avec elzie l’on se cachait dans ces endroits où le soleil n’allait pas car les adultes non plus. il y faisait plus froid mais ça ne faisait rien. de toute façon, il faisait encore moins bon là où l’on était sensé se rendre à chaque heure comme l’école le matin ou bien la maison le soir.
lovés contre des angles obscurs l’on s’oubliait un peu les bleus.
quand même syncere les lui voyait.
— t’es tombée. qu’il lui fait d’une voix fluette - il a neuf ans.
— ouais. qu’elle lui répond, à des arpèges tout aussi frêles - elle a neuf ans à l’identique.
— en jouant ?— bah ouais en jouant !— avec qui ?— mon père. et ma mère - les deux en fait voilà.— menteuse tu mens.— arrête syncere tu m’énerves- t’es chiant !ses yeux à lui se sont écarquillés ronds comme des billes - de plomb - parce que c’était presque gros comme un gros mot le mot
chiant, quand même.
— moi si tu continues je vais dire à tout le monde que tu me regardes les genoux alors que tout le monde sait que ça se fait pas de regarder les genoux des filles. persifflé derrière lui.
— mais- je-— arrête - et arrête de bouger.contre sa nuque il sent les doigts d’elzie, aux ongles ras qui manquent de riper sur l’attache et de le griffer au passage. assis en tailleur dessus la poussière du local à vélo, il songe au souper auquel lui ne va pas tarder à être en retard - quel jouet l’un des grands du foyer va-t-il lui confisquer ? il se les liste à l’esprit et puis, constate qu’il les avait déjà tous rayé. alors il s’inquiète mais qu’à peine.
— ta-da ! s’exclame elzie et cela fait sursauter.
olala t’as peur de quoi ! ponctué ricanant.
— ah-— hé regarde.tout en revenant là devant lui - la robe rose passé d’elzie traine sur l’asphalte mais elle s’en fiche - sous le nez de syncere elle s’empare de ce qui l’ornait désormais, brillant joli au creux de son cou maigre : le petit demi-pendentif. au creux du cou maigre d’elzie : l’autre moitié. rassemblées par elle pour lui montrer ravie - cela les oblige à se placer tout près et lui se fige, livide.
— ça forme un cœur t’as vu ??— o-ouais-— mais pas un cœur d’amoureux t’as vu, c’est marqué.— c’est marqué- quoi ?— toi c’est marqué meilleurs et moi c’est marqué amis - ça fait que c’est un cœur de meilleurs amis !— a-ah…silence.
elzie statique à son tour cesse de sourire soudain - l’admire de ses regards immenses, turquoises et tombants, cadrés de mèches blondes qu’on n’avait pas ni lavées ni démêlées depuis longtemps il le sait.
— t’aimes pas ?— si-si !— t’es pas d’accord ?— beh- si ?— tu penses j’aurais dû choisir un autre truc ? tu penses j’aurais dû prendre quoi ?— j-je sais pas non-— syncere on est les meilleurs quoi ?— les meilleurs-… amis.— bah ouais ! alors quoi ?— r-rien je veux dire-— allez quoi ? dis-le moi !— je veux dire-m-… merci. elzie.silence encore.
c’est qu’elle ne s’y attendait pas.
en un éclair s’écarte de lui tout en expirant des risettes.
— pfiou- j’ai cru que tu détestais et tout !— non- sinon je te l’aurais dit…— ok trop cool !!la première qu’elle se lève - plutôt que de la voir faire lui préfère mirer le sol gris, afin de ne pas survoler ses genoux.
— c’est juste…— quoi ?— … j’espère juste qu’on me le prendra pas.— chez toi ?un léger hochement de tête - puis deux - avant trois, la main d’elzie, tendue vers lui intime de se tenir debout pareillement. il s’y tient pour concéder docile - une fois sur ses deux pieds, ne la dévisage toujours pas droit.
— on te le prendra pas !— qu’est-ce que t’en sais…parfois on lui dérobe jusqu’à son oreiller - carrément arrivé que syncere dorme par terre.
— on te le prendra pas je te dis - c’est un collier de meilleurs amis, c’est marqué donc tout le monde le verra - ils sauront qu'ils ont pas le droit.— … et toi ?— et moi non plus - en plus c’était trop chiant à mettre alors pas possible que mon père ou ma mère me l'enlève ! ils ont des gros doigts.(systématique, forment des poings).
cliquetis métalliques - elzie qui défait l’antivol pour récupérer sa bicyclette.
en écho les viscères de syncere se tordent, froissées lui pèsent comme si elles étaient tout à coup faites d'aluminium.
— tu- devrais pas retourner là-bas - reste ! reste ici avec moi !— hm… ? sans œillades tout de suite car elle s’attelait à chevaucher la petite reine, serrant fort le guidon pour garder son équilibre.
— tu- tes-… tes genoux, c’est- une très mauvaise augure, intrinsèque il le sent. trébuche sur sa réplique.
moche. tu devrais mettre un pansement.— pff arrête de regarder mes genoux j’vais t’taper !mais elle ne le frappera pas.
elle ne le frappe jamais. ils avaient les mêmes paumes elle et lui.
maladroite en mouvement, les rotations du pédalier lentes au début, afin que les au revoir ne soient pas trop furtifs - qu’on se les offre en s’observant.
— hé tu me dis pas à demain ? — beh- si- si, à demain.— à domani syncere !— arrivederci- elzie !malgré qu’aucun des deux n’aient la moindre couleur d’italie - et finalement elle file cheveux au vent.
souvent syncere se demande si les colliers à l’inverse
(amis pour lui, meilleurs pour elzie) l’on se serait revu
demain comme promis et non pas jamais de la vie.
- +:
— syncere est né à prague, dans une famille trop dysfonctionnelle pour s'y éterniser - rapidement refourgué aux services sociaux, fait qu'il a mal grandi en foyer.
— se fait sa première et seule amie à l'école primaire : elzie, dont les parents étaient assez zinzins eux aussi, en témoignaient les ecchymoses qui la bariolaient régulièrement.
— fréquent que les deux soient pris pour cible par les autres enfants, au moins ensemble l'on ne craignait rien car le fait d'être acolyte décourageait les turbulents - ainsi l'on s'amusait insouciant et ce pour la toute première fois. c'était nouveau et très précieux.
— c'est elzie qui lui a fait cadeau de son artefact (sans le savoir) sa moitié du collier à elle dénué de surnaturel. ils avaient neuf ans elle et lui lorsqu'elle les a fièrement paré des pendentifs. et puis ils se sont dit à demain.
— elzie n'est pas revenue en classe après ça.
— les surveillants du foyer se sont petit à petit rendus compte des comportements étranges vis-à-vis de syncere depuis son retour avec le collier - ont fini par comprendre la nature de l'objet et l'ont envoyé sur sajna sans attendre.
— depuis syncere macère.