Se pinçant les lèvres d'énervement au dernier message de Charlie, Lily-Rose savait qu'à cause du temps que l'autre avait mis pour répondre à sa demande de rendez-vous, il ne lui en restait pas beaucoup pour mettre en place son piège. Ses menaces, du flan, elle ne les pensait pas. A aucun moment elle s'était dit qu'elle allait le dévoiler. La demoiselle avait pourtant bien compris depuis longtemps que Charlie ne voulait qu'on fasse ressurgir les fantômes de son passé. C'était d'ailleurs pour ça que les deux filles se détestaient depuis tout ce temps. Lily ne pourrait jamais lui pardonner, c'était à cause de cette histoire qu'elle avait dû quitter le continent et abandonner tout ce qui lui tenait à coeur. Que sa grand-mère avait pour toujours disparu. L'objet qu'elle lui avait volé, la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Si la jeune fille n'est pas quelqu'un qui pardonne facilement de manière général, Charlie ne l'obtiendra jamais. Mais voir la petite se la couler douce dans sa nouvelle vie, alors qu'elle l'a fait souffrir, est quelque chose d'insupportable. Comment la laisser simplement vivre sa vie sachant qui elle est vraiment ?


Lily-Rose avait donc préparé un de ces coups qu'elles avaient l'habitude de se faire toutes les deux. A toutes jambes elle court au toit où elle a donné rendez-vous. Endroit tout trouvé pour coincer quelqu'un. Il ne s'ouvre que de l'extérieur, il lui a juste fallu trouver un moyen pour qu'elle se referme. Mais elle savait Lily, que normalement on mettait un cale pour ne pas rester coincer. Le cacher suffisait pour que la lourde porte se referme après Charlie. Et une fois enfermée elle allait devoir attendre un sacré moment avant de pouvoir sortir. La demoiselle ne craignait pas les représailles qui pourraient venir ensuite. Que pouvait faire Charlie qui serait que ce qu'elle lui a déjà fait ? Les douleurs indélébiles qu'elle avait inscrites sur Lily-Rose. Trouvant l'endroit parfait où cacher la cale, sur le toit même, seize heure arrivait. La jeune fille commençait à descendre quand elle se rendit compte qu'elle avait oublié son sac à dos sur le lieu du crime. "Quelle boulette ! Bon j'ai le temps si je me dépêche..." Elle grimpe deux en deux les marches. Elle ouvre grand la porte qui n'avait plus de cale et tenta de retrouver compagnon de dos, contenant ses précieuses affaires. Un coup de vent et un gros bruit retentit. Se retournant à la hate, les mots d'oiseaux en son encontre fusent alors que la porte se retrouve fermée. L'arroseur arrosé comme on dit. Au moins quand Charlie arrivera elle lui ouvrira. Mais... le plan perdrait de tout son intérêt. Posant son oreille sur la porte, les joues rouges de honte, elle entendait déjà les bruits de pas qui l'énervaient tant de Charlie. Bizarrement elle sentait les problèmes arriver.

Son dos glisse un peu plus le long de la chaise, ses mains agrippant son téléphone alors que le professeur fait son cours. Elle le regarde d’un coin de l'œil de temps en temps, mais tout le monde sait que Charlie n’y porte pas réellement attention, encore moins maintenant. Bien qu’elle aime se dire avoir fait le deuil de son enfance, elle ressent un petit pincement au cœur en lisant les messages de l’une de ses victimes. Très vite, cette touche de tristesse se transforme en haine, comme cela l’a toujours été entre elles. Alors qu’elles ont l’habitude de se jouer des tours, la brune ne s’attendait pas à une trahison pareille, mais peut-être qu’elle le mérite un peu au final. Un petit instant de doute vient s’installer en elle, mais elle le balaye presque immédiatement avant d’éteindre son téléphone et réfléchir à un moyen de sortir de cette histoire. Mieux, à un moyen de se venger.


