’embrasse, gourmand. Il se délecte de sa force, de sa tendresse, de tout ce qu’on est en train de lui offrir. Et dans sa tête elle est loin, la voix qui lui dicte de fuir.
- Matt, souffle-t-il en écartant finalement ses lèvres. Qu’on soit bien clairs.
Aussitôt, son sourire s’acoquine. Ses mains dévalent, de ses épaules jusqu’au creux de son dos. Il le plaque contre lui, définitivement alangui. Ça lui plait, de pouvoir lui faire tout ce qu’il souhaite. Il n’en a pas fini d’avoir des idées. Il n’en a pas fini de te désirer.
- Je n’arrêterai pas de manger des bonbons, même si tu me le demandes.
Il agrippe sa lèvre entre ses dents, tire dessus comme un affamé. S’il l’avait su, que tu le ferais craquer.
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Jeu 19 Aoû - 16:52
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