Alors que l’heure du rendez-vous approche, la lycéenne se presse en direction de sa chambre. La belle avait fait usage de son pouvoir qui lui avait donné la meilleure solution, enregistrer la conversation. Comme ça, elle pourra la ressortir au reste du monde, montrer que la jolie Lily toute populaire n’est pas mieux qu’elle. Après avoir trouvé avec difficulté un enregistreur perdu dans ses affaires en bordel, oui, elle collectionne vraiment n’importe quoi, elle se dirige vers le toit. Alors qu’elle grimpe les marches doucement, comme pour faire durer le suspens, elle allume l’enregistreur avant de le glisser dans sa poche. Voilà, il ne reste plus qu’à rencontrer celle qui la menace. La lycéenne pousse brusquement la porte du toit, toujours avec ce petit air fier qui orne son visage, et la claque aussi rapidement qu’elle l’a ouverte, ne laissant pas le temps à l’autre demoiselle de réagir. “Bon, tu veux quoi ? tu veux que je te donne mon goûter et en échange tu te la fermes ?” lâche-t-elle, un petit sourire narquois aux lèvres. Même les menaces, Charlie ne les prend pas au sérieux. Au final, peut-être que la situation la faisait plus rire qu’autre chose, surtout avec son petit enregistreur en poche, elle a l’impression que plus rien ne peut l’arrêter. Enfin, si son passé est vraiment relevé, elle fera peut-être moins la maligne.

Prise dans son propre piège, Lily se sentait encore plus idiote qu'elle ne l'était. C'était dire à quel point elle se sentait bête.  La porte d'un côté et de l'autre l'étendue du toit plat et du ciel à perte de vue. Elle s'y perdait souvent dans le ciel, tête en l'air qu'elle était. Sens propre et figuré- celui qui vole près des étoiles, trop haut. Au loin une demoiselle éteinte sur le bord, on la jeune fille la voit essayer de toucher la barrière mais sans y réussir. Le toit. Quel théâtre macabre. D'un coup Lily-Rose trouvait cela cruel d'avoir voulu y enfermer Charlie, elle-même ne voulait pas y rester une seconde de plus. La porte sous son oreille, elle la tend, attentive aux bruits. C'est alors quel entend le pas lancinant de Charlie. Ce qu'elle pouvait la détester cette démarche. C'est celle qui fait croire à tout le monde que celui qui marche leur est supérieur. Pourtant on a tous le droit de marcher autant que lui. La petite pensait-elle que Lily ne représentait pas de danger, insignifiant petit insect, et que donc elle lui était supérieure ? Cette pensée raviva la colère qui s'était apaisé en honte. Les pas se rapprochèrent. Craignant un bon coup de porte dans son pauvre nez, la chère anglaise s'écarta. Charlie fit alors son entrée. Il n'aurait manqué qu'un tonnerre d'applaudissements. Le tonnerre. Comme le tonnerre elle l'avait fait franchement sursauter. Cette arrivée brusque avait franchement tranché avec le pas détendu de l'autre coté de la porte.


La porte qui venait à peine d'être réouverte claqua dans un nouveau grand bruit. La peste soit de Charlie Gray. La madame devait être super intelligente avec son pouvoir, pourtant là elle avait vraiment manqué de jugeotte. Au moins Lily se trouva une pincée de fierté pour se dire que son piège aurait pu fonctionner. L'autre paraissait très énervée, mais elle ne comprenait pas à quel point l'anglaise était furieuse qu'elle ait refermé la porte. Pourtant, autant la blonde bouillait de l'intérieur autant de l'extérieur elle était juste décontenancée. "Mais..." Elle ferme les poings "Mais c'est pas possible d'être aussi débile !!" Pour une fois que c'était pas d'elle qu'on disait ça. Mais la situation était trop critique pour en rigoler. Elle commençait déjà à avoir des frissons, l'air frais soufflait sur elle. "T'es trop bien tombée dans mon piège et maintenant .... on est toutes les deux enfermées ! Sur le toit ! Toutes les deux !" C'était le pire. La pire chose qui pouvait arriver est arrivée.

Arrivée théâtrale, la jolie brune attendait des applaudissements, mais elle a le droit à un tout autre spectacle. La belle a toujours cette mauvaise habitude de tout détruire sur son passage, que ce soit volontairement ou non. La preuve, elle a réussi non seulement à être piégée mais également à mettre à mal son bourreau. Dire qu’elle avait déjà des doutes sur la blonde, que peut-être que cette histoire de révéler la vérité était juste une mise en scène, mais elle était tout de même venue, et voilà qu’elle assiste à ce bien triste spectacle. Hilarant. Charlie s’est toujours sentie supérieure à elle malgré ce qu’elle lui a fait, de toute façon Lily a toujours été plus idiote qu’elle. Voilà que la situation vient réconforter la brune dans cette idée. Quelle imbécile, même pas foutue de monter un piège correctement, elle a encore beaucoup à apprendre de Charlie.

La porte claquée, la demoiselle semble bien énervée. Alors à ses paroles, Charlie la regarde comme elle regarderait un clown dans un cirque, mal. Très mal. Ses bras se croisent alors qu’elle fronce les sourcils.  “C’est moi que tu traites de débile ?” Elle réplique d’un ton agacé. “T’es même pas foutue de ne pas tomber dans ton PROPRE piège et c’est MOI la débile ? Wow ! Félicitations." Elle applaudit, tout en se rapprochant d’elle, tentant d’être un minimum imposante bien que sa petite taille indique plutôt le contraire. “Maintenant tu vas me trouver un moyen d’ouvrir cette porte ou je te jure, y en a une d’entre nous qui ne va pas descendre de ce toit.” Elle râle, comme à son habitude, et afin de lui montrer qu’elle ne compte rien faire, elle s'assoit par terre avant de lâcher un nouveau soupir, cette fois-ci elle fait exprès de le rendre le plus bruyant possible pour montrer son agacement, comme s’il n’était pas déjà assez apparent.

Allez, danse, je te regarde.
Charlie, peste à temps plein.

Le vent soufflait, portant la voix irritée et fluette de la blondinette directement dans l'oreille de sa rivale. Est ce qu'elle allait comprendre ? Comprendre à quel point Lily la détestait mais à quel point elle ne pouvait pas l'effacer de son monde ? Il fallait pour tout le monde quelqu'un à détester du plus profond de son coeur, une haine inconsolable, une colère pleine d'étincelles. De celles qui illuminent une face cachée, sombre et dégoutante. Elle se devait de lui jouer des tours, de la voir redescendre de ses grands chevaux, de ce piédestal intellectuel sur lequel elle s'était placée, grâce à son pouvoir formidable. Inventer des pièges ingénieux. Ou alors dans des pièges idiots, plus le piège était idiot, plus Charlie était idiote non ? Mais si Lily tombait dans le piège idiot qu'elle avait elle-même créé, ça faisait d'elle quelqu'un de plus ou moins idiot que Charlie ? La petite brune avait l'air de le penser. Alors qu'elle même faisait porter sa voix. "Oui eh bien au moins moi j'ai pas été assez débile pour tomber dans un piège aussi I D I O T !" Sa voix se cassa alors, jetant un coup d'œil au toit, à la porte fermée. Elle se sentait toute gênée, elle était sûrement bien plus "débile" que Charlie ne le criait. "Bon ok ! Mais qui te dit que ce n'était pas prévu, hein ?" Sa colère et son agacement ne s'estompèrent pas. L'air boudeur elle croisa les bras sur sa poitrine, et elle opta pour une moue renfrognée. Mais la petite s'avançait avec son allure assurée, rythmée par le clap clap de ses mains. A mesure que la brunette avançait, la plus jeune semblait impressionnée et reculait à petit pas. Définitivement Charlie était terrifiante. Des menaces, bien plus réelles, fusèrent de sa bouche mais Lily ne les comprenait pas trop. Est ce que Charlie allait rester seule sur le toit enfermée après avoir balancé la blondinette par dessus la barrière ? Ou alors, est que Charlie allait assassiner la demoiselle et laisser son corps pourrir à tout jamais sur le toit ? Ou simplement allait-elle enfermer de nouveau Lily après avoir été libérée ?


Eh bien eux ils ont des ailes, ça aurait été bien pratique. "Tu vas même pas m'aider un peu ?" Lily-Rose se dirigeait déjà vers la porte pour la taper de son épaule frêle. Elle espérait pouvoir la défoncer mais c'était vraiment peine perdue. Elle continuait pourtant. Jusqu'à ce lasser et plutôt vers la barrière, en se penchant elle demanda "Tu crois que ça ferait mal si on sortait ? Ou .. Tu crois qu'on nous entendrait si on criait ?" La blondinette tourna la tête vers Charlie, restée assise.

La brune se plaît à torturer la jolie blonde, s’en est presque devenu une source de divertissement pour elle, des gamineries qu’elle aime entretenir. Après ce qu’elle ose encore appeler accident, survenu pendant leur enfance, Charlie avait envisagé de se faire pardonner par Lily. Elle a toujours eu des remords, une culpabilité qui l’invitait à faire mieux, devenir quelqu’un de bien, mais très vite elle la balaya, l’enfouit au fond d’elle pour ne plus jamais y repenser. Ce serait bien trop douloureux de repenser au passé, alors elle préfère continuer à l’embêter, jouer à la peste qui se prend pour la reine d’un empire bien pitoyable. Pourquoi se comporter en adulte quand on peut juste fermer les yeux et avancer comme si de rien n’était ? Alors voilà, en tant que reine, Charlie ne lèvera pas le petit doigt, elle regardera son sujet danser pour elle. "Je te laisse te débrouiller, montre moi à quel point t’es intelligente.” La belle accompagne cette phrase d’un sourire moqueur alors qu’elle sort son téléphone de sa poche. Elle balaye l’écran à la recherche d’un nouveau divertissement, le temps que Lily s’épuise à trouver une solution. Se pensant plus intelligente qu’elle, que tout le monde même, elle est persuadée que la blonde en est incapable, que seule elle a le pouvoir de les faire sortir. Avec sa super intelligence, elle trouvera bien un truc. C’est très sûre d’elle que la lycéenne se met à fixer un peu plus son écran tandis que sa rivale tente d’ouvrir la porte, avant qu’une idée, plus ou moins de génie, passe par son esprit. C’est tellement évident qu’elle n’y a pas pensé. Il suffit juste de demander à quelqu’un d’ouvrir la porte, rien de plus simple. Sauf que voilà, Charlie aime jouer à la vilaine, surtout avec Lily, c’est pourquoi elle se hâte de cacher son téléphone avant de jeter un coup d'œil vers la plus jeune.

Ca l’apprendra à vouloir faire la maligne.

Ce sourire toujours narquois au visage, elle se lève rejoindre Lily près de la barrière. “Je peux te jeter par dessus, tu me diras si ça fait mal.” Dit-elle avant de se mettre sur la pointe des pieds pour mieux voir par-dessus la barrière. “Tu peux crier si tu veux, mais le moyen le plus efficace serait que tu rejoignes une fenêtre en t’aggripant au mur.” Elle jette un rapide regard à la blonde, la regardant de la tête au pied. “T’as pas l’air très musclée, mais tu peux toujours essayer. Oublie pas de venir m’ouvrir après !” Elle ne se lassera donc jamais de se moquer d’elle…

Intelligente, la blonde ne se décrirait jamais comme ça, ce serait comme insulter toutes les personnes intelligentes de la Terre. Alors ce serait compliqué de montrer à cette feignante qui ne voulait pas lever ses fesses du sol pour aider qu'elle pouvait l'être. Elle essaierait au moins de montrer qu'elle n'est pas débile. Tout le monde la pense "débile" la Lily et ça peut en être vexant, d'autant plus quand sa plus grande ennemie, sa tortionnaire torturée, était sûrement la plus intelligente. Même si elle faisait come si elle ne le croyait pas, l'anglaise ne pouvait pas non plus se mentir à elle-même. Mais c'était bien son intelligence qui la rendait monstrueuse, qui lui donnait un ascendant sur la plus jeune. Alors Lily-Rose tambourine sur la porte, pensant qu'elle avait pu se tromper, que celle-ci pouvait s'ouvrir de l'intérieur. Un coup un peu trop fort lancé par l'épaule, un couinement qu'elle tente de garder pour elle. On abandonne la porte, issue visible, pour aller vers l'horizon, le ciel à perte de vue et en bas l'herbe des espaces. La jolie blonde veut crier, mais préfère laisser tomber sa fierté pour s'appuyer sur le cerveau boosté de la brune. Finalement Charlie semble plus enclin à chercher comment partir. Toujours dans l'agressivité c'était ahurissant. "Tu sais, j'ai pas besoin que tu me jettes, je peux sauter toute seule pour te dire si ça fait mal." Un regard vers le fantôme de l'autre bout, qui se tenait devant le vide. Elle était morte certe, mais rien ne disait que ça avait été douloureux. Elle se croyait maligne, levant le menton avec une posture fière, bras croisés. Elle le baisse vite son menton pour regarder le vide et la hauteur. "Tu crois vraiment que ce serait plus efficace ?" Elle se penche encore plus, sans regarder la rebelle à ses cotés. Elle l'aurait fait elle si elle était restée toute seule sur le toit comme le plan le voulait ? La première fenêtre était juste en dessous, mais elle n'avait pas l'air ouverte, il faudrait alors la casser. Et se faire super mal. "Je suis peut être pas assez musclée mais au moins j'ai des grandes jambes, je peux au moins passer la barrière." Au départ, quand les mots sont sortis de sa bouche, ce n'était pas visé. Puis elle jeta un coup d'oeil à sa voisine, c'est vrai qu'avec sa petite taille elle n'irait pas très loin. "Ok, bon bah c'est parti."


Lily enlève alors sa veste et vide ses poches, pour être sûre que rien ne tombe et ne soit irrécupérable. Elle agrippe à deux mains la barrière, un dernier regard vers le vide et son coeur s'emballe de vertige à la pensée de tenir en équilibre là haut. Son ventre se tord et elle adresse des mots teintés de craintes à Charlie. "Ca craint rien ? T'es sûre ? T'es vraiment sûre de toi ?" Elle avait des allures de chiot effrayé, bien loin de la fierté mais apparemment elle n'avait d'autre choix. La brune avait parlé. Son pied droit s'appuie sur le bas de barrière finalement, sa jambe gauche passe de l'autre côté et ses mains bien accrochées ne bougent pas d'un pouce. A cheval sur le métal, au bord du vide d'un côté et en Enfer de l'autre, des tremblements se font sentir. Elle change doucement ses mains de côté. Puis jetant un coup d'oeil, une nouvelle fois, du côté du vide, elle sent des larmes lui venir. Mais c'était sa bêtise et elle devait la régler. C'était le seul moyen d'après Charlie. Alors la jambe droite passe à son tour et Lily quitte l'Enfer. Les tremblements redoublent et des larmes pathétiques finissent par couler sur ses joues. "Charliiiiiiie !!! Je vais tomber !!!!!" Crié de toutes ses forces alors que l'autre est juste en face. C'est la peur qui s'empare de tout son corps. Et même de sa vengeance.

Parfois, Charlie a tendance à oublier à qui elle a affaire. Peut-être car elle estime qu’on a tous un minimum de bon sens en nous, mais voilà que la blonde arrive toujours à lui prouver le contraire. Décidément, elle est bien trop naïve pour faire face à Charlie. La brune aime se moquer de la plus jeune, mais elle s’est toujours dit qu’au fond, elle sait qu’il s'agit bien d’une blague, n’est ce pas ? Grave erreur que de croire en la bonne conscience de la blonde, sauf que Charlie s’enfonce un peu plus dans cette faute. “Oui, certaine.” Elle répond, persuadée qu’aucun être humain normalement formé se tenterait à descendre par le toit. Peut-être que Lily-Rose essaye de la faire marcher en lui montrant qu’elle croit en ses mots et que finalement elle va lui avouer qu’elle joue la comédie depuis le début. On se rassure comme on peut, la lycéenne ne veut surtout pas sa mort sur la conscience. Elle ne veut pas sa mort tout court d’ailleurs. Enfin, c’est ce qu’elle pensait jusqu’à ce que la blonde commence à l’attaquer sur sa taille. On ne s’en prend pas à sa taille, non mais...

Finalement, tant pis s’il lui arrive quelque chose.  

Alors Charlie se contente de hausser les épaules à sa remarque, persuadée qu’elle ne va de toute manière pas franchir la barrière et risquer l’impossible. Quelle idiote essayerait de descendre du toit comme ça ? Personne, pas vrai ? ...Pas vrai ? Alors qu’elle la regarde, toujours les bras croisés, elle voit Lily vider ses poches et s'agripper à la barrière. Elle ne va quand même pas le faire… La brune se répète cette phrase en boucle, convaincue que la plus jeune a un minimum de jugeote. Elle va reculer, n’est ce pas ? Charlie reste silencieuse, trop préoccupée par ce qu’est en train de faire la lycéenne. Ses yeux s’écarquillent quand elle la voit enjamber la barrière. Mais c’est vraiment une imbécile ? C’est pas possible. Charlie met du temps à comprendre que la scène se déroulant sous ses yeux est réelle.

Ce n’était qu’une blague Lily-Rose….
Une blague qui devient un cauchemar.

“Mais t’es vraiment une idiote c’est pas possible ?! Mais merde Lily !” Son sang ne fait qu’un tour, insulter devient alors son seul moyen de libérer son angoisse. Peut-être qu’elle ne la porte pas dans son cœur, mais ce n’est pas une raison pour la faire risquer sa vie. “Lâche pas la barrière !” Elle crie, s’approchant précipitamment d’elle. Charlie évalue très rapidement la situation et constate que la demoiselle semble avoir trop peur pour escalader la barrière à nouveau. “T’es vraiment trop conne putain…” Elle marmonne tout en s’accrochant à la barrière pour passer à son tour du côté du vide. La belle jette un rapide coup d'œil sous ses pieds, constatant la hauteur à laquelle les deux demoiselles se trouvent. Apeurée, elle l’est, sauf qu’elle s'efforce à ne pas le montrer à la plus jeune par fierté, mais surtout pour ne pas la faire paniquer encore plus. D’un ton plus calme qu’avant, elle lui donne des indications. “Je vais te tenir le dos, tu ne pourras pas tomber, alors profites-en pour enjamber la barrière. Fais-moi confiance.” Exercice difficile quand c’est cette même personne qui l’a incité à venir jouer avec le vide. Charlie s'exécute de suite et enlève sa main droite de la barrière pour venir la poser dans le dos de la blonde, la retenant tant bien que mal de chuter en arrière. Elle sent ses jambes trembler mais elle s’efforce à garder son calme. Elle a l’habitude de se retrouver dans des situations impossibles, mais là, c’est une première. “Bon Lily, bouge-toi !!” Elle hausse le ton, sentant sa main gauche se fatiguer.

Faisons la paix juste un instant.

C'est parce qu'elle avait des choses à prouver à Charlie et au monde entier que Lily finissait dans des situations impossibles quelques fois. Si la personne en face n'avait pas peur, elle ne devait pas avoir peur pour pouvoir se montrer au même niveau. C'était une partie totalement idiote de son esprit, comme un mantra qui lui disait de ne pas se poser de questions. Il lui disait de se lancer les yeux fermés sans regard en arrière. Au moment de passer complètement du coté du vide, elle se rappelait de ça -fermer les yeux, aucun regard en arrière- et trouva ces indications dépourvue de sens. C'était juste impossible de fermer les yeux, ce serait encore plus risqué que l'acte en lui même de s'élancer dans le vide. Avait-elle besoin de préciser que c'était la chose la plus inconsciente qu'elle faisait de toute sa vie ? Elle ferait tout pour fuir le toit et Charlie. Mais ça, c'était peut être trop et la blonde s'en était rendue compte très vite. Ses larmes avaient fini par céder après que les tremblements s'étaient intensifiés. Elle avait regardé en arrière, avait été prise de vertige et avait crié pour l'aide de Charlie instinctivement. Un aveu de faiblesse obligatoire. La plus jeune n'a pas le choix. "idiote" cette fois-ci Lily le méritait vraiment, elle le savait. Depuis quand est ce qu'on devait croire tout ce que disait son ennemi ? Preuve ici qu'il ne fallait pas le faire parce qu'à tout moment il pouvait organiser votre meurtre et le déguiser en suicide. Ses larmes redoublèrent devant la brune, elle se retrouvait petite fille à demander du secours à son aînée. "N-non je lâche pas." Lily-Rose serrait plus que tout la barrière avec ses mains, elles étaient figée dessus alors même que ça en devenait douloureux. Ses jambes aussi étaient figées, tétanisées par la pensée qu'à un millimètre près c'était la chute. Une chute mortelle évidemment. Ses yeux, qui la piquaient horriblement, suivaient le parcours de Charlie. Alors qu'elle s'approchait de la barrière en marmonnant ils se baissèrent, honteux. "Charlie... Je suis désolée..." Elle marmonnait elle aussi, ne sachant pas si elle voulait vraiment qu'on l'entende. Mais c'était de sa faute à Lily, quand le petit ange change d'attribution il ne peut y avoir que des répercussions. Les ailes brûlées, ce n'était pas par elle-même qu'elle pourrait s'en sortir.

La demoiselle ne regardait plus que ses pieds pour s'assurer qu'ils ne bougent pas. Charlie aurait pu partir et la laisser toute seule, dans le cas inverse Lily-Rose n'aurait pas été sûre d'avoir les capacités d'aider la brune. Mais elle l'entend, sa voix, elle n'est pas comme d'habitude. Puis elle la sent sa chaleur, elle est près d'elle mais pas pour lui jouer un tour. On lui explique doucement à Lily, il faut prendre son temps même dans un état de panique. Lui faire confiance ? C'était elle qui l'avait laisser aller jusqu'au bout quand même ! Cependant, est ce que la blondinette avait vraiment le choix de lui accorder sa confiance ou non ? Non, non, non. Ici c'était littéralement une question de vie ou de mort. Lily-Rose hoche doucement la tête, trop paniquée pour faire sortir le moindre mot de sa bouche. La plus jeune ferma les yeux un instant pour se rassurer. Tout allait bien se passer. On lui cria dessus, lui faisant rouvrir les yeux directement. "O-oui j'y vais!" Sa jambe gauche se leva tout de même sans grande assurance, même lourdement pour enjamber la barrière.

Pourtant elle y arriva, à repasser du côté de l'Enfer.

Une fois que ses pieds avaient retrouvé une surface sûre, Lily se sentit déjà mieux. Pourtant son corps tremblait toujours. Elle s'approcha de la barrière et tendit les bras vers Charlie. "L-laisse moi t'aider à revenir."


Mais le pire c'était encore quand, réalisant ce qui s'était passé, les jambes lâchaient et qu'on se retrouvait par terre, dos à la barrière, pleurant sans s'arrêter. "En plus d'avoir failli mourir maintenant c'est fichu ! Personne viendra nous ouvrir et on va finir par mourir toutes les deux sur ce toit ! Parce qu'on a rien à boire et à manger et qu'on peut pas aller aux toilettes ! Pourquoi tu m'as laissée faire ça aussi ?? On a failli mourir je te signale !" Le flot se déversait, par crainte de ne jamais pouvoir le verbaliser.

Jouer à la méchante, c’est un personnage tellement plus confortable pour celle qui joue à la rebelle. Dire qu’elle pourrait s’excuser, faire preuve d’un minimum d’empathie pour la demoiselle qu’elle a blessé mainte et mainte fois. Sauf qu’elle préfère s’enfoncer dans ses erreurs, brûler un peu plus cette bonne personne qui se cache en elle. Peut-être qu’elle mérite d’être derrière cette barrière, loin des autres, de ceux qu’elle peut blesser. Sauf que Charlie n’est qu’une lâche, un petit chiot effrayé qui se cache en aboyant plus fort que les autres. C’est toujours avec cet air calme sur le visage qu’elle regarde la blonde retourner en sécurité, tandis que ses jambes tremblantes trahissent ses vrais sentiments. La peur de tomber, de disparaître sans n’avoir jamais rien accompli de bon. La brune force ces pensées sombres à disparaître temporairement de son esprit, le temps d’une inspiration pour reprendre son calme. Voyant la plus jeune tendre les bras vers elle, la lycéenne l’ignore, ne lui accorde même pas un regard.

Charlie n'a besoin de l’aide de personne, encore moins de la sienne.
Car Charlie n’a pas de faiblesses.

En tout cas, pas face à Lily-Rose. Resserrant son emprise sur la barrière, elle passe une jambe après l’autre assez habilement pour se retrouver en sécurité plus vite qu’elle ne l’espérait. Un soupir de soulagement traverse ses lèvres alors qu’elle s’éloigne instinctivement du vide, se retrouvant face à Lily, en pleure. Alors que dans un élan de gentillesse insoupçonné, ou juste de culpabilité, elle s'apprête à lui demander si elle va bien, ce qui n’est évidemment pas le cas, la blonde la coupe dans son élan en se mettant à se lamenter. Charlie reprend instantanément cet air supérieur, croisant ses bras sur sa poitrine, ne laissant apparaître aucune faiblesse. “Donc c’est moi la méchante maintenant ? Qui nous a enfermé sur le toit déjà ?” Pas une once de culpabilité dans la voix, c’est que Charlie est une actrice. “Tu n’as qu’à pas être aussi naïve, tu pensais sincèrement que c’était une bonne idée de grimper sur l’école comme ça ?” Elle lève les yeux au ciel, sortant son téléphone de sa poche. “Heureusement que je suis là.” Heureusement qu’elle est là pour mettre les autres en danger, et pour finalement se faire passer pour la sauveuse. Les yeux rivés vers son écran, elle commence à écrire un message à un de ses camarades de classe, lui demandant s’il pouvait venir ouvrir la porte du toit. “C’est bon, c'est réglé. T’es contente ?” Elle tend le téléphone vers la plus jeune, lui montrant la réponse positive de leur sauveur. La lycéenne a hâte de pouvoir quitter cet enfer, prétendre que tout cela n’est jamais arrivé.

Personne ne pourrait dire qu'elle n'avait pas essayé de rétablir un semblant de paix. On l'avait bafouée, on l'avait presque jetée du haut du toit et on l'avait ignorée. Lily-Rose refusait d'avoir une dette envers Charlie et surtout une aussi importante. Sauver la vie de quelqu'un ce n'était pas anodin, même si tenter de la tuer ne l'était pas non plus. Dans l'estime de la blonde, son optimisme galvanisé, sauver quelqu'un était un acte plus marquant. Même si, venant de Charlie, elle n'oublierait jamais cette tentative de se débarrasser d'elle. Alors pour rendre la pareil, aider et sauver aussi, même une personne aussi monstrueuse que son aînée de petite taille, elle avait tendu la main. Mais l'autre avait fait comme si de rien, comme si après tout, se tenir se tenir là dans le vide n'était rien d'autre qu'une blague. Un acte anodin, facile à effacer. En vérité Lily n'observait pas assez Charlie, ça lui aurait fait trop de mal, elle ne voyait pas que la brune cherchait juste à sauver les apparences. Ce refus d'aide était simplement un affront. Mais les larmes de soulagement après la grande peur coulaient déjà et ses paroles encore sous le choc de l'évènement se déversaient sur l'aînée. "Pour le toit, je me suis déjà excusée je te ferais dire !" Parce que Charlie, bourreau du coeur de la jeune fille était aussi indifférente à la peur qu'un robot. Elle en devenait effrayante aux yeux de Lily-Rose.


"Mais ! T'as un sacré culot quand même ! Je... je ." te faisais confiance, trois petits mots qu'elle avait du mal à lâcher. Ils étaient ridicules ces trois petits mots, ils n'avaient aucun sens parce que c'était idiot d'accorder ne serait-ce qu'un peu de confiance à sa pire ennemie. Une rivale qui ne lui voulait que du mal depuis toujours. Lily ne pensait juste pas que c'était à ce point. L'autre sort son téléphone pendant que la demoiselle renifle péniblement, les larmes pleines du sérum de la colère. Elle chancelle. Ca ne servait plus à rien de dire quelque chose alors que sa vie avait été mise en danger sachant comment se libérer du toit. La blonde le message en travers et murmura simplement. "Ouais ouais j'suis contente d'enfin être libérée." Ses pieds se dirigèrent vers la porte pour camper à l'ouverture. Sans un merci, sans un au revoir elle sortit enfin. Respirant un grand coup.

Charlie ne méritait pas de regard en arrière, et pourtant Lily craquait toujours.